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Nathalie Mège (Traducteur)
EAN : 9782265098572
360 pages
Fleuve Editions (01/10/2020)
3.97/5   15 notes
Résumé :
Entrez dans un Londres post-apocalyptique ravagé par des créatures surnaturelles, à la fois étranges et familières…
Dans la novella récompensée par le prix Locus en 2003 « Le Tain », Miéville imagine que nos miroirs abritent des êtres d’une nature incertaine, dangereux. Enfermés et réduits à une condition de simple reflet après avoir été défaits par les hommes dans une guerre très ancienne, ils attendent leur heure... Une fois libérées, ces créat... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Chef de file de ce que certains appellent aujourd'hui le « New weird », China Mieville est l'auteur de nombreux romans dont les plus célèbres prennent place dans l'univers du Bas-Lag, et plus spécifiquement la ville de Nouvelle-Crobuzon (« Perdido Street Station », « Le concile de fer », « Les Scarifiés »). On lui doit également plusieurs textes plus courts, dont une partie vient tout juste d'être publiée par Outrefleuve dans ce recueil comprenant quatorze nouvelles. Un recueil d'une qualité remarquable et qui ravira aussi bien les amateurs de l'auteur que les néophytes qui souhaiteraient faire plus ample connaissance avec sa plume et ses thèmes de prédilection. Science-fiction, fantasy, fantastique, horreur… : China Mieville s'essaye à tous les genres et se plaît régulièrement à emprunter des éléments propres aux uns ou aux autres pour les mêler en un texte hybride, à cheval sur plusieurs registres. L'ensemble est de très bonne facture, tous les textes valant le coup d'oeil et une grande partie d'entre eux se révélant même être de sacrées pépites. Qu'il s'agisse de textes politiques (« De saison » ou « Mort à la faim »), de récits fantastiques basculant peu à peu dans l'horreur (« La piscine à balles », « Un autre ciel »…) ou de nouvelles post-apo dépeignant un Londres à peine reconnaissable (« En quête de Jake », « Le Tain »…), China Mieville semble maîtriser tous les registres et parvient à mettre en place des atmosphères fascinantes qui nous incitent à voir notre environnement urbain autrement.

Une partie des nouvelles se déroule dans la ville de Londres pour laquelle on sent bien que l'auteur éprouve une sincère affection. La capitale britannique qu'il nous dépeint n'est toutefois jamais celle que l'on croit connaître, soit parce qu'elle est victime de phénomènes qui transforment radicalement sa structure et son architecture, soit parce que l'auteur nous en dépeint des aspects méconnus. « En quête de Jake », nouvelle chargée d'ouvrir le recueil et qui lui donne son titre, met par exemple en scène une ville de Londres presque totalement privée de ses habitants, victimes d'un phénomène inexplicable et inexpliqué qui semble les dissoudre peu à peu dans la cité. C'est dans ce contexte que l'on fait la connaissance de notre protagoniste, en homme en quête d'un autre revêtant une importance visiblement très particulière pour lui mais qui a vraisemblablement été victime de cette épidémie de disparitions. le texte est intéressant mais un peu trop sibyllin, ce qui en fait sans doute le plus faible de recueil, bien qu'il demeure malgré tout intéressant. « De certains événements survenus à Londres » est lui aussi un peu particulier dans la mesure où l'auteur se met lui-même en scène et explique avoir reçu par erreur d'étranges documents. Documents qui laissent à penser qu'il existerait des rues « sauvages », qui apparaîtraient ici ou là un peu partout dans le monde et qui se livreraient une guerre sans merci. L'idée est fascinante, et le mode de narration bien trouvé puisqu'il permet de varier constamment les supports (extrait de lettre, compte rendu, analyse scientifique…) mais là encore l'auteur se montre un peu trop avare en information, ce qui pourra provoquer la frustration du lecteur. La nouvelle la plus impressionnante dans le registre « post-apo » reste toutefois « Le Tain », texte chargé de clore le recueil et qui, par sa taille, se rapproche davantage d'une novella que d'une « simple » nouvelle. L'auteur y dépeint un Londres en proie à une guerre presque terminée opposant les humains, quasiment vaincus, aux imagos, créatures vivant dans un monde parallèle au notre et piégés depuis des années dans le tain de nos miroirs. La vision de cette ville complètement transformée et en ruine est saisissante, et la quête du protagoniste captivante, quand bien même on ignore véritablement quel est son objectif avant la toute fin du récit.

Certains des textes présents au sommaire sont éminemment politiques, et ce n'est guère surprenant lorsqu'on connaît l'engagement militant de l'auteur. Ainsi, dans « De saison », il imagine un futur dans lequel les fêtes de Noël ont été privatisées : tout ce qui s'y rattache fait désormais l'objet d'une coûteuse licence (sapin, cadeaux…) que tout le monde ne peut pas se permettre d'acheter. le protagoniste, lui, a finalement cédé afin d'offrir un vrai beau Noël à sa fille, seulement tous deux vont se retrouver pris dans une manifestation surprise particulièrement créative. le texte est à la fois drôle et désespérant, dans la mesure où l'idée complètement absurde mise en scène ici ne nous paraît aujourd'hui plus si inconcevable tant la marchandisation semble désormais aller de soi, quelque soit le secteur concerné. Et puis c'est rare de voir une manif aussi joyeuse et subversive ! « Mort à la faim » est lui aussi un texte très engagé et sans doute l'un des meilleurs du recueil (qui compte pourtant beaucoup de pépites). L'auteur y aborde la générosité hypocrite des grosses entreprises qui, sous couvert de dons, pillent et polluent allègrement (une thématique une fois encore d'actualité). le texte met en scène un petit génie de l'informatique qui va s'attaquer à un site pseudo humanitaire grâce auquel les multinationales s'achètent une bonne conscience. La tension monte crescendo tout au long du récit qui propose une élégante de démonstration de l'absurdité et de l'indécence du comportement de ces « généreux sponsors », ainsi que de leur nocivité : « Quand on vit du travail au noir chez nous, on qu'on se démène pour casser les syndicats chez vous, c'est l'avantage : on peut se permettre d'offrir du riz aux pauvres ». La nouvelle « Jacques » met elle aussi en avant un propos résolument politique (de gauche) puisqu'elle met en scène un hors-la-loi de la ville de Nouvelle-Crobuzon, une figure mythique déjà mentionnée dans d'autres récits de l'auteur : Jacques l'Exauceur. On y retrouve avec plaisir l'univers de « Perdido Street Station » et ses spécificités, des Recréés aux quartiers et bâtiments emblématiques de la ville en passant par son cosmopolitisme et son climat social extrêmement tendu. le texte est une fois encore très travaillé, notamment au niveau de sa construction, et se termine sur une chute très habile qui donne irrémédiablement envie au lecteur de s'attarder encore un peu plus longuement dans ce décor d'une richesse folle.

Le recueil comprend aussi un certain nombre de textes oscillant entre le fantastique et l'horreur et qui sont tous très réussis. C'est le cas notamment de « La piscine à balles », récit glaçant consacré à d'étranges événements survenus dans l'espace « jeu » d'une galerie commerciale. D'un décor à priori complètement banal et aseptisé, China Mieville parvient à créer une ambiance oppressante qui nous fait voir d'un autre oeil ces lieux dans lesquels nous passons tous sans vraiment y faire attention. On retrouve la même réflexion dans « Les détails », nouvelle plus subtile et ambiguë mettant en scène un jeune garçon apportant chaque semaine un repas à l'étrange résidente d'un appartement proche du sien. Une femme qui ne sort jamais, qu'il n'a jamais vu et qui lui parle de choses bizarres et mystérieuses dont il ne comprendra que trop tard la portée. Là encore la tension s'installe peu à peu, presque à l'insu du lecteur qui ne peut qu'assister, à la fois inquiet et fasciné, aux événements angoissants dont va être témoin le protagoniste. Dans le même registre, j'ai également particulièrement apprécié ma lecture de « Un autre ciel », nouvelle fantastique qui sombre elle aussi peu à peu dans l'horreur. Elle met en scène un vieillard qui, sur un coup de tête, a fait l'acquisition d'une nouvelle fenêtre, un carreau visiblement ancien et dont il se rend très vite compte qu'il ne reflète pas notre réalité, mais une autre. L'auteur nous livre ici une très belle réflexion sur la vieillesse et la solitude, tout en entretenant remarquablement bien le suspens, et ce jusqu'à la toute fin du récit dont la chute est, à défaut de surprenante, au moins pleinement satisfaisante car laissant le champ libre à l'imagination du lecteur. L'horreur s'invite aussi, non pas par l'intermédiaire d'une tiers personne ou d'un objet, mais tout simplement de la psychose des personnages. C'est le cas dans « Fondations », mettant en scène un homme hanté par les voix qu'il entend monter de tous les bâtiments qu'il croise, ou encore de « Intermédiaire » dont le protagoniste reçoit depuis des années de mystérieuses instructions dont il ignore l'origine et qui le poussent à s'interroger sur sa propre responsabilité dans les grands événements qui se déroulent dans le monde. A-t-il aidé à déjouer un attentat terroriste ? En a-t-il provoqué un ? Ou bien n'a-t-il absolument aucune influence sur le monde ? Un texte brillant et particulièrement marquant qui pose intéressantes questions sans pour autant nous donner toutes les réponses. Enfin dans « Entrée tirée d'une encyclopédie médicale », China Mieville imagine une fausse maladie mentale provoquée par la prononciation d'un simple mot sur laquelle la communauté scientifique s'écharpe depuis des années. Drôle et inventif, un vrai bijou !

Si j'avais déjà été totalement séduite par les romans de l'auteur, je découvre grâce à ce recueil que China Mieville excelle également sur le format court. Qu'il s'agisse de fantastique, d'horreur ou de science-fiction, tous les textes présents au sommaire sont d'une qualité remarquable et constituent une porte d'entrée parfaite à l'oeuvre de l'auteur puisqu'on y retrouve tout ce qui fait sa spécificité (mélange des genres, omniprésence du décor urbain, réflexion politique de gauche…). Un vrai plaisir de lecture que je ne peux que chaudement vous recommander.
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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On ne présente plus China Miéville ou presque. L'auteur britannique à qui l'on doit Perdido Street Station, The City & The City ou encore Les Scarifiés avait pourtant déçu avec sa dernière traduction française : Les Derniers Jours du Nouveau-Paris. Englué dans un récit vain et dépassé par son concept pourtant excellent, l'expérience tournait (largement) à vide.
C'est cette fois chez Outrefleuve, son éditeur historique dans l'Hexagone, que revient l'anglais…mais dans la forme courte !
Avec En quête de Jake et autres nouvelles, le lecteur a l'immense plaisir de découvrir China Miéville dans un exercice d'écriture totalement différent mais qui synthétise pourtant parfaitement les obsessions de son auteur.
Partons à la découverte de quatorze textes tous plus étranges les uns que les autres…

Subvertir le réel
Considéré comme l'une des figures de proue du New Weird, China Miéville affirme ici encore son goût pour les chemins de traverses, servi à nouveau ici par la fabuleuse traduction de Nathalie Mège !
Nombre des nouvelles de ce recueil partent en effet d'un prémisse tout à fait réaliste pour développer une intrigue fantastique, horrifique ou policière où les limites entre réalité et imaginaire deviennent poreuses.
En quête de Jake, premier texte de l'ouvrage, emmène ainsi le lecteur dans un Londres ravagé par un cataclysme entropique étrange où des créatures ailées survolent la ville et où les habitants tentent de survivre tant bien que mal. Sous la forme d'une longue lettre aussi mélancolique que lancinante, China Miéville joue avec le non-dit et avec l'invisible, démonte et remonte le réel pour jouer avec le sens profond des choses. Comme ce cinéma devenu casino et dont l'enseigne cassée devient un message pour le narrateur en quête de Jake, son ami ou amant, perdu ou n'ayant jamais existé.
Ce goût prononcé pour le sens caché du réel, le britannique le reproduit dans l'ensemble des textes présents. Que ce soit pour révéler le visage caché d'une entité malfaisante dans Les Détails ou pour suivre la paranoïa insidieuse de Morley dans Intermédiaire ou encore pour mettre à jour l'horreur qui sommeille dans les murs mêmes des immeubles dans Fondations.
L'horreur chez Miéville survient toujours de façon sournoise, lorgnant volontiers vers l'horreur cosmique à la Lovecraft dans Les Détails où une vieille femme, Mrs Miller, raconte sa découverte d'une entité toute puissante dans les replis et craquelures du monde qui l'entoure…avant de disparaître brutalement elle-même. Insidieuse, la terreur se retrouve tantôt dans une piscine à balles d'Ikea (et il fallait y penser…) tantôt à travers une nouvelle fenêtre donnant sur un autre monde plein d'enfants malfaisants dans Un Autre Ciel.
La plupart des textes ici donnent la chair de poule mais, surtout, se glissent dans les interstices pour faire naître le doute.

Complots en série
Évidemment, pour mener à bien son entreprise de subversion, China Miéville reprend à son compte l'un des tropes modernes : le complot.
Dans Intermédiaire, Morley découvre des messages planqués dans ses aliments et doit les faire passer ailleurs… convaincu de voir des signes partout, l'homme sombre dans une folie paranoïaque d'où la réalité ne peut espérer l'atteindre.
Dans Mort à la faim, China Miéville imagine qu'un pirate informatique génial et anti-capitaliste décide de livrer une guerre sans merci à une ONG qui escroque les gens sous prétexte de donner aux plus pauvres. Une ONG contrôlée par d'autres personnes qui finissent par reprendre le contrôle de la situation sans jamais dévoiler leur vrai visage.
Le monde de China Miéville comporte toujours une face cachée. Composé des recoins obscur du réel, l'univers du britannique aime à arpenter les rues de Londres en prenant le fouillis urbain ordinaire comme toile de fond pour des enquêtes et des évènements perturbants.
Dans l'un des meilleurs textes du recueil, de certains évènements survenus à Londres, Miéville s'imagine en découvreur d'une société secrète d'observation de Viae Ferae, c'est-à-dire de rues sauvages qui apparaissent brutalement dans la géographie urbaine de Londres et qui se combattent férocement selon des alliances et des inimitiés obscures. On retrouve ici le goût de l'auteur pour l'horreur paranoïaque et la déformation du réel, notamment en milieu urbain, un milieu qui le fascine et qu'il explore inlassablement depuis Perdido Street Station.

À nos héros incompris
Au cours de ces quatorze récits, China Miéville oscille entre le drame pur et dur jusqu'au comique politique dans de Saison et son Noel™ qui voit un père assister à un soulèvement populaire contre la mainmise capitaliste rassemblant tout et n'importe quoi pour les besoins de la lutte. Mais surtout, China Miéville s'interroge sur l'identité du héros, sur ce qu'il est au fond et sur les actes qui vont l'ériger en personnage hors du commun.
Le héros de China Miéville s'aperçoit ainsi dès le premier texte, romantique, perdu mais déterminé et se retrouve de-ci de-là jusqu'à sa nouvelle Jacques dans l'univers de Bas-Lag.
Ici, le héros et l'anti-héros ne font plus qu'un pour décrire le parcours flamboyant et rebelle de Jacques l'Exauceur, sorte de Robin des Bois recréé à la sauve Miéville mais dont le narrateur se cache bien de nous révéler ses liens jusqu'à la dernière phrase.
Impossible également de ne pas parler de la novella qui accompagne l'ouvrage, le Tain, où Miéville rassemble à peu près tout ce qu'il aime : un Londres ravagé par une Apocalypse que personne n'a vu venir, des personnages fantastiques inattendus passés littéralement de l'autre côté du miroir, un héros déterminé et triste à la fois mais qui, finalement, n'a peut-être rien d'héroïque, et un univers caché où l'Histoire de l'homme n'est pas celle que l'on pense. Formidable texte de bout en bout, le Tain incarne tout ce que Les Derniers Jours du Nouveau-Paris échouait à accomplir. En réinventant la figure du vampire tout en imaginant d'autres créatures surréalistes effrayantes dans un monde à l'agonie où l'homme survit comme un rat, China Miéville donne le meilleur de lui-même et montre à quel point son imagination retorse peut (re)modeler le réel pour parler de l'humain et du monde d'aujourd'hui avec une acuité des plus féroces.

Recueil passionnant, En quête de Jake et autres nouvelles offre au lecteur l'imagination galopante de China Miéville et de vrais morceaux d'horreur/fantastique paranoïaques dont il serait fort dommage de vous priver. Soyez assurés qu'après cette lecture, vous ne regarderez plus jamais le monde (et ses miroirs) de la même façon…
Lien : https://justaword.fr/en-qu%C..
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Il est beau,
Il est fort,
Il est musclé,
Il est intelligent,
Qui est-il ?
China Miéville, dans son premier recueil de nouvelles inédites en français.

Je connaissais le China Miéville romancier, je le découvre désormais nouvelliste, mais tout aussi talentueux. J'avais un peu peur au début, comme il écrit surtout des pavés, est ce que ce format concentré allait pouvoir contenir sa fougue imaginative ? Les textes sont tous inédits en français et leur écriture s'étale entre 1998 et aujourd'hui.

Je pourrai vous dire que dès les premiers paragraphes, on entre dans les différents univers qu'il installe;
Je pourrai vous dire que son imagination est toujours foisonnante, faisant naître les images des mots;
Je pourrai aussi vous dire qu'il instaure un climat de tension dans chacun de ses textes...
Mais il faut le lire pour le croire.

Dans tous ces récits, les personnages principaux sont Londres, et surtout ce qui se tapi dans l'ombre, les reflets, les apparences. A chaque fois, ce que l'on croyait connaître de la réalité se révèle faux. Parfois, la réalité est la plus sécurisante, mais bien des fois, c'est l'irréel qui semble le plus sûr. China Miéville nous ballade entre les genres, tire l'essence de ce qui n'est pas écrit, dit, montré.L'impalpable prend toujours un chemin étrange pour nous faire parvenir sa malignité, qui peut même, parfois, te refléter.

Mais tout n'est pas que ténèbre, l'auteur nous emmène dans des ambiances beaucoup plus consommatrice, en hissant au sommet Ikea ou les fêtes de Noël. Pas de craintes cependant, China Miéville est un sale petit gauchiste et avec beaucoup d'ironie et de second degré, cela va devenir soit un grand foutoir, soit vous vous baladerez différemment dans les allées meublées suédoises.
Un seul défaut, le livre contient une courte BD dont l'impression est trop petite pour pleinement apprécié.

Une fois la dernière page tournée, un seul mot, quel talent !
Un recueil à grignoter au fil du temps, pour bien se repaitre de toutes les atmosphères sombres et cauchemardesques.
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Avec ce recueil de nouvelles, je découvre l'univers de China Miéville.

Un univers urbain ayant presque tout le temps comme cadre la ville de Londres dont on parcourt les rues à travers des nouvelles très différentes et sacrément originales.
L'auteur pioche dans beaucoup de genres de l'imaginaire et utilise divers styles pour bâtir des histoires où le réel se trouve confronté à une étrangeté aux formes multiples.

La dernière oeuvre, la novella "Le Tain", est une vraie réussite : nos propres reflets ont pris vie et ils ne sont pas contents... Ils ont ruiné Londres et décimé une bonne partie de la population. Miéville nous emporte dans ce récit improbable de façon magistrale en réussissant à donner une certaine crédibilité à cette rébellion inimaginable. En utilisant deux points de vue, il nous trouble autant qu'il nous fascine, se sortant avec brio de cet exercice difficile en nous plongeant de l'autre côté du miroir.

La nouvelle "Jacques" est tout aussi fascinante et se déroule dans l'univers de Perdido Street Station, fameux roman de l'auteur qu'il me tarde maintenant de lire...

En ce qui concerne les autres nouvelles, j'y ai trouvé à boire et à manger.

L'horreur lovecraftienne de "Les détails" est très bien rendue et monte en puissance jusqu'à un final réussi.
"De certains événements survenus à Londres" surprend d'abord par son récit en forme de diverses correspondances (lettres, compte-rendus, notes, tableaux) et nous déroule peu à peu une histoire hallucinante sur des rues capables de se déplacer, d'apparaitre et de disparaitre soudainement. Là encore, une idée fabuleuse de l'auteur.
Dans "Fondations", un homme qui est capable d'entendre et de voir, de façon horrible, les fondations des bâtiments, se retrouve complètement dépassé par cette habilité. Un récit au final très sombre.
"Familier" surprend aussi dans son originalité, surtout par les métamorphoses monstrueuses du familier.

"La piscine à balles", "Un autre ciel" et "Mort à la faim" m'ont moins convaincu. L'originalité et le style accrocheur de Miéville sont là, mais j'ai trouvé ces récits moins aboutis et manquant de clarté.

"Intermédiaire", "De saison", "Entrée tirée d'une encyclopédie médicale" et la mini BD "Sur le chemin du front" sont pour moi les moins bons récits du recueil. J'ai même trouvé la satire "De saison" très pénible...

Je suis assez partagé en ce qui concerne "En quête de Jake", la première nouvelle qui ouvre pourtant le bal en nous offrant un amuse-gueule alléchant. Mais bien trop menu... Cette nouvelle mériterait d'être plus développée même si on peut y trouver des résonances dans "Le Tain".


L'écriture de China Miéville est surprenante, son sens du détail est remarquable et certaines descriptions sont délicieuses sans être pompeuses. Il y a un côté engagé très présent mais qui dessert rarement des récits pleins d'imagination et se voulant insolites.
Certaines nouvelles sont moins marquantes que d'autres et je suis donc moyennement emballé par ce recueil.
Heureusement, "Le Tain" clôture cet ouvrage de la plus belle des manières et mérite d'être lue par le plus grand nombre !

Merci à Babelio et la Masse Critique mauvais genres, ainsi qu'aux éditions Outre fleuve (Pocket) pour m'avoir permis de lire ce livre.
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Halloween est la période idéale pour parler de livres fantastiques et de cauchemars. Et, En quête de Jack et autres nouvelles, le recueil de China Miéville, même s'il ne présente aucun ou presque des monstres classiques, est parfait à ce moment si particulier du calendrier. En treize nouvelles et une novella, il vous ouvre la porte vers des univers étranges, souvent dérangeants, parfois drôles et toujours écrits à l'encre des mauvais rêves.
Commençons par la fin avec le Tain, qui mériterait presque une chronique à lui tout seul. Ce quasi-roman se passe dans un Londres défait par la guerre. Les forces militaires tiennent encore quelques positions stratégiques en attendant des ordres d'une hiérarchie absente, les civils tentent de survivre avec les moyens du bord tout en échappant aux attaques de « vampires » et d'autres créatures comme les « colombes », des mains volantes enlacées amatrices de charogne. En effet, Londres n'a pas été vaincue par une puissance extérieure, mais par un ennemi bien plus intime : sa propre réflexion dans les différents miroirs de la ville. Raconté à deux voix — un survivant et un « vampire » particulier, le Tain se situe aux tout derniers jours de cette guerre quand les armes se taisent, les deux camps comptent leurs morts et pansent leurs blessures. Que faire dans ce nouveau Londres ?
Avant cette pure merveille, En quête de Jack et autres nouvelles livre des textes très différents les uns des autres. Familier, Intermédiaire ou Entrée tirée d'une encyclopédie médicale m'ont laissée sur ma faim tout comme Mort à la faim et sa lutte anarchiste contre une certaine forme de charité en ligne. Un autre ciel et Les détails ont cette intrusion insidieuse du fantastique dans le quotidien qui évoque fortement Lovecraft. Aimant beaucoup le cycle de Bas-Lag (Perdido Street Station, Les Scarifiés et le Concile de fer), j'ai savouré Jacques qui se passe également à La Nouvelle-Crobuzon, mais il me semble que celui qui n'a pas lu au moins l'un des romans précédents ne peut apprécier pleinement la nouvelle. Chacun à sa façon, la BD Sur le chemin du front, l'horrible Fondations et le satirique de saison, sont les textes les plus politiques du recueil. Ils se lisent néanmoins avec délice. Tout comme de certains événements survenus à Londres et En quête de Jake qui, dans deux genres très différents, semblent pourtant se répondre l'une à l'autre. Mais hormis le Tain, c'est La piscine à balles coécrite avec Emma Birchan et Max Schaefer qui va vous scotcher et vous dissuader de laisser les plus jeunes enfants fréquenter l'espace jeu d'une célèbre grande enseigne suédoise.
Bonne lecture, bons frissons et bonne Halloween !
Lien : https://www.outrelivres.fr/e..
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critiques presse (1)
Elbakin.net
30 octobre 2020
En quête de Jake est un recueil de nouvelles signé China Miéville comprenant au total 14 textes très différents, mais tous irrigués par la même verve, pour ne pas dire parfois la même hargne, l’une des caractéristiques de l’auteur qui ne se dément pas au fil du temps.
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Et puis est arrivé le Tain.
Le verre s’est démocratisé. Nous avons eu beau combattre, tâcher qu’il reste mystérieux, il a fait masse en quelques siècles, et avec lui le tain, cette poussière de métal qui le macule en dessous. Vous éteignez la lumière la nuit et nous piégiez déjà dans vos contours mêmes. Votre monde était tout de verre argenté. Il s’est peuplé de miroirs. Chaque rue avait mille glaces où nous piéger, des immeubles entiers couverts de verre étamé. Nous étions écrasés dans vos formes. Il n’y avait pas une minute et pas un brin d’espace où pouvoir être autres que vous. Pas d’issue ni de répit, et vous ne vous en rendiez pas compte, vous nous épingliez sans le savoir.
Vous avez créé un monde de réflexions.
Vous nous avez rendus fous.
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Quand Orphée a regardé par-dessus son épaule, ce n’était pas par bêtise, Jake. Les mythes médisent. S’il l’a fait, ce n’était pas de crainte que sa bien-aimée ait disparu, mais à cause de la lueur menaçante venant d’en haut. Imagine que ça n’ait plus été pareil, hein ? Vouloir croiser le regard de ta moitié lorsque tu repars, pour partager un instant de terreur à l’idée que tout ce que tu connais aura changé, ça n’a rien que de très humain.
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Le meilleur endroit pour cacher un livre, c’est une bibliothèque. Et pour les secrets, le mieux, c’est là, dans les angles visibles, sous nos yeux, à la vue de tous.
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Vidéo de China Miéville
Non sous-titré.
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