Que raconte cette histoire? le narrateur, un chirurgien, décide d'aller s'installer à Kuujjuak au Nunavik, dans le grand nord canadien, pour vivre une peine d'amour. Il a laissé derrière lui la femme qu'il aime : Alice « […] la première Inuit médecin spécialiste.» Cette dernière est une obstétricienne d'origine inuite qui vit désormais à New York. Elle est obsédée par la propreté et le rangement et ces deux éléments ont eu raison de la relation entre les deux. Dans le Nord, le chirurgien s'occupe de soigner les blessures des Inuits, de traiter les tentatives de suicide, de transiger avec la violence conjugale, etc. Pour passer le temps, il regarde de la porno sur le Web. En ce sens, il se retrouve au pays d'Alice pour l'oublier. Mais comment effacer l'image de l'être aimé alors que finalement, tout parle de lui? Habite-t-on le territoire de l'autre pour apprivoiser sa personnalité ?
«Ça fait presque sept mois qu'on se construit des mondes parallèles. Elle dans un décor qui ressemble plus au mien et moi, ici, dans le sien. J'ai fui en toute conscience. En empruntant sa terre. Pour essayer de la comprendre et de la sentir. » (p.217)
Une identité nordique
Ce roman se lit comme une longue réflexion à l'image d'un journal intime. Tout d'abord, le narrateur a besoin de raconter les histoires d'amour de ses ancêtres pour peut-être construire son identité d'amoureux. Il dresse le portrait d'hommes et de femmes de sa lignée qui ont connu l'amour. Ensuite, il aborde sa rencontre avec Alice, leur parcours et leurs épreuves, l'échec de leur amour. J'ai adoré certains passages comme :
«Même les histoires laides et croches nous forment. Alice a été une rivière. C'est devant l'immense humilité de ce paysage solitaire que j'ai voulu l'aimer à nouveau. Une prise de conscience affective. J'irais à elle. J'avais découvert son espace. » (p. 106)
De plus, il relate son quotidien en tant qu'«urgentologue» à Kuujjuak. Il décrit magnifiquement les paysages de ce coin du monde, il mentionne sa faune et sa flore. Dans ce roman, ça sent le poisson, c'est couvert de neige, c'est peuplé d'icebergs. C'est la beauté du Grand Nord qui éclate.
«Les icebergs, il faut les voir pour les comprendre. Des masses blanches, immaculées, détachées de la banquise ou du continent, qui flottent et voguent doucement vers un Sud qu'elles n'atteindront jamais. Des glaces d'eau douce. Que le sel et la mer avale sans faire de cas. Les icebergs se renversent plusieurs fois avant de fondre complètement et disparaître. (p. 140) »
Des réflexions sur l'amour peuplent les pages de ce récit tout comme celles sur les conditions des Inuits et sur le réchauffement climatique. Les touristes sont aussi vivement critiqués par le narrateur qui se moque ouvertement d'eux et de leur passage au Nunavik.
Ils veulent voir des Esquimaux comme on va voir un éléphant au zoo du Bronx, en mangeant une barbe à papa. Mes préférés, c'étaient ceux en bateaux de croisière. On savait qu'ils n'allaient rester que quelques heures, de jour. le temps de faire semblant de manger du phoque et de la baleine. D'acheter un souvenir inuit fait en Chine et de se faire prendre en photo devant un immense inukshuk en pierre guillotinée construit par des Blancs avec une grue et une pelle mécanique.
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Nord Alice, c'est plus qu'une histoire d'amour, c'est plonger dans le vécu d'un homme qui tente de comprendre qui il est au milieu d'un peuple qui est en train de perdre son identité…
Renouera-t-il avec Alice? À vous de le découvrir!
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