Petite réflexion dominicale sur la notion de « Révolution ». J'avais laissé des commentaires en temps réel au bas de la critique d'André (Andman) sitôt après l'élection de monsieur Macron. Je me permets de les recopier tels quels (vous pouvez aller les consulter directement sur sa critique) et d'en formuler quelques autres aujourd'hui.
Commentaire du 3 juin 2017 : « Je ne sais pas si je puis me permettre un commentaire alternatif, André, mais j'ai une lecture tout autre de la situation que nous vivons. Il convient d'abord de définir rapidement ce que l'on nomme gauche, droite, extrême gauche et extrême droite.
D'abord la droite : ce sont ceux qui considèrent qu'en l'état, le système est bon et qu'il faut le maintenir sans y faire d'ajustements particuliers. En gros, tous les possédants se situent à droite, vu que la situation leur est favorable et ils s'opposent bec et ongles à toutes les tentatives de redistribution (on les nomme aussi, à raison, les " conservateurs ").
Ensuite, la gauche : ce sont ceux qui considèrent qu'en l'état, le système est bon mais qu'il nécessite de petits ajustements aux marges, d'où leur surnom autoproclamé de " progressites ". Donc droite et gauche sont, ce que l'on peut appeler " le système ".
Maintenant qu'est-ce que l'extrême gauche ? Ce sont ceux qui considèrent qu'en l'état le système n'est pas bon et qu'il faut en changer (donc révolution au sens premier du terme). le changer pour quoi ? Pour quelque chose de nouveau qui n'a jamais existé. Évidemment, cela fait peur à certains car personne n'a jamais eu l'expérience de ce système qu'ils proposent, par définition.
Enfin, qu'est-ce que l'extrême droite ? Ce sont ceux qui considèrent qu'en l'état le système n'est pas bon et qu'il faut le changer non pas pour quelque chose de nouveau mais pour, au contraire, un retour à quelque chose qui aurait eu lieu avant (donc contre-révolution, mais révolution aussi). Par exemple, une France fantasmée du plein emploi, entièrement blanche, influente dans le monde, économiquement solide, etc., etc.
Or, Macron, qu'est-ce que c'est ? C'est le coeur du système, par définition. Et donc, par définition également, il ne peut pas être révolutionnaire. Ce qui a changé en politique, c'est que la situation est devenue tellement mauvaise qu'elle n'oppose plus ceux du système situés à droite contre ceux du système situés à gauche, mais elle oppose désormais ceux qui sont pour le système à ceux qui veulent le faire péter.
Je rappelle qu'à la dernière élection, au premier tour, dans plusieurs départements ce sont Marine le Pen et Jean-Luc Mélenchon qui sont arrivés aux deux premières places. C'est en cela que la donne a changé. le système est tellement menacé qu'il est obligé de se rassembler pour survivre, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.
Et, je le répète, s'il y a un jour révolution, ce ne sera pas Macron qui en sera l'acteur ou bien alors indirectement, comme étant la tête à couper... Mais bon, comme d'habitude, ce n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
Commentaire du 9 décembre 2018 : « Je me permets juste de recopier ce que j'avais écrit sitôt après l'élection et que vous pouvez retrouver plus haut : " le système est tellement menacé qu'il est obligé de se rassembler pour survivre, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. Et, je le répète, s'il y a un jour révolution, ce ne sera pas Macron qui en sera l'acteur ou bien alors indirectement, comme étant la tête à couper... "
Le but n'est pas de démontrer que j'avais raison mais bien de se poser une question : nous assistons, en ce moment, partout en Europe et plus généralement dans le monde, à une déliquescence du système qui a prévalu pendant 5 siècles, oui, je dis bien, 5 siècles.
Or, ce système est à bout. Il viendra forcément quelque chose ensuite, quoi, je n'en sais rien, mais il est important de réfléchir collectivement à cet après. C'est une erreur de croire qu'on pourra longtemps rafistoler le système que nous avons tous et toujours connu jusqu'à présent. Il se meurt, il est déjà mort.
À la vérité, son acte de décès date de 1971, le jour où Richard Nixon a déconnecté la valeur du dollar de celle de l'or. Vous allez me dire : " Oui, mais ça fait bientôt 50 ans ". Certes, certes, 50 ans, à l'échelle d'une vie humaine c'est long, mais 50 ans, à l'échelle des temps historiques, ce n'est pas grand-chose, c'est le temps qu'il faut pour basculer d'un système à un autre.
Nous vivons les dernières convulsions du capitalisme tel que nous l'avons connu : il ne s'en relèvera pas. Il nous faut veiller à ce que de la bête moribonde n'émerge pas un monstre encore plus hideux. Je ne pense pas non plus à l'hydre des années 1930. Ce sera autre chose, quoi, je l'ignore, malheureusement. »
Peut-être est-il pertinent de se rappeler Antonio Gramsci : « La crise est le moment où l'ancien ordre du monde s'estompe et où le nouveau doit s'imposer en dépit de toutes les résistances et de toutes les contradictions. Cette phase de transition est justement marquée par de nombreuses erreurs et de nombreux tourments. »
D'après moi, la crise de 2008 est le signe de la perte du statut hégémonique des États-Unis dans le monde. C'est facile de dire que quelque chose est fini, plus ardu de deviner ce qu'il adviendra ensuite. Il n'est pas douteux d'affirmer que l'intelligence artificielle est, elle aussi, à sa façon, une révolution en marche.
Une révolution qui va totalement reconfigurer le marché du travail. La population mondiale croît, le besoin mondial de main-d'oeuvre décroît du fait de la mécanisation et, dans bon nombre de domaines, va même totalement disparaître quand l'intelligence artificielle sera entrée en action.
Qu'allons-nous faire de ce temps libre ? Les possesseurs ne feront pas l'économie du revenu universel. Il y a encore quelques années, on n'en entendait pas parler, maintenant, son nom froufroute un peu partout, il est au programme (explicitement ou tacitement) de nombreux partis politiques (c'était le cas en France du candidat du PS à la dernière élection présidentielle, c'est le cas ailleurs en Europe).
Oui, mais après ? Car il s'agit bel et bien d'une révolution. Mesdames, Messieurs, vous avez en chair et en os, sous vos yeux ébahis le visage d'une révolution. On vous en avait parlé dans les livres, en condensant dix années en une page, mais ici, vous le vivez pour de vrai.
C'est angoissant pour certains, trop lent pour d'autres, inutile ou injuste pour une certaine catégorie, mal fait, mal conduit pour une autre, c'est enfin un espoir pour d'autres factions. Bref, c'est ça, une révolution. Ça durera peut-être jusqu'en 2030 ou après, mais il est important de prendre conscience que ce qui a commencé avec la Réforme protestante au XVI ème siècle, qui avait lui même mis fin à dix siècles d'un autre système basé sur la religion catholique et la féodalité, est en train de s'achever sous nos yeux.
Quelque part, nous aurons de la chance d'avoir connu ça, tout comme les enfants de 1810 enviaient leurs parents d'avoir connu des temps si glorieux. (Ce n'était pas du tout l'avis des parents, qui eux, avaient vu tous les dangers, tous les atermoiements, toutes les compromissions et qui finalement se demandaient s'ils avaient réellement gagné au change.)
Ce qui a changé, ce qui est réellement nouveau dans l'histoire de l'humanité, c'est le fait de pouvoir tous communiquer, d'un bout à l'autre de la planète. Peut-être allons-nous assister, pour la première fois de l'histoire à l'émergence de la démocratie car, je le rappelle, ce que nous connaissons, c'est une république, pas une démocratie.
Peut-être le peuple va-t-il, pour la première fois de l'humanité, décider réellement en lui-même et pour lui même. Certes, on ne nous y a pas du tout préparé. Au contraire, on a tout fait pour nous abêtir et nous maintenir en état de minorité, tels des enfants toujours obligés de demander l'autorisation de papa État pour faire ceci ou cela. Papa État, par la bouche de Margaret Thatcher a toujours dit : « Il n'y a pas d'autre alternative. »
Les grands enfants vont devoir grandir un peu mais, ce faisant, ils vont constater qu'il y a des tas et des tas d'autres alternatives, certaines plus mauvaises, d'autres à peu près équivalentes et certaines autres meilleures. Toutefois, ces alternatives meilleures ne tomberont pas toutes cuites dans l'escarcelle universelle. Il faudra aller les créer, les chercher, les exiger. Ce n'est pas gagné mais c'est possible.
Quelle que soit l'alternative qui émergera, elle devra satisfaire, au moins partiellement, à un impératif de justice (au sens moral du terme, pas au sens juridique). Objectivement, les gens les plus pauvres de 2018 le sont beaucoup moins que les plus pauvres de 1958, alors même qu'on se situait dans les trente soi-disant " glorieuses ".
Ce que les gens ressentent à l'heure actuelle, ce n'est pas tant la pauvreté vraie (qui, même si elle reste toujours particulièrement difficile à vivre, est, objectivement, assez limitée, par rapport à plein d'endroits du monde ou de l'histoire de l'humanité) mais bien l'injustice. Et en cela, ils ont totalement raison.
Ce que les gens pauvres et les classes moyennes ressentent en France aujourd'hui, c'est le syndrome du 30ème. Si vous arrivez 30ème d'une course de 500 personnes, ce qui était le cas des pauvres et des classes moyennes en France il y a 50 ans, vous jugez votre sort pas terrible mais vivable ; si vous arrivez 30ème d'une course de 30 personnes (ce qui est le cas actuellement), vous vous trouvez au plus mal (alors qu'objectivement, votre classement à la course est le même).
Alors, tous et toutes, retirons de la bouche de madame Thatcher ce N et ce O, ces deux lettres qui insultent notre intelligence collective, qui insultent l'espèce humaine dans tout ce qu'elle a de créatif, de positif et de moral. THERE IS (NO) ALTERNATIVE.
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