L'esprit de la ruche, la vie secrète des abeilles

Chapitre par chapitre, Jean Meurisse nous révèle de façon vivante et détaillée la vie d'une société magnifiquement organisée qui existe depuis trois-cent-mille ans.
On y apprend une foule de détails plus étonnants les uns que les autres.
Connaissez-vous par exemple le déroulement de carrière d'une ouvrière. Une ouvrière est un terme générique car il représente toute abeille qui n'est pas la reine ou un faux bourdon (le mâle). C’est-à-dire la quasi-totalité de la ruche.
Une ouvrière commence sa carrière comme nettoyeuse pendant ses quatre premiers jours de vie. Elle va nettoyer le couvain (ses petites sœurs) puis la ruche elle-même. A partir du cinquième jour, devenue nourrice, elle développe des glandes productrices de la gelée royales à partir du pollen stocké dans la ruche. Elle occupe cette fonction jusqu'à son onzième jour de vie. Par la suite, elle se transforme en bâtisseuse pour une huitaine de jours, pour ce faire, la nature la dote de glandes cirières qui vont lui permettre de construire les alvéoles contenant les œufs ou des provisions de nectar. Avant de se retrouver butineuse vers l'âge de vingt-et-un jours et pour le reste de sa vie, elle va passer par les fonctions de gardienne et de ventileuse.
Environs cinq pourcent des butineuses peut atteindre la fonction suprême, elles deviennent éclaireuses. Elles vont parcourir la campagne à la recherche d'un point de récolte. Elles organisent ensuite une réunion dans une agora située vers la sortie de la ruche et dans laquelle se rassemblent les butineuses en retour de mission. Elles procèdent alors à l'organisation d'une équipe en précisant ; la direction à prendre, la distance à parcourir, la nature des fleurs à exploiter, si l'équipe doit ramener du nectar ou du pollen, et, enfin, l'effectif nécessaire à la mission qui est évidemment fonction de la quantité de fleurs à récolter.
Je vous laisse découvrir comment elles s'y prennent, d'autant plus que la réunion se déroule dans la ruche où l'obscurité est totale.
Les butineuses ne vont exploiter qu'une seule sorte de fleur dans une mission. Dame nature pense à tout. Les butineuses assurent la fécondation, donc la perpétuation de la plante. Pour des raisons d'efficacité, il ne saurait être question que cela se fasse au hasard.
L'essaimage est aussi une phase surprenante de la vie de la ruche. Certaines éclaireuses vont cesser de rechercher des fleurs et vont se mettre en quête d'un endroit favorable à l'installation d'une nouvelle colonie. Simultanément, certaines ouvrières vont lancer la construction d'alvéole spéciales reines (un peu plus grandes) et la reine va venir y pondre. Les larves ainsi nées vont recevoir une nourriture spécifique qui va générer des bébés reines. La reine mère va ensuite quitter la ruche avec un tiers des effectifs et gagner le nouvel emplacement.
Une loi fondamentale de la ruche dispose qu'il ne peut y avoir plus d'une reine dans la colonie alors, la première qui va sortir du couvain va immédiatement occire toutes les autres, aidée en cela par les nettoyeuses et les nourrices.
En été, la durée de vie moyenne d'une ouvrière est d'environs quatre à cinq semaines. Nous apprenons aussi qu'il n'y a pas de naissance en hiver. Il n'y aucune fleur à butiner, les abeilles vont vivre sur leurs réserves. Pour faire des économies, elles vont se débarrasser des mâles qui trainent encore dans la colonie et qui ne servent à rien car la reine n'est fécondée qu'un fois dans sa vie. Elles en feront des nouveaux au printemps. En hiver, la durée de vie des ouvrières s'allonge jusqu'à quatre mois.
Question : Qui gouverne la ruche ? Réponse : Personne.
La reine ne règne pas, elle pond. Elle stérilise toutes les femelles potentielles. Aucune ouvrière ne reçoit d'ordre d'elle. Ce n'est pas elle qui décide de l'essaimage.
Cependant, la colonie sait prendre des décisions concrètes pour s'adapter à son environnement quand il change et l'ensemble des acteurs agit simultanément sans concertation.
Chaque abeille semble être la composante d'un super cerveau que l'on pourrait définir comme "L'esprit de le ruche". Cet esprit veille sur la colonie et chaque décision est prise dans la recherche de la survie.
L'abeille est stérile, contrairement à la quasi-totalité du vivant, son but n'est pas directement la procréation. Celle-ci passe par la reine dont la vie dépend de la colonie. C'est en assurant la survie de la ruche que chaque abeille contribue à la perpétuation de son espèce.
Jean Meurisse termine son livre par un cri d'alarme en décrivant la disparition programmée des abeilles. Les causes sont nombreuses et complexes ; pesticides, néonicotinoïdes, remembrement, monoculture intensive.
Cette disparition aura des effets en cascade, l'abeille est le pollinisateur universel et toute vie dépend d'elle. Les tentatives de pollinisation manuelles sont toutes des échecs.
Je termine ici mon propos en précisant que ce livre n'est pas un manuel pratique permettant de se lancer dans l'apiculture. L'esprit de la ruche est un récit passionnant, l'écriture est fluide, la lecture en est facile, parfois teintée d'humour. Beaucoup de questions restent sans réponse.
A lire pour le plaisir !