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EAN : 9782818046258
352 pages
P.O.L. (03/01/2019)
3.34/5   64 notes
Résumé :
Il y a huit mille ans, une grande île s’étendait au milieu de la mer du Nord, le Doggerland. Margaret en a fait son objet d’étude. Marc aurait pu la suivre sur cette voie, mais c’est le pétrole qu’il a choisi. Il a quitté le département de géologie de St Andrews, pour une vie d’aventure sur les plateformes offshore.
Vingt ans plus tard, une occasion se présente. Ils pourraient la saisir, faire le choix de se revoir. On dit que l’histoire ne se répète pas. Ma... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (25) Voir plus Ajouter une critique
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Après avoir inscrit son premier roman La Centrale au coeur de l'industrie nucléaire, Élisabeth Filhol nous livre cette fois avec Doggerland une saga géologique.
Doggerland est le nom donné par les géologues à l'étendue de terre qui, il y a plus de huit mille ans, se situait dans la moitié sud de l'actuelle mer du Nord, reliant la Grande-Bretagne au reste de l'Europe.
La dernière grande île du Doggerland aurait été inondée suite à un glissement de terrain qui s'était produit en Norvège, suivi d'un tsunami immergeant brutalement, définitivement, forêts, marais, animaux et hommes, toute une civilisation.
À la fin de ses études, dans les années quatre-vingts, Margareth, géologue, a choisi ce territoire mystérieux, comme sujet d'études. Quant à Marc Berthelot, très lié à Margareth, il a brutalement quitté le département de géologie pour être ingénieur pétrolier sur les plateformes offshore.
Vingt ans après, une occasion de se revoir, se présente à eux, lors d'un congrès à Esbjerg, au Danemark. Mais la tempête Xaver, véritable ouragan va s'inviter également en déboulant sur l'Europe du nord.
C'est un roman où sont présents la géologie bien sûr mais aussi la physique, la préhistoire, l'économie, l'écologie, un roman politique. En évoquant cette terrible tempête, l'auteure souligne les immenses dangers que court notre planète et met en question le développement à outrance des plateformes pétrolières, des ressources naturelles, des parcs éoliens pour des profits financiers ne tenant nullement compte des terribles menaces environnementales. Ce qui relie les personnages de ce roman, ces scientifiques, c'est leur fascination pour ces mondes disparus ou en danger de l'être, et leur dépendance vis à vis des géants du pétrole. Mais ce qui plane d'un bout à l'autre de Doggerland, c'est vraiment la menace pour notre planète.
Ce livre m'a beaucoup appris sur ce fameux territoire qu'était le doggerland et j'ai trouvé judicieux et réaliste de faire côtoyer chercheurs géophysiciens et ingénieurs de plateformes pétrolières. Il permet également une approche de la réalité basée sur une formidable précision documentaire. Élisabeth Filhol nous offre un fascinant thriller scientifique dans lequel j'ai cependant parfois trouvé quelques longueurs

Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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S'il y a bien des lois que je respecte, ce sont celles de la parité et celle de l'alternance. Surtout en ce qui concerne mes lectures.
Une bouse, une perle, une bouse, une perle, une… comment dire pour définir Doggerland. Bouse serait injuste car le sujet prête à réfléchir et que l'intérêt pointe le bout de son museau au bout d'un temps certain, mais l'accouchement fut difficile et loin d'être sans douleur. Pour tout dire j'ai voulu abandonner plus d'une fois tant l'écriture d'Elisabeth Filhol m'a ennuyé, tant j'ai été largué dans ses phrases interminables. La Bretonne m'a obligé à le finir, j'ai pas une vie facile j'vous dis.

Bon y a quand même un truc qui m'a fait marrer, une sorte d'hommage à Bigard et à sa chauve souris enragée :

« Longtemps Esbjerg a été ce point particulier sur la carte qui lui tenait lieu de repère, qui avait valeur de point d'ancrage. Il bénit la Prusse, il remercie les Prussiens. Parce que, imaginons qu'ils n'aient pas gagné, que le Danemark n'ait pas été réduit ce jour-là à la portion congrue, cantonné à ses ports de la Baltique, Aarhus, Copenhague, sans rien de véritablement convaincant de l'autre coté, coté mer du nord ; imaginons qu'ils n'aient pas perdu le Schleswig-Holstein et son ouverture vers la mer, eux les Danois, ils n'auraient pas fondé Esbjerg. Leur parlement n'aurait pas voté en 1868 le creusement d'un grand port de commerce en lieu et place d'un embryon de quai et dix cabanes de pêcheurs à cet endroit. Et les champs derrière le port n'auraient pas été lotis puis des dizaines de rues tracées à angle droit, dans un périmètre d'environ deux kilomètres par trois qui délimite aujourd'hui le centre historique.»
Dans la famille « si ma tante en avait… », je veux bien Madame Filhol. Bonne pioche.

Je vais vous épargner la suite parce que j'ai cru que j'allais manquer d'air. La phrase suivante commence sept lignes avant le bas de la page 169 et se termine un peu après le milieu de la page 171. J'ai aimé « le grand bleu » mais mes capacités en apnée se sont révélées ridicules. Déjà mi page 170, j'avais commencé à prendre une teinte Schtroumpf. Faut dire aussi tout l'intérêt de ce passage.
L'idée, toujours la même. Si les Prussiens blablabla, et les danois n'auraient pas construit le restaurant parce que la ville n'aurait pas existée et que machin n'aurait donc pas pu y manger son fish and chips mais que c'est pas pour ça que les poissons s'en seraient tirés parce que rien ne dit qu'un pêcheur ne les aurait pas pêché quand même et qu'ils auraient peut être fini en poissons panés, servis avec de la purée dans un collège d'une ville construite grâce à la victoires des abeilles sur les Mayas. Bref, ça fait bien flipper tout ça.
Je pourrai citer aussi d'autres grands moments de solitude du lecteur avec des passages où il est question de valise avec la poignée en position levée, pis un peu plus loin la même poignée de la même valise ( si si la même, j'ai relu plusieurs fois pour être sur) en position baissée ou encore ce moment où avec la main droite (on ne sait pas ce qu'elle fait de la gauche à ce moment là, on reste dans le flou) elle saisie la télécommande ou encore quand elle est pieds nus sur cette belle moquette orange et grise en laine de chez Saint Maclou (je dis Saint Maclou parce que j'ai pas retenu tout le pédigrée) qui l'a faite fabriquer à partir de laine de mouton de l'élevage du mec qui fournit aussi le fabricant de gilets pour berger de la pub d'un fromage de brebis.
Oh j'allais oublier, je m'en serais voulu, probablement le plus grand moment où je me suis dit qu'elle n'allait pas faire ça madame Filhol. Mais qu'est ce qu'elle a donc fait ? Suspens suspens.
Page 186 à 188, elle nous raconte Bip Bip et le coyote. Tout est décortiqué, expliqué. Si vous n'avez pas compris un épisode du dessin animé, lisez « Doggerland », tout deviendra limpide.
Euh, l'histoire ?
Ah oui, je ne vous ai pas dit. Alors c'est l'histoire de Ted qui bosse au météo France local et qui flippe pour sa tite soeur Margaret géologue de son état qui, en compagnie de son mari Stephen (chercheur de pétrole, gaz etc) doit se rendre à Esbjerg (le truc des Prussiens, souvenez vous) pour une conférence où elle va retrouver Marc, son ex (trouveur de pétrole) perdu de vu depuis plus de vingt ans.
Pourquoi qu'y flippe Ted ? Tadadam, parce que se prépare la tempête du siècle, que dis je, du millénaire, en mer du Nord et que prendre l'avion depuis Aberdeen pour rejoindre Esbjerg (nan c'est pas en Prussie) c'est un peu être comme un crocodile qui entrerait dans une maroquinerie, vous voyez l'idée, c'est pas fin.
Deux cent cinquante pages où chaque geste est décortiqué, on se croirait sur canal plus avec le but de Neymar vu au ralenti sous 75 angles différents, deux cent cinquante pages ou le néolithique et tous les âges qui tiquent me les ont brisé menues. Une punition.
Alors pourquoi pas une bouse ?
Parce qu'en toile de fond, il y a notre planète qui se révolte. Il suffirait de peu de choses pour qu'elle expulse les locataires de passage que nous sommes. Séismes sous marins, tsunamis, quelques secondes et la terre retrouve la paix.
Les cent dernières pages changent un peu de ton. Les retrouvailles des ex avec les explications, les regrets, les espoirs. On est pas chez Harlequin même si on se doute de ce qui va se passer (non ils ne couchent pas, m'enfin) mais ça fait presque du bien de sortir du mode descriptif à outrance.

Vous l'aurez peut être compris, j'ai apprécié moyen moins quand même.
Je ne suis pas un littéraire et certaines subtilités m'échappent peut être mais mettre des mots pour faire du volume, y a un moment où ça ce voit.
Pas sur de me pencher sur l'oeuvre littéraire de madame Filhol, ni de lui envoyer mon CV pour un poste d'attaché de presse, je suis pas sur que j'aurais mes chances.
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Emportée par ta houle
Qui me roule
Et m'enroule
Qui me saoule ,
Ô mer du Nord, 
Nous ne formons qu'un seul corps...

Un tourbillon, un maelstrom, un tsunami!

Portée par un phrasé hypnotique, un style périodique à la fois savant et lyrique - la poésie, c'est une évidence, est une jeune soeur des grandes sciences du vent, de la terre et de la mer!- je viens de franchir en apnée les 60emes Nord , pas rugissants mais grondants et fondants, hissée  de vague en vague, ballottée d'appréhension en angoisse, d'avis de  tempête du siècle en cataclysme du millénaire annoncé - une petite apocalypse revigorante qui risque de remodeler le vivant tous les 8000 ans..-   sans avoir le temps de dire ouf!
 
J'en suis sortie plus savante- la climatologie et la géologie n'ayant jamais été mes tasses de thé,  j'ai été stupéfaite de constater que je pouvais m'y immerger avec délices, et même y sombrer jusqu'aux petites heures du matin sans le moindre ennui, le plus léger bâillement -, et aussi, étonnamment apaisée : en ces heures de crise climatique aiguë et de prophéties  catastrophiques, les congrès scientifiques ont une façon à eux de remettre à l'échelle   nos angoisses d'humains  nombriliques : qu'est-ce ce qu'une apocalypse planétaire ou semi-planétaire,  au regard de la vitalité de la matière ?

Je n'ai pas regretté ce voyage en Doggerland...

Sur fond de tempête Xaver et de grande -marée -avec -risque -de- submersion, trois scientifiques , Margaret Ross, anglaise, son mari, Stephen, écossais, et Marc Berthelot,un français, premier amour de l'une  en même temps que  meilleur ami de l'autre, se retrouvent - après une vingtaine d'années en ce qui concerne Marc et Margaret- , pour un congrès, en Norvège, au bord de la mer du Nord déchaînée. 

Stephen est spécialiste en énergies renouvelables et rêve d'implanter des parcs éoliens plus nombreux en mer du Nord, où le vent est si généreux. Alors quand l'outre d'Éole semble s'être tout à coup ouverte, il accourt.. .

Margaret, elle, en géologue-paléologue, se passionne depuis toujours pour le Doggerland,  cet ancien territoire immergé depuis plus de 8000 ans qui reliait à pied sec l'Angleterre au continent européen, marqué encore par la présence humaine, végétale et animale, et que seules de grandes marées, au moment du reflux, laissent alors à découvert, mettant au jour des coupes de forêts, noircies et polies comme du bronze, appelées "bois de Noé".

Un morceau de la terre  d'avant le Déluge. 
Une espèce d'Atlantide pour scientifiques.

Cette science d'un passé sous-marin, mystérieux, porteur, qui sait, d'une mémoire utile aux temps à venir, fascine Margaret, et son objet d'etude, le fameux Doggerland,  lui ressemble: à  la fois clos, replié,  silencieux mais aussi  ouvert,  réceptif, sensible, plein de sagesse et de lucidité.

Quant à Marc, arpenteur des mers, il est chercheur d'or noir pour les grandes firmes pétrolières qui s'arrachent son éternelle bougeotte, sa soif d'aventures, et surtout son flair de prédateur qui le précipite,  de plateforme en plateforme, assoiffé d'argent trop vite dépensé et d'émotions fortes,  là où se cachent  les dernières ressources de la turbulente mer du Nord. 

Pour mieux se fuir lui-même? Pour ne pas sentir s'élargir les failles, s'ouvrir les abysses qui le taraudent comme lames et vents tourmentent le palais des Congrès de ses retrouvailles avec la secrète Margaret qu'il a aimée et quittée, pourtant, si brutalement?

 Sous la baguette inspirée d'Elisabeth Filhol, tout, lentement , se met en place. Météores,  personnages, temps et lieux.

Musique symphonique,  orchestrée avec majesté,  ménageant motifs et reprises, montant en tension et en puissance, comme l'ouragan lui-même .

On est dans une attente, une vibration, une émotion qui nous hisse et nous dépasse. On se laisse emporter, à notre tour, comme fétus de paille, au-devant de cette tempête, de  cette rencontre, dans l'expectative d'un affleurement du passé dans une secousse du présent qui n'aura pas d'équivalent.

C'est là toute la force de cet étonnant roman, profondément original, différent, magistralement mené, qui  aurait bien mérité le prix du Livre Inter et qui pourtant ne l'a pas eu.

La fin, magnifique et inattendue, est le digne couronnement de cette attente sismique.
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DOGGERLAND...Énigmatique et troublant Doggerland. Cet étrange continent situé dans la mer du Nord, submergé il y a près de 8000 ans et qui reliait la Grande-Bretagne au reste de l'Europe, intrigue, oui, depuis sa découverte récente. Il fascine notamment Margaret Ross , l'héroïne, qui l'étudie. Cette géologue passionnée, spécialisée en archéologie préhistorique, n'a cependant pas encore décrypté tous les mystères de ce réservoir à études et à fantasmes.
Le livre captive d'emblée car il s'ouvre sur la description magistrale de la naissance de la tempête Xaver cette « bombe météorologique » qui a balayé l' Europe du Nord en 2013, que l'on peut comparer, à une naissance surmédicalisée, avec autant de capteurs, balises, transmissions satellites, bulletins d'alertes... cet effrayant système dépressionnaire grandit à une vitesse fulgurante accompagnant les protagonistes tout au long du roman, quadrillant et modifiant à la fois les territoires concernés et les comportements humains.
A une riche réflexion sur l'impact environnemental des modifications météorologiques, des avancées techniques et technologiques, s'ajoute, en synergie, l'histoire de Margaret et de ses probables retrouvailles avec un homme qui a compté, Marc Berthelot, désormais ingénieur pétrolier, perdu de vue depuis plus de 20 ans. Parti sur un coup de tête pour travailler sur des plateformes pétrolières.

Entre eux une distance aussi insaisissable que le Doggerland s'est installée, trop de divergences les séparent (tempéraments, choix de vie...) . Elle, mariée, mère d'un enfant, calme, discrète, lui, célibataire, sanguin, instable. Et pourtant...
Ce roman est également un brillant questionnement sur les enjeux écologiques et économiques liés à l'industrie pétrolière et aux dégâts des forages sous-marins.
L'écriture d'Elisabeth Filhol est dense et analytique. Les phrases sont longues, consistantes, le lexique expert, la syntaxe d'une rare maîtrise, les descriptions météorologiques et géologiques sont absolument bluffantes et elle écrit avec tellement de virtuosité que son roman malgré sa technicité dégage une puissance poétique.
Et puis…cet épilogue, si à part, si beau... Un super roman.
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Voilà un livre qui m'a donné un très vif plaisir de lecture cet été.
Un livre foisonnant, avec plusieurs couches successives, à l'image du paysage qui donne son titre au roman.
Mais commençons par les personnages principaux : ils sont deux. Deux personnages principaux qui vont occuper le devant de la scène : Margaret, l'écossaise et Marc, le français.
Elle, c'est Margaret. A la fin de ses études, elle s'est dirigée vers une voie très particulière : géologue, elle se passionne pour la Mer du Nord et ses hauts fonds qui, il y a encore 8000 ans, était une terre émergée, habitée, une île presque aussi grande que la Sicile. Les archéologues lui ont donné un nom : le Doggerland.
Lui c'est Marc Berthelot. Un Français qui a fait ses études de géologue à Aberdeen avec Margaret. Mais attiré par le nouvel eldorado que constitue les réserves pétrolifères de la Mer du Nord, à une époque où l'exploitation des hydrocarbures en mer du Nord est à son apogée, il a suivi une voix radicalement différente.
Et puis tout de suite, dès l'introduction, le paysage surgit. Parce que la nature, les « éléments » comme on les appelle souvent, ne sont jamais très loin dans les romans d'Élisabeth Filhol. Et là, dès ce premier chapitre mené tambour battant, c'est une tempête – baptisée « Xaver » - qui va se déchaîner sur cette Mer du Nord, une mer qui s'étire d'Aberdeen en Écosse où habite Margaret avec son mari Stephen, et un peu plus loin son frère Ted, météorologue jusqu'à Esbjerg, une petite ville danoise située dans le sud-ouest de la péninsule du Jutland, où est supposé se dérouler le Colloque qui est censé permettre à Marc de retrouver Margaret.
Tout au long de ce récit on va suivre l'épisode météo d'une exceptionnelle intensité, comme un contre-chant à l'aventure de Margaret et de Marc, sur qui le récit va porter successivement.
On épouse tout d'abord le point de vue de Margaret, qui est une femme équilibrée, carrée, bien campée et qui suit son chemin : à une époque où personne ne s'intéressait à cette zone émergée, Margaret a réussi à en faire un sujet d'enquête solide. Ancrée à Aberdeen, une ville dont l'auteure va nous livrer un portrait saisissant, on l'imagine très bien dans ses habits un peu démodés.
Une chance, d'ailleurs, cette grande tempête. Conjuguée à de forts coefficients de marée, des professionnels ou de simples amateurs entament leurs recherches « là où l'épaisse couche de sable qui les recouvrait la veille a été emportée, des forêts apparaissent ». Mais une malchance aussi. Faut-il écouter les conseils de son frère Ted, omniprésent sur les écrans des télévisions des chaînes d'info continues pour suivre la progression de « Xaver » ? Les retrouvailles lors du colloque pourraient se retrouver compromises …

Marc, lui, est son double ou son opposé – c'est selon. Ils ont fait leurs études ensemble, mais après une déconvenue professionnelle – ou bien pour une autre raison qu'on découvrira au cours du récit – il va partir subitement courir le monde, toujours en mouvement au creux de cette houle mondialisée avec ses hauts et ses bas qui le porte d'une plateforme offshore à une autre. Il faut dire qu'il est arrivé en pleine période thatchérienne, à une époque où la mondialisation balayait l'Angleterre comme une tempête sauvage, détruisant toute protection sociale comme un fétu de paille. Et il a surfé sur la vague, passant d'un continent à l'autre pour se vendre au plus offrant.

Et puis Marc et Margaret se sont éloignés l'un de l'autre à la manière de cette tectonique des plaques qui éloignent les continents les uns des autres. Pourtant on le sent dès les premières pages ils étaient très liés l'un à l'autre, à l'image de cette terre, le Doggerland, reliant la Grande-Bretagne au reste de l'Europe durant les glaciations quaternaires. Un mystérieux fil les relit, à l'image de cette terre immergée sur laquelle Margaret enquête.
Mais Marc n'a-t-il perdu toute possibilité désormais de s'arrimer, de se stabiliser et de vivre en continu une relation dans un même lieu ?
C'est paradoxalement cette petite ville d'Esbjerg, où a lieu le Colloque de scientifiques où ils sont tous deux invités à intervenir, qui est son point d'attache. Là où, entre deux missions, Marc a trouvé la poitrine généreuse d'une propriétaire d'une maison d'hôte pour l'accueillir. »La figure de Pia Andersen, telle un abri de marin. » Parce que ce mouvement perpétuel, engendré par le flux de la mondialisation, a des conséquences perverses sur la personnalité de ceux qui s'y adonnent –un libéralisme pur et dur aux séquelles puissantes qu'Élisabeth Filhol dépeint très bien.
De l'autre côté il y a ces fouilles archéologiques que mène Margaret et son équipe pour mettre à jour le « Dogger Bank » : Élisabeth file la métaphore en utilisant les soubresauts d'une tempête ou les paysages malmenés par l'homme moderne pour décrire ce qui se passe au-dedans de nous.
Car le danger guète. A force de perforer des terres immergées dans une zone à risques, on peut déclencher des catastrophes, comme cela a failli être le cas lors de l'accident d'Elgin le 25 mars 2012, qui aurait pu être très meurtrier si le vent n'avait pas été favorable ce jour-là.

Écriture au présent, avec de longues et belles phrases qui se déroulent comme un beau fil à dénouer, « Doggerland » est en définitive un livre puissamment politique, dans le bon sens du terme. La question de l'environnement y est omniprésente, mais sans être un pensum : elle aurait pu nous écrire un essai sur les risques liés à l'exploitation démesurée des hydrocarbures en Mer du Nord (tout est méticuleusement documenté) mais elle a choisi plutôt un récit captivant pour nous faire passer son message.
Oui « Doggerland » est un livre foisonnant, parce que les thèmes qu'il aborde se révèlent les uns après les autres. Comment l'auteure réussit-elle à nous captiver en nous parlant d'activité pétrolifère offshore ? Et encore plus pour qu'on suive les découvertes archéologiques à propos de cette terre émergée entre l'Angleterre et le Danemark datant il y a 8 000 ans ? Mystère. Et on pourtant on est bel et bien sous le charme de cette écriture ensorcelante, fascinante, et enthousiasmante.
On ne dira rien de l'affrontement final entre les deux protagonistes qui ont réussi à se frayer un passage par-dessus la Mer du Nord pour se rejoindre.
Ni rien de l'épilogue final, qui se situe 6 150 ans avant Jésus-Christ.
On dira juste encore une fois qu'il faut se précipiter sur le roman de « Doggerland ».
En espérant que vous y trouverez autant de plaisir que j'en ai eu pour ma part.
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critiques presse (4)
Bibliobs
20 février 2019
Dans ce livre aux strates multiples, Elisabeth Filhol compose une écofiction ultradocumentée, d'une précision technique et scientifique époustouflante – les pages sur les recherches archéologiques sont limpides – sans jamais sacrifier le romanesque.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LaLibreBelgique
05 février 2019
Superbe roman écologique d’Elisabeth Filhol. Sur le Doggerland, ce continent submergé et fragile que reviennent étudier l’amour et la technologie.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LaCroix
18 janvier 2019
Le livre s’avance comme une méditation sur la puissance de la nature, et sur celle des inclinations de l’humain, vocations ou affections. Elle est aussi une lecture fascinante en temps d’inquiétudes liées à l’évolution du climat.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LeMonde
14 janvier 2019
C’est le grand art d’Elisabeth Filhol, dans ce roman, de réussir à accompagner ses personnages dans leurs gouffres intérieurs, tout en préservant la possibilité d’un salut par le grandiose.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
Au siège du Met Office à Exeter, Ted Hamilton circule dans les allées du vaste open space, commente, s’interrompt, reprend sa marche, observe les visages derrière leur poste de travail plus exaltés qu’inquiets, juge la réaction préférable. Lui-même vient de rejoindre ses équipes et s’apprête à y passer la nuit. Il tient cette mise sous tension pour nécessaire, quand elle n’est pas nervosité stérile, voire débordement par le stress dans le pire des cas, mais bien un état de veille et d’acuité, d’éveil durablement productif, aux dimensions du phénomène. Ses agents sont formés, calibrés pour ça. Comme le sont les officiers, les chirurgiens ou les pilotes de ligne, entraînés à gérer l’exceptionnel qui n’est pas à proprement parler leur cœur de métier, mais une barre d’exigence sur la question des compétences requises, c’est ainsi que Ted Hamilton voit les choses, en Écossais aguerri, exilé ici, dans le comté du Devon, depuis qu’un ultime coup de pouce à sa carrière l’a éloigné du centre de prévisions d’Aberdeen qu’il dirigeait depuis sept ans ; il considère que la routine des trois bulletins quotidiens qui rythment la journée de travail en temps ordinaire ne doit pas masquer l’essentiel, la mission qui est la leur, faire face aux situations d’urgence, savoir mobiliser ces fonctions que la routine endort et gérer l’imprévu. Ce soir-là, l’imprévu a le visage de Xaver, qui même aux yeux de Ted Hamilton est une redondance dans l’extraordinaire, la dérive vers le hors norme d’une situation qui l’est déjà, une anomalie climatique partie pour les occuper à temps plein pendant au moins cinq jours, de son arrivée sur la côte ouest du pays cette nuit, jusqu’à son comblement au-dessus de l’Europe centrale, dimanche ou lundi.
La ville d’Exeter a été choisie pour abriter le siège du Met Office en 2003. Quand on ouvre une carte du sud de l’Angleterre, on la repère au fond d’un estuaire, environ soixante kilomètres au nord-est de Plymouth. L’estuaire est celui de l’Exe qui se jette dans la baie de Lyme à Exmouth, une petite station balnéaire où Ted Hamilton loue une maison. On peut imaginer ce que représente pour lui une migration professionnelle d’Aberdeen à Exeter, qui est à peu près l’équivalent d’une mutation Lille Marseille. Conscient que son ancrage, toutes ses racines et ses attaches sont en Écosse, il n’a pas jugé bon qu’on le suive.
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INCIPIT
Il y a huit mille ans, une grande île s’étendait au milieu de la mer du Nord, le Doggerland. Margaret en a fait son objet d’étude. Marc aurait pu la suivre sur cette voie, mais c’est le pétrole qu’il a choisi. Il a quitté le département de géologie de St Andrews, pour une vie d’aventure sur les plateformes offshore. Vingt ans plus tard, une occasion se présente. Ils pourraient la saisir, faire le choix de se revoir. On dit que l’histoire ne se répète pas. Mais les géologues le savent, sur des temps très longs, des forces agissent à distance, capables de réveiller d’anciens volcans, de rouvrir de vieilles failles, ou de les refermer.

Margaret
Ils l’ont vue naître, émerger du néant en mer d’Islande. Ils ont assisté subjugués à son éclosion, nichée au creux de son lit dépressionnaire, engendrée par un air humide subtropical égaré aux frontières de l’océan Arctique. Et maintenant elle explose, une bombe. Comme dans un film en avance rapide, il n’y avait rien, et elle est là. Plus proche de Xavère que de Xavier dans sa prononciation, avant d’être une catastrophe, Xaver est un bel objet. Justifiant, à l’initiative des météorologues européens, cette distinction d’un nom de baptême. Suffisamment soudaine, imprévisible et spectaculaire pour ça.
Ils l’ont vue surgir au sud-est du Groenland, s’extraire de sa gangue en un temps record, au nez et à la barbe des modèles numériques de prévision dépassés par la rapidité et l’ampleur du phénomène. Ils l’ont vue se lover, s’enrouler dans un mouvement ascendant de convection et accroître son diamètre en accéléré dopée par une chute vertigineuse des pressions à cet endroit ; il n’y avait rien et brutalement elle est là, d’entrée pleinement elle-même et hors norme, à peine au monde et déjà active, en possession de tous ses moyens, la voilà qui s’anime au-dessus de l’Atlantique Nord et crève l’écran, qui s’observe de but en blanc dans une forme aboutie telle Athéna sortie casquée et bottée du crâne de son père ; elle grossit, croît et se développe à une vitesse exponentielle, entame sa course d’ouest en est, s’élargit au fil des heures, en lignes isobares toujours plus nombreuses et serrées, et eux assis derrière leurs écrans traitent, analysent, évaluant à sa juste mesure l’accumulation extraordinaire de paramètres favorables qu’il a fallu, et se préparent au pire.
À ce stade aucun avis officiel n’a été diffusé. Mais déjà les fonctionnaires des agences de météorologie, ceux du Met Office, du Deutscher Wetterdienst, de Météo-France ou du Meteorologisk Institutt, sont sur le pied de guerre. Car ce que les modèles des supercalculateurs alimentés en temps réel prédisent à présent qu’on n’a plus besoin d’eux pour l’anticiper, que l’ampleur de la situation s’évalue de visu, est sans équivalent pour beaucoup de prévisionnistes, on n’avait pas observé un tel phénomène depuis vingt ou trente ans. Les yeux rivés sur les images satellites, ils n’en reviennent pas de ce qui est en cours, de ce qui se déroule à l’écart des projections à trois jours, pour les plus jeunes d’entre eux, du jamais vu. Elle grandit et se déploie telle une puissance mythologique, mi-concrète mi-abstraite, par capteurs, balises, transmissions satellites et simulateurs interposés, ni tout à fait réelle dans ce temps intercalaire où elle souffle sur les eaux de l’Atlantique sans aucun témoin, ni tout à fait théorique. Ils l’admirent pour ce qu’elle est, exceptionnelle dans ses paramètres, par leur conjonction comme un alignement de planètes dont on n’est spectateur qu’une à deux fois dans sa vie, émerveillés par sa rapidité d’évolution et son potentiel de croissance, tandis que les données défilent, réactualisées en permanence, et ce n’est qu’un début. Ils anticipent la deuxième phase, à l’approche du jet-stream, un courant de haute altitude lancé à 320 km/h autour de la Terre en vitesse de croisière ; parmi tous les scénarios qui font consensus dans une gamme étroite de variantes d’un service à l’autre, c’est la version haute qui sortira au tirage dans moins d’une heure, la plus impressionnante par un transfert maximum d’énergie au passage du courant-jet au-dessus de Xaver, renforçant la convection, décuplant sa vitesse de rotation, transformant instantanément la dépression en bombe météorologique ; partout dans les agences à travers l’Europe du Nord et de l’Ouest, ingénieurs et techniciens sont mobilisés, en collaboration étroite entre eux, en contact direct avec les autorités et les centres de gestion de crise, car ce qui se prépare est énorme, ils le savent, donnera à la tempête sa vraie dimension et sa catégorie, à partir de quoi, seront lancés conjointement et dans toutes les langues, les bulletins d’alerte.
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Ce qui reste du Doggerland, le Dogger Bank, gît par quinze à trente mètres de fond, à cheval sur le 54ème parallèle. Certains y voient une aire poissonneuse, d’autres une élévation de plancher marin propice à l’ancrage des infrastructures offshore, c’est une sorte de gué au milieu de la mer du Nord qui rend envisageable ce qui ne le serait pas ailleurs, et en même temps, tous les témoignages convergent, jusque dans les récits des capitaines de vaisseaux du temps de la marine à voile, c’est une zone dont les marins se méfient, un des hauts-fonds les plus dangereux les jours de tempête, d’autant plus difficile à contourner que son étendue est vaste, aux dimension de ce que fût l’île à ses derniers instants, avant qu’elle ne soit définitivement rayée de la carte. Sur la manière dont elle a été engloutie, les avis divergent. Mais une chose est sûre, elle offrait une terre accueillante, davantage que d’autres en Europe du Nord, et des hommes ont vécu là plusieurs millénaires d’affilée.
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On la prenait de haut jusque-là. Elle ne faisait pas rêver. Elle n’était pas, la mer du Nord, cette poule aux œufs d’or qu’elle est devenue depuis, une manne financière tombée du ciel qui justifie qu’on fasse abstraction du reste, de sa mauvaise réputation, vite rattrapée à l’épreuve des faits, le froid, la pluie, les coups de vent à répétition. Et même si la manne devait un jour se tarir, son image a changé. À son tour, comme ses maîtres avant lui, Marc Berthelot tente de communiquer aux jeunes qu’ils côtoient la passion de la prospection, des méthodes d’exploration et d’exploitation toujours plus pointues. Il n’y a rien de plus humain que cette passion-là. À la croisée de toutes les compétences de notre cerveau, analytiques, déductives, prédictives, jusqu’à l’intuition qui n’est pas pour rien dans bon nombre de découvertes, qui n’est que l’autre nom d’une impossible synthèse des connaissances à faire de manière consciente et qui émerge alors sous une forme ramassée, fulgurante, dans un télescopage qui élude les étapes du raisonnement pour ne garder que l’essentiel, la conclusion définitive, qui s’impose d’abord à l’état brut, sans la rigueur attendue, et devra ensuite être validée par l’expérience. Marc Berthelot a confiance dans son intuition. Elle l’a guidé dans son travail d’ingénieur. Elle le guide aujourd’hui dans ses nouvelles fonctions chaque fois qu’il doit s’extraire de la routine et prendre du recul. Or ce qu’il sent, ce qu’il pressent, c’est que la pression monte en mer du Nord. Que des tensions en sous-sol sont à l’œuvre, que de vieilles blessures, enfouies sous des millions d’années de sédiments et mal cicatrisées, sont en train d’être rouvertes. Dans le travail de sous-traitance pour les compagnies pétrolières ou l’éolien offshore, au gré des missions de Margeos à travers la mer du Nord, il entend ce qui ne sera pas restitué dans les rapports, une rumeur, un bruit sous-jacent au silence officiel sur la sismicité de la zone.
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Chocs et contrechocs, flambée et chute des prix, mouvements erratiques, en dents de scie, montagnes russes, suivis de près par les industriels, scrutés à la loupe par les spéculateurs, les cours du pétrole sont une mesure parmi d'autres de l'humeur mouvante, instable, du capitalisme mondial à l'instant t.
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Vidéo de Élisabeth Filhol
"Bienvenue aux éditions P.O.L", un film de Valérie Mréjen. Pour les 40 ans des éditions P.O.L, quelques un(e)s des auteurs et des autrices publié(e)s aux éditions P.O.L écrivent une carte postale et laissent un message aux éditions P.O.L. Avec par ordre d'apparition de la carte postale: Violaine Schwartz, Jean-Paul Hirsch, Lucie Rico, Emmanuel Lascoux, Jacques jouet, Philippe Michard, François Matton, Frédéric Boyer, Catherine Henri, Suzanne Doppelt, Lamia Zadié, Marianne Alphant, Suzanne Duval, Laure Gouraige, Emmanuel Carrère, Jean Rolin, Elisabeth Filhol, Célia Houdart, Nicolas Fargues, Nicolas Bouyssi, Louise Chennevière, Frédérique Berthet, Marie Darrieussecq, Jocelyne Desverchère, Jean Frémon, Kiko Herrero, Julie Wolkenstein, Emmanuelle Bayamack-Tam, Liliane Giraudon, Frédéric Forte, Pierric Bailly, Valère Novarina, Hélène Zimmer, Nicolas Combet, Christian Prigent, Patrice Robin,, Emmanuelle Salasc, Alice Roland, Shane Haddad, Mathieu Bermann, Arthur Dreyfus, legor Gran, Charles Pennequin, Atiq Rahimi, Anne Portugal, Patrick Lapeyre, Caroline Dubois, Ryad Girod, Valérie Mréjen / Dominique Fourcade, Marielle Hubert, Robert Bober, Pierre Patrolin, Olivier Bouillère, Martin Winckler, Jean-Luc Bayard, Anne Parian, Nathalie Azoulai, Julie Douard, Théo Casciani, Paul Fournel, Raymond Bellour, Christine Montalbetti, Francis Tabouret, Ryoko Sekiguchi,
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