Le livre se termine sur ces mots : "les pages les plus difficiles à assimiler ne sont pas faites pour être tournées, mais pour être relues." L'auteur fait référence à
Albert Camus dont elle est une spécialiste mais cela vaut également pour son propre texte. Je l'ai trouvé assez difficile à lire. le contenu est bien sûr philosophique (
Marylin Maeso est philosophe) avec des locutions latines (crisis, kairos, mutatis mutandis), des ismes (tropismes, historicisme) et autres notions compliquées (téléologique, hybristique). Il est surtout très littéraire. C'est très bien écrit. J'ai particulièrement apprécié les quelques traits d'humour (n'est-ce pas la politesse du désespoir ?). Il y a aussi un regard amusé, dès le titre, sur les expressions sur le thème de l'après (la collection est intitulée "Et après ?").
Je dois avouer que j'ai souvent dû relire des phrases plusieurs fois. J'ai même tout relu à deux reprises. C'est l'avantage de ce format court (il peut tenir sur 6 pages), on peut bien l'étudier et l'annoter. Surtout que l'éditeur n'a pas inclu de verrou numérique. Une belle initiative donc et un prix modique (2€) pour ce petit essai uniquement disponible en version électronique. On est quand même plus proche de la dissertation philosophique à mon avis.
Marylin Maeso est bonne élève mais je ne suis pas prof, et j'ai eu un peu de mal à donner une note à son devoir. Cela dit je peux vous dire que si la forme m'a emballé, je suis plus mitigé en ce qui concerne le fond. En voici quand même un résumé.
Nous avons tous été confronté au même événement, quelle que soit notre personnalité, que l'on soit insouciant ou au contraire que l'on se préoccupe de l'avenir. C'est de ces "hérauts de l'après" dont il est ici question. Ces prophètes, optimistes, opportunistes ou alors complotistes. Ces révolutionnaires, poètes ou rebelles. Ces obsédés du grand soir et des lendemains qui chantent (ou pas) partagent une même précipitation imprudente. Il faut dire que la période paradoxalement excitante du confinement a favorisé l'effusion de paroles au détriment de la réflexion approfondie. Ces mots ont certes pu soulager temporairement et superficiellement nos maux : présent pesant, impatience, espoir de changement, spectateur qui préférerait être acteur du changement… Beaucoup ont voulu saisir l'opportunité, prendre la parole, passer à la télévision au stade oral… Sans doute aurait-il été plus sage de s'en tenir au stade écrit, au travail de fond plutôt qu'aux jugements à l'emporte-pièce, au rôle d'artisan plutôt que d'avocat, de jardinier plus que de poète.
Quel moment plus propice en effet que celui-ci pour cultiver son jardin intime. L'auteur semble avoir de l'affinité avec cette simplicité involontaire retrouvée, ce cadeau du présent qu'à représenté cette période. Mais cette fuite sympathique ne dure qu'un moment. Car quand nous sommes vraiment coincés, nous sortons les griffes pour nous défendre, et bien souvent, attaquer. On se met alors à utiliser un vocabulaire guerrier, à rechercher des coupables ou au contraire des bergers pour nous guider, nous autres pauvres brebis confinées. Voilà comment un simple virus est instrumentalisé par ceux qui n'osent pas dire "je ne sais pas" ou "je ne peux pas" et préfèrent feindre un volontarisme faussement naïf plutôt que d'assumer un fatalisme plus réaliste.
La réalité c'est que nous sommes des animaux, fragiles, inadaptés, se débattant maladroitement face aux éléments et aux événements. Des cigales trop occupées à profiter du présent et à chanter l'avenir. Car on rêve d'un après comme on rêve d'un ailleurs, pour échapper à l'ici et maintenant, au travail de fourmi consistant à construire notre futur sur les fondations et les enseignements du passé. de ce passé certains utopistes voudrais faire table rase afin de tout reconstruire sur de nouvelles bases. Mais alors combien de morts faudra-t-il décompter ? Est-il nécessaire que la maison brûle pour commencer à prévenir l'incendie ? Hélas, nombreux sont ceux qui ont besoin d'avoir le feu au cul pour se le bouger. Ceux qui connaissent
L Histoire connaissent cette nature humaine immuable, ce cycle répété à l'infini, ce jour sans fin et sans véritable lendemain, cet éternel recommencement sans nirvana à l'horizon. Ce cycle le voici : quand les temps sont particulièrement durs, l'énergie du désespoir nous pousse à bosser et à rouler notre bosse, comme Sisyphe. On a alors beaucoup d'espoir et on consent à faire beaucoup d'efforts. Mais cela a peu d'effets, peu d'avancées, il arrive même qu'on recule et qu'il faille tout recommencer. C'est le temps de la déception d'un grand soir libérateur, d'un fraîche nuit de repos qui n'arrive jamais. A moins qu'au lieu de regarder hâtivement devant nous, nous revenions un moment sur nos pas, afin d'étudier le passé, mieux comprendre le présent, et peut-être se préparer au pire à venir.