Sous un ciel wallon pesant comme un couvercle familial mais ne pouvant en aucun cas servir d'excuse, une exceptionnelle histoire de la violence intime, cruelle et salutaire.
Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/04/16/note-de-lecture-
baisse-ton-sourire-christophe-levaux/
On n'est pas d'un pays mais on est d'une ville
Où la rue artérielle limite le décor
Les cheminées d'usine hululent à la mort
La lampe du gardien rigole de mon style
Ces quatre vers liminaires de la chanson « Saint-Étienne » (1975) de
Bernard Lavilliers auraient aisément pu se glisser en exergue de ce nouveau roman de
Christophe Levaux, publié chez Do en janvier 2023, dans lequel une certaine Wallonie industrielle jouerait ce rôle forézien d'industrie de la mémoire collective appliquée à un individu. Et l'on pourrait croire d'abord que «
Baisse ton sourire » sera une brûlante démonstration de l'enracinement d'une personnalité humaine dans un terroir puissant et déshérité, pour le pire et peut-être pour le meilleur aussi. Mais les premières confidences, d'emblée, ayant trait à la figure du fameux footballeur belge Gilles de Bilde et à son coup de poing d'une extrême violence assené à un autre joueur, sur le terrain, en 1996, comme celles concernant les éclats de voix (et davantage) incessants vécus dans l'enfance du narrateur, nous alertent vite pour nous signaler que si le ciel bas et lourd pesant comme un couvercle sur les rêves et les possibilités d'échappée aura bien son rôle à jouer ici, il va s'agir en réalité de tout autre chose, et que ce récit d'apprentissage et d'amour se concentre sur un autre objet, fuyant et terrible.
Fabrice Capizzano avait ancré son «
La fille du chasse-neige » (2020) et son combat de l'amour contre la possibilité de la violence intime dans une famille où le pétage de plombs rencontrait la musique rock, et où la résolution d'une bergère exceptionnelle entrouvrait des issues.
Christophe Levaux, dont on sait depuis «
La disparition de la chasse » (2017) à quel point il sait donner un sens complexe à un paysage, et depuis « le tas de pierres » (2018), écrit en collaboration avec sa soeur Aurélie, à quel point il sait peser au plus juste l'impact d'une géographie sociale et physique sur des enfances, a construit ici une formidable, essentielle même, histoire de la violence, intime et cruelle, tragique et sans complaisance. Dans la crudité des mots et des situations, dans les moments d'entrechoc et dans les moments d'espoir, dans la quête de plus en plus illusoire d'une sérénité de couple dans les avanies écrites et comme programmées, donc, il nous offre un roman bouleversant et salutaire, dur au mal et vertigineux, songeur et dévastateur.
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