Boule-De-Suif a un statut un peu particulier dans la carrière de nouvelliste de Guy de
Maupassant.
L'auteur est alors méconnu, sauf dans un cercle restreint d'écrivains de renom tels que
Gustave Flaubert, et surtout Émile
Zola. S'il est vrai que
Flaubert a eu un rôle de protecteur et d'inducteur pour la carrière
De Maupassant, s'il est vrai qu'il est normand comme lui, il me semble erroné de les comparer plus avant quant au style et au fond de leur pensée.
Ce n'est pas pour rien que la nouvelle parut dans le recueil
Les Soirées de Médan, Médan étant le lieu de la résidence de campagne de
Zola dans laquelle il recevait ses amis du courant naturaliste, parmi lesquels on peut encore citer
Joris-Karl Huysmans.
Sans nullement chercher la polémique, la nouvelle
De Maupassant est à peu près universellement reconnue comme la meilleure des Soirées de Médan et, bien que n'étant pas la toute première de Guy de
Maupassant, celle-ci marque véritablement le début de sa carrière.
À cet égard, son style est un peu différent de la myriade d'autres qui paraîtront dans des journaux et qui seront collectées en recueils. Plus longue, au style extrêmement travaillé et soupesé, mélange à la fois de qualités musicales et rythmiques mais aussi d'une volonté assumée de simplicité et d'accessibilité, c'est quasiment une forme romanesque appliquée à la nouvelle. Par la suite, l'auteur rodera un style plus typique, et plus directement adapté au genre " nouvelle ".
L'histoire, tellement connue, reconnue et rabattue, que c'est tout juste si j'ose encore vous la présenter. Nous sommes en plein hiver, la Normandie est occupée par l'armée prussienne pendant la guerre de 1870. Les " braves " gens veulent quitter Rouen, tant qu'il en est encore temps, car on ne sait jamais de quoi le lendemain sera fait, surtout en ces temps perturbés.
On tâche de sauver quelques meubles. On monte dans la voiture à cheval et l'on regarde d'un air un peu dégoûté la prostituée qui s'est jointe à nous dans le véhicule. Quand la diligence passe des heures immobilisée et que l'estomac commence à crier famine, on est tout content de lorgner sur les victuailles de la grosse cocotte à laquelle on n'osait pas adresser la parole avant.
Ce faisant, la voiture ne redémarre toujours pas. Pourquoi ? Parce que l'officier prussien aimerait bien jouir des qualités féminines de mademoiselle Boule-De-Suif.
Mais elle a une âme cette petite, certes elle couche pour de l'argent, certes c'est son métier, certes elle l'assume sans honte, mais coucher avec l'ennemi, ça ce n'est pas son style, ça c'est plus qu'elle n'en peut accepter. Elle se moque bien qu'on les maintienne de force dans la diligence, elle ne couchera pas, c'est décidé !
Mais puisque c'est son métier ! s'insurgent les dames comme il faut, elle pourrait bien le faire encore une petite fois, comme ça, juste histoire de libérer les voyageurs...
Je vous laisse déguster la fin et vous abandonne en vous glissant simplement que
Maupassant ne serait pas vraiment
Maupassant si les gens " comme il faut " étaient autant " comme il faut " qu'il le laissent supposer et que les gens " pas comme il faut " n'étaient pas aussi sombres qu'on veut bien les dépeindre.
Du très grand art, une nouvelle qui justifie pleinement sa réputation et celle de son auteur, du moins c'est mon infime avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
La Maison Tellier, quant à elle, est une nouvelle de la transgression, du renversement complet et volontaire des codes moraux communément admis, et en particulier, à l'époque
De Maupassant.
Celui-ci s'exposait donc sciemment à choquer, à indigner son lectorat. Dans cette nouvelle, la maison close est présentée comme une institution de salut public ; les notables comme une espèce de vermine prête à s'adonner aux plus viles débauches et dont la fréquentation assidue des prostituées permettrait le maintien dans les limites acceptables de leurs tendances bestiales.
Les cocottes prennent, dans la modeste église de campagne où est célébrée une communion, le statut de dévotes exemplaires suscitant la piété du restant de la population, peu encline à la béatitude.
Le prêtre lui-même — le plus ancien du diocèse — prétend n'avoir jamais rencontré, en sa longue carrière, pareil moment de grâce. Sorties de « leur jus » citadin, auprès des humbles ruraux, le bataillon bigarré des prostituées prend des allures d'opulence et de respectabilité et
Maupassant ironise à fond sur la célèbre maxime attribuée à l'empereur Vespasien : « l'argent n'a pas d'odeur ». Là encore, c'est du grand art, Messieurs, Dames.