Stratégie de Sir Basil Liddel Hart est un livre référence pour tous ceux qui suivent une formation en sciences militaires, politiques ou historiques. C'est un essai ardu à lire qui apportera pourtant des éclairages pertinents aux personnes qui s'intéressent aux faits de guerre.
Pour ce qui est de la lecture, je l'ai précisé précédemment, elle est difficile pour des raisons bien détaillées par le billet de Luniver, que je ne reprendrai pas.
Hart, décédé en 1970, a écrit cette oeuvre majeure en analysant toutes les batailles décisives de l'Antiquité à la Seconde guerre mondiale. Sa pensée et la pertinence de ses remarques sont aujourd'hui toujours appliquées par les Etats modernes. Il s'oppose à
Clausewitz, autre théoricien de la
stratégie.
Clausewitz promouvait la bataille frontale, de masse et de puissance comme l'élément décisif qui ferait gagner un conflit. Au contraire, Hart estime que la force est celle de l'intellect. Car seule l'intelligence permet l'analyse de la situation, des forces et des faiblesses de l'ennemi et donc favorise la réussite des actions militaires.
Hart le rappelle, l'action militaire ne s'inscrit pas seule. Elle est un moyen pour un gouvernement, non pas de gagner la guerre mais de conserver la paix.
L'action politico-militaire se décompose en trois ensembles dépendants. D'abord, la grande
stratégie. Dirigée par les politiques, elle définit le but politique recherché et fixe les objectifs généraux à atteindre. Ensuite, la
stratégie qui est la planification des actions militaires possibles contre l'adversaire et qui permet d'atteindre les objectifs définis par le politique. Enfin, la tactique qui correspond à la mise en oeuvre de la
stratégie sur le terrain.
Hart tire la conclusion que seule la
stratégie indirecte porte ses fruits. Elle appuie sur les faiblesses de l'ennemi, en un lieu et un moment où il ne s'y attend pas. S'appuyant sur la désinformation de l'adversaire, elle ne se veut pas destructrice mais surtout paralysante par ses effets et elle est bénéfique par l'atteinte des objectifs recherchés. Car Hart rappelle que la guerre n'est pas une fin en soi, mais, notre naïveté ne doit pas nous faire admettre qu'elle n'est, parfois, pas la solution pour conserver la paix.
Les Etats modernes, démocratiques ou pas, partagent tous la pensée que le conflit apporte toujours plus d'instabilités et de désavantages que de gains. La Guerre Froide et le contexte actuel le prouvent, il n'y a plus de conflits « à l'ancienne ». « La grande
stratégie [définie par les politiques] doit envisager des perspectives plus lointaines, car son problème consiste à gagner la paix [p.565] ». La destruction de l'autre n'a aucun intérêt.
La difficulté surgit lorsque l'Etat lutte dans une guerre asymétrique, où l'équilibre des forces n'existent pas et ne permet pas un affrontement direct sur champ de bataille, éléments que n'a pas analysés Hart. Ce fut le cas lors des guerres de décolonisation mais c'est également le cas quand l'adversaire est aveuglé par le fanatisme et qu'il n'envisage pas autre chose que la destruction de l'autre comme objectif. le principe de la
stratégie tel que l'envisageait Hart devient alors pour partie caduque, la lutte contre l'Etat islamique est un parfait exemple de la nécessité d'adapter la pensée stratégique à cette nouvelle forme d'agression et d'insécurité.