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EAN : 9781092011112
Anacharsis (22/01/2015)
3.33/5   6 notes
Résumé :
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans la petite ville de Fermo, une bande loufoque de partisans, fonctionnaires, prostituées et paysans attend fébrilement la grande fête révolutionnaire et l’avènement d’une société sans classes.

Sous la forme d’une auto­biographie picaresque, Luigi Di Ruscio orchestre dans sa ville natale une comédie humaine à l’italienne, peuplée de figures tour à tour burlesques, tragiques et tendres.

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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Voici une folle immersion dans l'Italie d'après-guerre empêtrée dans la naissance de la République et l'opposition quasi proverbiale entre la Démocratie Chrétienne qui règne en maître et le Parti Communiste Italien, une fresque vivante et exubérante peinte par l'étonnant Luigi di Ruscio. Fils de maçon, né en 1930 dans ces Marches italiennes, sans le sou et sans travail, émigré plus tard à Oslo où il fut ouvrier du métal, Luigi di Ruscio croque avec vigueur le portrait d'une étourdissante galerie de personnages qui composent la section Palmiro, cellule locale du PCI, baptisée d'après Palmiro Togliatti, un héros communiste et membre fondateur du Parti.

LA PLACE DU VILLAGE.

« Je croisais La Rouille et je lui demandais : “Pourquoi on t'appelle La Rouille alors que tu es noir comme un corbeau ?” Il me répondait que tout ça c'était des bouffonnades, que le seul truc sérieux c'était la révolution, et le soir on allait jouer au rami chez le marchand d'or en gros. »

On les voit presque, ces hommes qui se réunissent au bistrot autour d'une partie de carte ou de billards, on les entend ces discussions animées qu'on imagine arrosées du goût fort et sucré du caffè corretto a grappa. La vie danse entre les distributions de tracts, le collage d'affiche, les réunions de la section, les petites arnaques, les promenades en vélo pour faire des photos. Les femmes sont belles, et le le « soussigné » va les voir au bordel, fait l'amour au théâtre, au cinéma et dans les champs, même si « faut dire c'est pas commode de faire l'amour sous la pluie ou dans la neige, quoique si l'amour est vraiment très grand et très romantique, c'est tout à fait possible, même par dix degrés en-dessous de zéro. » On se laisse séduire par elles aux bals populaires ou on les rencontre sur la place du village, cette place sur laquelle gravitent toujours les mêmes groupes étanches les uns aux autres, les sympathisants haut en couleurs et ceux qui sont moins sympathiques.

Il y a La Rouille, l'ancien résistant qui faisait l'estafette en se faisant passer pour cocu, Tiffon le coiffeur nain – mon favori – qui attend le grand soir de la Révolution en annotant La Théorie de l'insurrection d'Emilio Lussu, Catarina la seule femme de la section, le donneur de sang, Loccace pour qui tout est grave et qui n'enlève pas son béret, Margi qui ne veut pas parler, Sanclaro qui entasse les livres et cherche la jonction entre les faits et les pages, l'entraîneur de foot, l'illettré qui lit le journal et le poète autodidacte qui saisit ses lecteurs par le colbac. « Il y a des philosophes jamais sympathisants, des mathématiciens dilettantes jamais sympathisants, et des inventeurs anarchistes. » Luigi di Ruscio nous remémore la guerre qui n'est pas loin derrière, les espions, les fascistes, les Allemands, et puis la libération un jour « lumineux ». La résistance a son lot d'histoires que l'on se raconte et qui m'ont rappelé celles de mes grands-pères, les petits et hauts faits qui sont devenus boutades, quand bien même ça impressionne. Évidemment, il y aussi la grand-mère, sa maison inoubliable, et sa recette pour chasser les esprits qu'elle ne livrera que sur son lit de mort. « T'en fais pas mémé, je m'en occupe des esprits. »

LE THÉÂTRE DE L'ITALIE

« Quand ils retirent leurs lunettes c'est comme s'ils levaient un rideau de fer : ils sont blancs comme des cadavres et racontent toujours dans les réunions qu'ils nous transmettent les salutations du parti. Et ça transmet les salutations d'un pari qui va finir à l'arrière-garde de tout si ça continue comme ça. le culte de Staline je veux bien, mais on peut quand même pas reporter le culte sur cette armada de dirigeants avec ou sans lunettes, parce que ça serait une belle saloperie contre-révolutionnaire ! Il faut détruire la fossilisation bureaucratique du parti, si la fossilisation bureaucratique a pris le pouvoir partout il faut tout casser, avec la révolution on cassera tout, l'état bourgeois comme la fossilisation du parti, tout doit être détruit ! »

D'un côté de la place, un Parti bien immobile, engoncé dans sa bureaucratie et tenu en laisse par des fonctionnaires dirigeants qui aiment les plaintes de la jeunesse quand elles sont joliment tournées, et surtout bien cadrées. En face, l'Italie bien-pensante et dévote, la Démocratie Chrétienne et sa legge truffa, les bonnes familles et leur hypocrisie à hurler, qui « préfèrent les belles vierges Renaissance bien tranquilles » et méprisent ouvertement les jeunes filles déshonorées envoyées sur le trottoir par leurs fils qui les ont dépucelées quand elles étaient domestiques. Luigi di Ruscio ne ravale pas sa colère, clame son amour de toutes les jolies femmes, et se moque des curés qui excommunient les communistes mais bénissent leurs maisons, pierres innocentes. D'ailleurs, ces hommes de dieux sont les premiers à accourir pour les enterrements, mieux vaut une onction in extremis qu'un cercueil recouvert d'un drapeau rouge, souvent la mère et les soeurs préfèrent.

Sans oublier le fascisme et le souvenir omniprésent des cafards noirs honnis de tous, que les Italiens viennent à peine de voir « sombrer dans le néant où il restera à jamais, indépendamment des conneries que la classe dirigeante continuera à perpétrer, à moins qu'il ne soit miraculeusement ressuscité par les Etats-Unis d'Amérique devenus spécialistes en résurrection et instauration de gouvernements improbables et monstrueux, encore plus répugnants que l'état fasciste. » Pas le droit de rigoler, avec le fascisme. Encore moins de comparer les funérailles du grand cumulateur de mandat local avec les immenses parades mussoliniennes, sous peine de se faire arrêter. Pourtant, l'imitation du Duce par Testolini est hilarante mais « le fait est qu'on rit toujours trop tard, si le peuple italien avait ri à se faire péter les côtes quand Mussolini faisait ces discours à la con il se serait épargné la catastrophe de la Seconde Guerre Mondiale. »

« TANT QUE JE PEUX ECRIRE JE VIVRAI. »

« Il fallait absolument lire au plus vite l'article de fond de L'Unità, savoir immédiatement quelle était la ligne politique du parti pour caler mathématiquement le travail politique de la journée. »

L'antagonisme entre Démocratie Chrétienne et Parti Communiste forme une toile de fond certes colorée, mais de laquelle Luigi di Ruscio se détache singulièrement, le ton un peu moqueur et toujours prêt à défourailler l'ironie. Ils semblent bien comiques, finalement, ces partisans qui se réunissent et se divisent sans fin autour journal. Ce n'est pas comme ça qu'on la fera, la Révolution, et d'ailleurs on l'attend toujours. Luigi se gausse un peu. Lui le poète, l'amoureux, est peut-être plus libre qu'eux. Ils le savent, ceux de ses camarades qui lui imposent une séance d'autocritique à cause de ses poésies jugées trop « populistes, anarchistes et individualistes »

« Personnellement j'ai été critiqué parce que je jure comme un charretier, que je parle fort et qu'au café je m'obstine à soutenir des causes absurdes comme de raconter que Gina Lollobrigida n'a rien dans le ciboulot, et c'était comme si je calomniais Notre-Dame des pleurs. On a le droit de calomnier Notre-Dame des grâces qui malgré son nom n'accorde jamais la moindre grâce, mais pas Notre-Dame des pleurs qui elle fait plein de grâces, et sans faire de distinctions, parce qu'elle au moins elle est pas anticommuniste, la preuve son dernier miracle c'est d'avoir trouvé un boulot à un camarade sans qu'il soit obligé de renier sa foi. »

Si l'écrivain aime faire l'amour au moins autant que débattre de politique, il lit beaucoup et découpe méticuleusement les pages les plus belles. Sa révolte s'exprime dans une langue vivante, orale, et son écriture se balance de l'exubérance à la poésie. Quel choc que ces pages centrales, quelle beauté dans ce long réquisitoire glissé entre deux anecdotes ! Luigi di Ruscio se lance corps perdu dans une véritable charge poétique et bouleverse par sa prose, sa profession de foi, sa volonté d'écrire sur l'usine, contre l'usine, d'écrire « l'ignominie de l'usine » et la lutte des classes impossible car personne ne veut la laisser faire, « quand leur grand dieu monétaire est dévalué les classes moyennes ne croient plus en rien, même pas en la Vierge, la religion est totalement impensable si le dieu monétaire ne réévalue pas. »

Moins catholique que le Pape, il est plus communiste que les communistes et s'éloigne au large de Staline, tyran et dieu vivant. « Evidemment, c'est sûr qu'à force d'aller à gauche on finit par se retrouver à droite, parce que la politique est ronde elle aussi, et il doit y avoir un point où la confusion doit être terrible, indescriptible, même pour le grand Dante Alighieri qui a pourtant magnifiquement décrit tout le bordel du monde. » Luigi di Ruscio flirte avec l'anarchie, la belle et libre anarchie, et rêve de s'enfuir, songe à l'écrit et nous transporte par ses élans. Et je le crois quand il nous dit : « partout vous trouverez ma poésie invisible. »
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Page 105 de Palmiro, Luigi di Ruscio écrit: " notre poète est capable d'être une véritable terreur: il prend le lecteur par le colbac et le secoue comme un prunier ". C'est exactement la sensation que l'on éprouve à la lecture de ce roman publié en Italie en 1986. On est secoué autant par la drôlerie des personnages et des situations éminemment burlesques que par le sérieux des propos qui sont très fort, encore très actuels, sur le comportement des militants (des partisans), sur l'organisation et le fonctionnement des partis politiques, et sur les désillusions qu'ils entraînent. L'histoire se déroule après la seconde guerre mondiale, dans la petite ville bigote de Fermo, le fascisme a laissé des traces profondes faites de l'acceptation des uns et du combat des autres, une bande loufoque de jeunes partisans, dont fait partie l'auteur, c'est le côté autobiographique du roman, est engagée avec fougue dans le parti communisme de Palmiro Togliati. Une galerie de personnages plus drôles les uns que les autres,mais souvent dépeint avec férocité. La Rouille, le cocu de l'institutrice qui passe des messages à la barbe des fascistes sous couvert de lettres d'amour. Tiffon , le coiffeur nain, ardent partisan de la révolution, Loquacce qui parle peu et conclut toutes ses phrases par " c'est grave ", Morici, le commissaire qui espionne tout le monde, et s'espionne lui-même, Ducierge qui espère que les jupes des filles vont encore raccourcir, Margi qui ne parle presque jamais , mais qui est très estimé du groupe justement parce qu'il n'a pas parlé sous la torture, et Moustique, Jacomollo etc... La gravité des propos, par exemple sur la gauche qui a force d'aller à gauche finit par se retrouver à droite, parce que la politique est ronde. Sur la politique officielle claire et nette des journaux, et celle mystérieuse à laquelle personne ne comprendra rien. Sur la fossilisation bureaucratique des partis, sur l'attitude des partis vis à vis des poètes, sur la jouissance que procure le pouvoir, etc... C'est toute la comédie humaine italienne de l'après-guerre telle qu'elle fut montrée dans les films de Vittorio de Sica et de Roberto Rosselini que l'on retrouve dans ce merveilleux roman entraîné par une écriture vive, pleine de trouvailles tant comiques que poétiques. Il faut ajouter une très belle préface de Massimo Raffaeli qui situe parfaitement l'auteur et l'oeuvre, ainsi qu'un avertissement de l'auteur, qui en 2 pages décrit l'ampleur de sa désillusion vis à vis du communisme.
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Drôle mais pas seulement, tous ces personnages à peine caricaturés reflètent la vie italienne dans ses années troublées.

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, on assiste à la création de Palmiro, cellule locale du Parti Communiste italien, le nom Palmiro est un hommage à l'un des membres fondateurs qui s'appelle Palmiro Togliatti. Les personnages de cette histoire se retrouvent sur la place du village pour discuter, échanger et refaire le monde. Ils passent aussi du temps à distribuer des tracts et coller des affiches.

Mon personnage préféré est La Rouille, un gaillard très impliqué dans ses activités politiques et proche de notre héros. Peu de femmes et une seule dans la section Palmiro : Catarina. Autour de ces communistes, des fascistes, des curés et Luigi au milieu, qui aime la littérature, la poésie et se sent libre malgré les critiques de ses compères.

Touffu et délirant, une histoire qui nous entraine au coeur de cette Italie des années après guerre.

Ce que j'ai aimé : le décor bien planté, les personnages très vivants et la découverte de cette époque de l'intérieur.

Ce que j'ai moins aimé : le récit est un peu fouillis et très dense. Difficile de reprendre son souffle. Pas de dialogue entre ces personnages et beaucoup de descriptions alourdissent le style.

Maintenant à vous de voir.
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critiques presse (1)
Telerama
11 mars 2015
Un roman picaresque, tragique et burlesque qui se lit, s'entend et se voit.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Au bordel il y avait deux salles d'attente, une pour les gens du commun et l'autre pour les personnes respectables, que les gens du commun devaient surtout pas voir. Bref, les personnes respectables voulaient pas perdre leur respectabilité. En effet qui détient le pouvoir se drape toujours d'une grande respectabilité, mais sous cette respectabilité il y a sûrement les communes misères, qu'il faut soigneusement cacher derrière d'énormes parements sacrés.
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