Ce très bon ABCdaire, comme il se nomme lui-même, décrit à travers un ensemble très divers d'entrées rangées par ordre alphabétique le mouvement impressionniste, son histoire, ses techniques, la façon dont il s'intègre dans le monde et la façon dont il intègre le monde.
Je ne suis pas particulièrement féru et calé en peinture, mais j'ai aimé voir le monde de la deuxième partie du 19ème siècle vivre et évoluer, comme en symbiose avec ce mouvement pictural. Les guerres et les chocs politiques bien sûr, mais plus prosaïquement les changements d'habitudes, les déjeuners en bord de Seine, les voyages « pour voir la mer », la liberté apporté au citadin par le train. C'est une France pacifique qui découvre la notion de loisirs. L'Impressionnisme accompagne, « photographie » tout cela.
L'histoire du mouvement lui-même est intéressante. J'ai appris que l'on classe sous le terme Impressionnisme des peintres aux styles finalement divers qui ne s'entendaient pas toujours entre eux. C'est une boîte dans laquelle on rentre et d'où l'on sort quand on n'estime plus sa peinture en accord avec les « canons » du genre.
Photos et reproductions de toiles agrémentent l'ouvrage. de nombreuses oeuvres sont détaillées. Pas besoin de le lire d'une traite. Il vaut mieux picorer dedans à l'occasion. Les entrées reviennent souvent sur les mêmes sujets, affinant sans cesse le « tableau » d'une époque ma foi fort intéressante.
Un beau voyage par petites touches.
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Avec les bords de Seine, les côtes de la Manche constituent un grand pôle géographique de l'impressionnisme. Desservie très tôt par le train, urbanisée par les promoteurs du second Empire, l'embouchure de la Seine devient le rendez-vous des Parisiens pour leurs loisirs.
Les bains se font encore sur prescription médicale, mais déjà la mer n'est plus ce terrain aventureux des pêcheurs et des marins. Les peintres suivent les vacanciers se promenant sur les plages, et également les peintres de la génération précédente, Courbet, Daubigny, Jongkind qui arpentaient la côte, carnet à la main.
En 1874, une république désenchantée et prudence, la troisième, a remplacé l'optimisme criard et aveugle de l'Empire qui a sombré en 1870. On peut penser que l'avènement d'un nouveau régime politique aurait favorisé le libéralisme dans les arts. Il n'en est rien. Profondément choquée par les événements de 1870 et 1871, la société française attend de l'art qu'il remplisse une mission moralisatrice et édificatrice. Il faudra attendre les années 1880 pour que l'Etat desserre sa mainmise sur les arts, sous la pression, entre autres, des artistes indépendants ou réfractaires au Salon.
L'affaire Dreyfus, révélée au grand public en 1898 par le "J'accuse" de Zola, soulève et exacerbe les sentiments nationalistes, revanchards, antisémites qui traversent la société depuis 1871. A la recherche de la justice et de la vérité, la société se divise profondément et durablement sur l'image des valeurs fondatrices de la France. Cette ultime crise du siècle finissant touchera également les impressionnistes, eux aussi divisés en dreyfusards et anti-dreyfusards.
Ainsi ce qui les sépare essentiellement de leurs prédécesseurs, c'est une question de plus ou de moins dans le fini. L'objet de l'art ne change pas, le moyen de traduction seul est modifié, d'autres diraient altéré. Telle est, en soi, la tentative, toute la tentative des impressionnistes.
(extrait d'un article du critique Jules Castagnary dans "Le Siècle" en 1860)
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