Que s'est-il passé en cette soirée du mois de juillet sur une plage de l'île d'Oléron ?
En cette période estivale où il fait bon sentir les effluves marines, humer l'air des marais salants, déguster les fameuses huîtres, profiter de la vie tout simplement, tout est le mieux dans le meilleur des mondes sauf pour un jeune homme qui va voir sa vie basculer du jour au lendemain, comme si c'était déjà écrit d'avance, jamais la mort n'aura paru si déplacé quand vous êtes découvert à moitié enseveli dans le sable, le crâne défoncé ...
A la fin de cette lecture, je ressens comme une boule à l'estomac, ce n'est pas la première fois quand je lis des thrillers ou des polars, pourtant à chaque fois, l'effet est toujours saisissant, comme un étau qui s'est refermé progressivement dans mes tripes, viscéralement, cette histoire est terrible, anxiogène. du début à la fin.
Tout est parfaitement décrit à la perfection, le sentiment de se projeter physiquement dans cet environnement insulaire, l'auteure connaît tous les coins et recoins comme sa poche, le lecteur appréciera le sens du détail, les différentes activités économiques poussant les locaux à rester dans cet endroit isolé, seul un pont sépare l'île du continent, le tourisme bat son plein en cet été bercé par le vent de l'Atlantique jusqu'au drame.
L'idée d'associer et les forces de la gendarmerie locale et l'appui de la police judiciaire comme une aide providentielle n'est pas un procédé nouveau dans une enquête policière, quand une écriture incisive met un point d'honneur à transcender une intrigue de facture classique dans le déroulé pour se démarquer, pour apporter le petit plus en s'intéressant davantage à la psychologie des personnages, tout le monde est un suspect potentiel, ces jardins secrets qui se refusent à se dévoiler si facilement, ce passé embarrassant et énigmatique, le poids du silence et des non-dits, les deux enquêteurs ne seront pas de trop pour sonder, creuser les pistes, récolter des indices, le rythme de l'histoire est à l'image de l'atmosphère qui plane sur l'île, languissant, apaisant, trop lisse ou paradisiaque pour ne pas se douter de quelque chose, chacun vaque à ses occupations quotidiennes avec ses convictions et tempéraments, la force d'empathie n'en est que plus tangible pour pénétrer au coeur de l'âme humaine.
"Sale affaire, pauvre gosse !"
L'humour au deuxième degré voire salace parfois, une ironie mordante pour casser la stupeur de la nouvelle qui met la population en ébullition, méfiez-vous des apparences, tout semble plonger les personnages dans un été en pente douce, une ambiance lourde et empreinte de rancoeurs, de regrets éternels, les ressacs n'en finissent pas de faire entendre leur fureur, les mouettes sont les témoins de la monstruosité qui peut tapir dans l'esprit humain, les souvenirs sont mélancoliques mais aussi douloureux, l'auteur a su admirablement construit son intrigue dans l'alternance présent-passé, une vie en accéléré pour le meilleur et le pire, l'inéluctable pour repousser toujours plus l'échéance, la fatalité du déchaînement des évènements, l'impuissance d'arrêter la marche du temps, cette boule d'anxiété qui grossit pendant ce temps, une écriture qui se veut pourtant bucolique, poétique, des instants magiques pour des moments de bonheur de tous les possibles, un cliché de carte postale pour une réalité trompeuse, des rivalités qui se perpétuent au fil des siècles dans l'histoire des hommes, les personnalités narcissiques, les travers et revers qui font chavirer les digues du coeur et toutes les émotions, c'est l'histoire de Matthieu mais aussi celle de tous les humains subissant les outrages des moeurs, des innocents qui voulaient juste vivre, quand vous découvrirez la vérité, ce drame aurait-il pu être évité, toute la question est de savoir comment les choses ont-elles pu déraper à ce point ?
"Certains faits du passé permettent de mieux connaître la victime et aident très souvent à résoudre les enquêtes"
Il sera question d'une quête identitaire, de plonger au milieu des flots agités d'un passé qui cherche à s'oublier pour mieux y revenir en force, la folie qui attend son heure, la vie est une affaire de choix et de hasards, à l'instar de l'enquête judiciaire qui, sous des dehors d'une mécanique implacable et ordonnée, peut s'embourber à tout instant dans les sables mouvants, dans le précipice des destins brisés, la compassion est d'autant plus ressentie qu'elle nous place en face de nos propres certitudes, de nos peurs les plus primaires, ces démons intérieurs qui fouettent l'esprit, qui la culpabilise pour mieux l'attendrir de temps à autre, ces écorchés de la vie qui attisent la colère et la haine, les tensions qui prennet des proportions grandissantes, les enquêteurs pourront-ils démêler ce noeud inextricable, cette foule de personnages qui souhaitent enfin découvrir la vérité pour mieux la fuir, une danse qui met en joue la vie et le diable, la messe est finie, les oiseaux migrateurs passent leur chemin et continuent leur long voyage vers des cieux plus cléments, que reste-t-il de nos amours ? Que ferions-nous pas pour refaire le monde et prendre un autre chemin ? Celui de la liberté d'être, d'assumer ses choix et trouver finalement la voie de la sagesse et celle de l'espoir de découvrir l'amour.
Si la découverte du coupable reste l'une des clés de la résolution d'un homicide, les faisceaux de présomptions toujours plus nombreuses qui engluent les enquêteurs, relier les fils pour reconstituer la toile, une mission qui se vit au rythme lancinant des pas du commissaire Eustache, le policer et ceux du gendarme local, Oscar Sonde. Ensemble, deux uniformes, deux méthodes de travail, unies pour résoudre une affaire qui va s'avérer des plus complexes que les mobiles qui motivent habituellement ces crimes : jalousie, vengeance ou argent ?
Le cri des mouettes pour faire écho à ce cri silencieux qui a retenti un nuit de juillet, les désirs frustrés, la douleur qui resurgit des tréfond de l'âme et des souvenirs pénibles, l'incommensurable et l'impardonnable, au fond du puit de sable ...
Un premier roman qui démontre déjà tout le savoir-faire d'une auteure qui manie à la perfection les codes du polar en apportant sa touche particulière, cette légèreté dans le mouvement et la dynamique d'une intrigue alambiquée par le nombre croissant de suspect potentiel au fil des investigations, en intégrant et en imbriquant parfaitement les us et coutumes d'une région sauvage mais non dénuée d'attraits historiques, socio-économiques, c'est un polar qui nous embarque dans un terroir pour en saisir l'essence vitale d'une population ancrée dans ses traditions, les caractères tantôt rustres, tantôt couleur locale avec ses difficultés liées par les rigueur du climat, le vent, la faune sauvage, tout converge vers une conclusion des plus inattendues, lire une histoire c'est aussi se cultiver, ce livre ne fait pas exception, la plume est maîtrisée, fluide pour se laisser embarqué dans un voyage aux portes de la folie douce contrastant avec le mal à l'état pur.
Un livre édité par Geste éditions 'Un retour aux sources. Une nouvelle ère", un éditeur qui présente tous les aspects d'une grande maison d'édition avec un catalogue impressionnant d'ouvrages et de livres pour défendre la culture des "pays" entre la Loire et la Gironde.
Une très belle couverture pour un ensemble quasi photographique, une mise en page sans faute, de l'excellente édition.
Défendre l'identité culturelle régionale, sauvegarder l'histoire des coutumes et autres dialectes sont un des fers de lance pour justifier à travers la littérature notamment,
Meurtre sur Oléron - les mouettes ne se marrent plus de
Line Dubief en est l'illustration de par l'histoire évoquée et les nombreuses références culturelles qui l'accompagnent, témoigner de l'activité humaine dans cette partie du Pays pour perdurer les traditions et les préserver au fil du temps.
Meurtre sur Oléron - les mouettes ne se marrent plus de
Line Dubief, un premier polar maîtrisé de bout en bout, une excellente surprise !!!