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Jean et Marie-Noëlle Pastureau (Traducteur)
EAN : 978B09QXTQZFS
Gallimard (17/02/2022)
3.14/5   7 notes
Résumé :
A Trieste, dans le Piémont ou au bord du Danube, ces cinq histoires sur le thème de la vieillesse interrogent la relation au temps en entrelaçant le dit et le non-dit, l'ambiguïté et l'ironie. L'écrivain fait ainsi apparaître cet âge de la vie comme une période de retrait et de furtive dissidence face à la comédie sociale, où les choses immédiates ouvrent un autre rapport au mouvement du monde.
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Un recueil de nouvelles peut être un bon moyen pour découvrir la plume d'un auteur jamais lu. Avant de m'attaquer à l'ambitieux « Danube » de l'italien Claudio Magris, j'ai ainsi décidé de découvrir la plume de cet auteur connu avec ce recueil de nouvelles dont j'avais vu la belle critique sur la page de @mh17, même si les nouvelles ne sont pas mon genre de prédilection.

Le recueil est composé de cinq nouvelles qui toutes, de façon différente, tournent autour du thème universel du temps, ce temps qui passe, sa relativité, sa fugacité, et donc autour du thème central de la vieillesse, de ce qu'elle engendre mais aussi de ce qu'elle permet. Claudio Magris ayant l'âge de 83 ans, ce livre est sans nul doute fortement imprégné de ses ressentis, de ses réflexions, de sa propre expérience de la vieillesse.

La vieillesse pourrait-elle recéler une forme de bonheur et de liberté secrète ? C'est sans doute le message le plus fort de Magris présent en filigrane dans ces nouvelles. Loin de lui de magnifier cet âge de la vie, il met même en valeur la diminution physique qu'elle engendre, notamment dans la nouvelle intitulé « le prix », ce avec beaucoup d'élégance et même de poésie :

« Il regarda, par la fenêtre, les grandes montagnes englouties par la nuit, sur les cimes desquelles étaient restés accrochés quelques lambeaux du soir. Les fragments en vers ou en prose qu'on lisait à quelques mètres lui parvenaient comme une vague rumeur, se distinguant malaisément du bourdonnement rythmé que l'hypertension provoquait dans ses oreilles ».

Mais la diminution physique inéluctable semble être compensée par une forme de liberté, de retrait, de mise à distance éloignant la personne âgée de la comédie humaine que la société impose de jouer, se sentant à sa place où qu'elle soit, lui permettant de décliner des propositions s'il elle n'en a pas envie, regardant avec une certaine ironie les tendances et les modes.

La question du passage à la vieillesse est soulevée sans le dire, au moyen de certaines images qui montre combien ce thème est omniprésent chez notre narrateur quel que soit l'endroit où se pose son regard :

« Il regarda l'assiette de son voisin, qui racontait à voix haute, à demi tourné de l'autre côté, quelque chose d'amusant, et il observa la graisse qui s'était figé sur le fond. Cette sauce, un moment auparavant, était délicieuse. Qui sait où et quand les choses commencent à se défaire, s'il y avait un point précis, une solution de continuité entre le col bien apprêté et le col imprégné de sueur ».

L'autre thème majeur de ce recueil porte sur le temps et sa relativité, ses énigmes, sa façon de couler, de passer, de ralentir ou au contraire d'accélerer. La nouvelle « Temps courbe à Krems », qui donne au recueil son titre, porte essentiellement là-dessus. Passé/présent, source/embouchure, Cause/effet, Claudio Magris décortique en une longue réflexion, peut-être un peu trop longue mais riche de magnifiques et surprenantes fulgurances, ce temps. Sa linéarité versus sa circularité.

« le temps autrement dit la mort. En 1996 est morte V., une adorable petite fille qui n'est plus une petite fille mais l'est encore, même après les années du mal qui l'a torturée et défigurée sans entamer son indestructible dignité, l'enchantement de ce qu'elle a été et donc est pour toujours ».

Ces nouvelles se passent à Trieste et dans ses environs ainsi que dans le Piémont et au bord du Danube. La mer y est souvent présente, mais une mer dont il faut s'éloigner, se tenir à l'écart, ne pas regarder frontalement pour retarder le face-à-face avec sa luminosité intense et son bleu infini. Je me suis demandé si la mer n'était pas l'image de la mort, de la destination finale, la source se faisant rivière, puis fleuve, embouchure pour se jeter vers sa destination finale qu'est la mer. Dans la première nouvelle « le gardien », cet évitement m'a surprise. Il faut dire que ce récit parle d'un veuf qui veut continuer à travailler malgré son âge en étant gardien d'immeuble…comme pour retarder l'inévitable.

« Toute la vieillesse, du reste, se résume à cela : avancer pour reculer, s'engager en territoire inconnu pour se soustraire à la réalité qui presse de toute parts, anguleuse et envahissante ».

La vieillesse autorise cependant dérision de soi et humour, Claudio Magris ne s'en prive pas ce qui apporte une certaine fraîcheur à sa plume par moment si travaillée :
« Quand il était devant la mer, il lui venait un sourire embarrassé qui relevait imperceptiblement sa lèvre supérieure et découvrait un peu trop ses dents, comme Roll, le bouledogue qu'il avait eu pendant des années et auquel, d'après ses petits-enfants, il avait fini par ressembler ».

Une porte d'entrée intéressante pour entrer dans l'univers de Claudio magris et entrapercevoir une plume dense et érudite. Il me tarde de découvrir un de ses romans à présent ! Merci chère Marie-Hélène pour cette découverte !
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Cinq superbes variations sur le temps composent ce recueil du Triestin Claudio Magris (né en 1939). Les personnages le perçoivent comme un fleuve courbe et tranquille charriant et diluant peu à peu tout ce qui fut, entre ombre et lumière, jusqu'à l'embouchure azur. L'écriture est très précise, dense, subtile. Une grande découverte.

1) le gardien
Chaque matin de bonne heure, ce veuf encore plein d'allant part de chez lui en secret, arpente les ruelles triestines en évitant soigneusement la vue de « ce bleu sans fin » Il imagine un plan d'attaque, en joueur d'échec ou en fin chef d'entreprise qu'il fut, pour se soustraire à la réalité qui presse de toute part.

2) Leçons de musique
Un vieux professeur de Conservatoire se rend péniblement dans une villa luxueuse où l'attend Vilardi un ancien élève devenu maestro. le vieux maître l'écoute les paupières à moitié closes et se souvient alors que son père, Juif orthodoxe arborant caftan et papillotes et ne parlant que yiddish avait choisi de s'installer à Trieste au début des années 30. En Italie régnait alors un fascisme qui n'était pas antisémite…

3) Temps courbe à Krems
C'est une nouvelle complexe qui mélange récit d'un amour retrouvé (ou fantasmé) avec une réflexion sur le temps. A Krems en Autriche, le narrateur, conférencier émérite spécialiste de Kafka et couvert d'éloges, est abordé par une dame bavarde. Elle prétend que sa cousine Nori l'a bien connu au lycée. Or cette jeune fille évanescente aux yeux clairs en amande qui charmaient tous les garçons lui était alors totalement inaccessible. Nori pourtant répond à son appel téléphonique… le narrateur médite longuement sur ce point minuscule du coeur où convergent passé, présent et avenir. La ligne du temps n'est plus une flèche droite mais une courbe qui tend à se replier sur elle-même.

4) le prix
Serra observe l'assiette de son voisin qui raconte sans doute quelque chose d'amusant. Il se demande où et quand les choses ont commencé à se défaire. Pendant que le riche Lanzani lui verse à boire, le complimente et lui donne de grandes tapes dans le dos, le vieil écrivain se souvient du village de son enfance…

5) Extérieur jour-Val Rosandra
Au bord d'une rivière, une petite troupe s'apprête à tourner une scène. Un spécialiste du Doktor Faustus et de la Trieste autrichienne observe avec tristesse le tournage. le film se déroule pendant La Grande Guerre qu'il a vécue. Comme ses trois amis de jeunesse tous amoureux d'une même fille surnommée « l'Etrangère » il pensait alors que cette guerre serait la dernière et que naîtrait un homme nouveau. Un des trois amis a écrit un roman. A présent seul survivant, il peine à se reconnaître dans ce film…
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Livre un peu trompeur car je n'ai pas vu, indiqué en quatrième de couverture, qu'il s'agissait de nouvelles, genre littéraire dont je ne suis guère friand.

Allons y malgré tout.
Cinq nouvelles écrites par Magris Claudio, 83 ans à ce jour, sur le thème de la vieillesse. Intéressant vu l'âge de l'auteur, je suppose qu'il y aura donc un peu plus de vérité qu'un discours fantasmé par un petit jeune de cinquante ans. Ceci écrit je me rappelle d'un nonagénaire me disant, il ne faut pas vieillir.

1 - le gardien.
Vieux et retiré des affaires, le narrateur s'occupe à sa façon que je vous laisse découvrir.
Enseignement. Pour certains la retraite n'existe pas, paix à leur âme.
Baroud d'honneur pour une autre vie loin de celle que l'on a choisi avant. Mon commentaire : pour assumer ses choix il faut bien les faire afin de ne pas être dans le regret. Et il n'y a pas que l'argent dans la vie ce qui ne veut dire ne pas en avoir assez..

2 - Leçon de musique.
Le maître rend visite à un ancien élève devenu un maestro. Il ne l'aimait pas trop et en plus cet ancien élève lui demande son avis pour une composition, lui qui n'a jamais pu ni osé le faire.
Enseignement. Etre fier du relais fut il supérieur plutôt que de jalouser et avoir du dépit.

3 -Temps courbe à Krems.
Divagation de l'auteur sur la relativité du temps. Lire une nouvelle demande du temps qui peut paraître long si ce n'est interminable ou court si on est pris par le sujet.
Très long pour moi.
Enseignement. Faut il s'ennuyer pour que sa vie soit plus longue.

4 - le prix.
L'auteur est l'invité d'honneur à une remise d'un prix littéraire.
Mais avec l'âge, il n'est plus dans le coup et tout cela ne l'intéresse plus.
Enseignement : a t il raison ?

5 – Val Rosandra.
Allez, je vous laisse découvrir, mais encore une histoire de regrets.

Conclusion.

Je m'avance. Faute d'une vie non suffisamment remplie, l'auteur n'a pas accédé à ce sentiment de plénitude d'où ses récits bien écrits et bien construits mais trop imprégnés de regrets.

Deuxième conclusion.

Je reprends ma phrase que j'aime bien :

Faut il s'ennuyer pour que sa vie soit plus longue.

Qu'est ce qu'il ne faut pas écrire...

Trêve de plaisanterie. Un livre qui n'engage que son auteur. A lire pour ceux qui ont du temps.
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Un recueil de cinq nouvelles sur le thème de la vieillesse et du temps qui passe. Une découverte pour moi, marquante. Claudio Magris est un érudit doté d'un style élégant. Sa prose sonne comme de la poésie, elle est très belle. Ses histoires sont profondes et rêveuses mais sa virtuosité l'emmène parfois dans des digressions qui perdent le lecteur dans un maquis de détails scientifiques ou philosophiques.
Cette lecture n'en demeure pas moins fascinante et m'incite à me plonger dans ce qui est annoncé comme le chef d'oeuvre de l'auteur, « Danube ».
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Les sujets abordés me faisaient espérer une bonne soirée comme on peut en passer avec un vieux voisin aux souvenirs vivants.
La longueur de certaines phrases m'a malheureusement ennuyée : j'entendais une voix sans plus l'écouter.
Je le réinviterai peut-être plus tard.
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critiques presse (3)
LaLibreBelgique
25 juillet 2022
Cinq nouvelles où l'auteur joue avec les différentes facettes de la vieillesse.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LeFigaro
12 mai 2022
Dans son recueil de nouvelles Temps courbe à Krems, il a atteint le sommet de son art, avec cinq textes parfaits, tournant autour de cet axe obsédant: la fuite du temps, ce «fleuve limoneux», alors que le grand âge approche. Cinq nouvelles ciselées mettant en scène des hommes d’horizons divers, revenant sur leur passé embrumé.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LaCroix
03 mai 2022
Cinq histoires sur le thème de la vieillesse célèbrent cet âge de la vie comme celui où peut s'ouvrir une nouvelle liberté, un autre rapport au temps et au monde.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Nori S. était en terminale quand moi j'étais en première, elle était très belle et inaccessible, avec des cheveux châtains qui frisaient, plus clairs, dans l'air lumineux des grandes fenêtres ouvertes ou mal fermées du lycée : tous les élèves étaient amoureux d'elle depuis des années, ils l'aimaient avec la fidélité compacte d'un régiment de la garde. Quand elle passait dans les couloirs, absorbée et les ignorant, elle faisait définitivement comprendre à des centaines de recrues du destin cet au-delà qui, comme le dit un célèbre poème de Montale, est écrit dans toutes les images et qui sur son visage et dans ses yeux clairs en amande était écrit encore plus nettement que dans ce poème.
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Tout lui redevenait facile, plus rien ne lui pesait depuis qu’il n’était plus obligé de commander. Cela avait été son lot pendant si longtemps, des années et des années épuisantes et interminables, peut-être depuis le premier instant où il était arrivé en ville, laissant à jamais derrière lui la Moravie et ses forêts. Puis d’un seul coup, cette nécessité avait disparu et le monde était devenu un ballon rouge, qui ne pesait pas et qu’on pouvait à tout moment laisser s’en aller à sa guise.
(Le gardien)
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Il descendit de l'autobus en se tenant à la barre d'appui jusqu'à ce que son pied ait touché, non sans quelque hésitation, l'asphalte. Il s'attarda un instant à serrer le métal clair, se retirant juste à temps avant la fermeture de la porte. Il était agréable à toucher, si froid, pas encore réchauffé par d'innombrables paumes moites de sueur.
(incipit)
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Sa chevelure, qui sait pourquoi plus foncée dans mon souvenir, soir sans lune déjà tombé sur la mer et pourtant lumineux, une faible lueur encore à l’horizon ; la vague se brise, blanche, sur le rivage, se retire et revient, elle est là, clair sourire de son visage et du monde.
(Temps courbe à Krems)
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Toute la vieillesse, du reste, se résume à cela : avancer pour reculer, s’engager en territoire inconnu pour se soustraire à la réalité qui presse de toutes parts, anguleuse et envahissante.
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Videos de Claudio Magris (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Claudio Magris
Lors de l'émission “Hors-champs” diffusée sur France Culture le 16 septembre 2013, Laure Adler s'entretenait avec l'écrivain et essayiste italien, Claudio Magris. « L'identité est une recherche toujours ouverte, et il peut même arriver que la défense obsessive des origines soit un esclavage régressif, tout autant qu'en d'autres circonstances la reddition complice au déracinement. » Claudio Magris (in “Danube”)
Claudio Magris, né à Trieste le 10 avril 1939, est un écrivain, germaniste, universitaire et journaliste italien, héritier de la tradition culturelle de la Mitteleuropa qu'il a contribué à définir. Claudio Magris est notamment l'auteur de “Danube” (1986), un essai-fleuve où il parcourt le Danube de sa source allemande (en Forêt Noire) à la mer Noire en Roumanie, en traversant l'Europe centrale, et de “Microcosmes” (1997), portrait de quelques lieux dispersés dans neuf villes européennes différentes. Il est également chroniqueur pour le Corriere della Sera.
Il a été sénateur de 1994 à 1996. En 2001-2002, il a assuré un cours au Collège de France sur le thème « Nihilisme et Mélancolie. Jacobsen et son Niels Lyhne ».
Ses livres érudits connaissent un très grand succès public et critique. Claudio Magris a ainsi reçu plusieurs prix prestigieux couronnant son œuvre, comme le prix Erasme en 2001, le prix Prince des Asturies en 2004, qui entend récompenser en lui « la meilleure tradition humaniste et [...] l'image plurielle de la littérature européenne du début du XXIe siècle ; [...] le désir de l'unité européenne dans sa diversité historique », le prix européen de l'essai Charles Veillon en 2009, et le prix de littérature en langues romanes de la Foire internationale du livre (FIL) de Guadalajara, au Mexique, en 2014. Claudio Magris est également régulièrement cité depuis plusieurs années comme possible lauréat du prix Nobel de littérature.
Thèmes : Arts & Spectacles| Littérature Contemporaine| Littérature Etrangère| Claudio Magris| Mitelleuropa
Sources : France Culture et Wikipédia
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