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3,2

sur 76 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
« Ce qui se disait : elle était venue à Qaanaq dans une embarcation que tirait une orque harnachée à la manière d'un cheval. Dans ces récits qui, dans les jours et les semaines qui suivirent son arrivée, se firent de plus en riches d'incroyables détails, l'ours blanc cheminait à son côté sur le pont du bateau éclaboussé de sang. Le visage de la femme était tendu, furieux. Elle portait une armure de combat constituée d'épaisses feuilles de plastique et de récupération. (...) Les doigts de la femme se déplaçaient, nerveux, agiles, le long de la hampe de sa lance sculptée dans une défense de morse. Venue à Qanaaq pour accomplir un effroyable crime, elle brûlait de passer à l'acte. »

Ce sont les premières phrases. Percutantes, cinématographiques, énigmatiques avec ce souffle épique qui emporte illico. Tout le scénario tourne autour d'une vengeance familiale. La distribution est soignée autour Masaaraq, la mystérieuse guerrière de l'incipit, qui ne réapparait qu'à mi-livre, très habilement alors que plane son aura.

Ce qui est incroyablement réussi ( surtout pour moi qui ne suis pas une lectrice experte de SF ), c'est son worldbuilding d'une grande inventivité. Tu es plongé dans un monde post – apocalyptique qui reprend les codes du cyber-punk qui se dévoile petit à petit jusqu'à immersion totale : Qanaaq, une cité flottante privée, contrôlée par de riches actionnaires, où s'est réfugiée une humanité migrante suite à la dévastation du monde par des catastrophes écologiques. Tout est plausible, intelligent et cohérent tant tout semble possible, pas de cyborgs ou de délires futuristes, oui le monde actuel en pleine décadence pourrait donner ça. Ce roman pousse à la réflexion sur notre monde contemporain avec beaucoup d'intelligence et de lucidité, ça en fait un roman politique fort.

Du coup l'auteur aborde un nombre fou de thèmes très contemporains qui font forcément écho, peut-être trop, certains auraient mérité plus de profondeur, mais qu'importe, on y croit : changement climatique, sort des migrants, lutte des classes, machinations politiques des méga-riches capitalistes pour conserver et accroître leur domination, homosexualité , révolte, violences ...

Il y a de superbes idées comme cette maladie des failles, proche du sida car sexuellement transmissible, qui transmet à son porteur les souvenirs de la personne qui l'a contaminée, eux-mêmes enrichis des souvenirs du contaminateur précédent en une chaîne vertigineuse. Comme le personnage de Maasaraq l'orcamancienne, issue d'une tribu qui a subi un génocide après avoir été utilisée pour des expériences médicales qui a nanolié ses membres à des animaux, ce qui en fait des êtres plus complètement humains mais hybrides. Comme ce podcast «  La ville sans plan »qui ponctue le roman avec ses allures prophétiques très poétiques.

Le point faible est sans doute les facilités scénaristiques pour rassembler les personnages principaux dans une même quête, adversaires ou alliés. L'auteur abuse de raccourcis et « hasards » un peu trop nombreux pour être réalistes. Il a également tendance à vouloir rendre la lecture plus complexe qu'elle ne devrait : il faut être très concentré pour ne pas se perdre dans les relations entre les personnages dans Qanaaq alors qu'au final, elles se révèlent très simples.
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En Résumé : J'ai passé un bon, voir un très bon moment de lecture avec ce roman qui ne manque pas de se révéler percutant et intéressant. Je me suis retrouvé rapidement plongé dans la découverte de cette ville de Qaanaaq qui est le gros point fort de ce roman. En effet on découvre un univers riche, dense et soigné que ce soit dans la diversité de la ville, comme dans les images qu'il développe que ce soit concernant le dérèglement climatique, les aspects sociaux politique et autre. Ce récit nous fait ainsi réfléchir sur notre société, sur l'avenir que l'on offre à notre planète, sur la capacité de l'homme à parfois s'autodétruire et le tout sans chercher à imposer son point de vue. Concernant l'intrigue elle est en soit plutôt simpliste et par moment prévisible, mais pour autant cela ne l'empêche pas d'être solide et intéressante. Par contre, cela en dérangera peut-être certains, mais on est dans un récit plutôt contemplatif, qui prend bien le temps de construire toile de fond et personnages. Justement, concernant les protagonistes, je les ai trouvés intéressants, soignés et complexes, même si je dois bien admettre qu'une certaine distance entre eux et le lecteur se fait ressentir. J'avoue par contre avoir peu accroché à Fill, même si je comprends son utilité. Je regretterai aussi certaines facilités et Deus Ex Machina qui sont un peu dommage, ainsi qu'une impression de transition trop rapide concernant deux héros qui ont une importance sur la fin. Pour autant ces quelques points soulevés sont en grande partie compensés par les qualités du livre. le tout est porté par une plume efficace, simple et entraînante.


Retrouvez la chronique complète sur le blog.
Lien : http://www.blog-o-livre.com/..
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XXIIème siècle, le réchauffement climatique est une réalité. de nombreuses villes côtières se retrouvent sous les flots, la notion d'état a disparu, le chaos règne un peu partout sur la planète. de nombreuses villes flottantes ont vu le jour. Elles ont été créées par de riches actionnaires de l'ancien monde et sont dirigées par des Intelligences Artificielles. Qaanaaq est l'une de ces cités flottantes, située non loin du Groenland. Elle est composée de huit Bras se développant autour d'un noyau central puisant son énergie d'une source géothermale. Qaanaaq, immense rosace où les nantis logent dans des appartements de luxe au Sud dans le Bras 1 et où les plus démunis s'entassent dans de minuscules boîtes-dortoirs au Nord dans le Bras 8. le marché de l'immobilier est le marché le plus lucratif. L'espace étant restreint, les convoitises sont légion.

La cité de l'orque est l'histoire de cette ville. Qaanaaq est à la fois le décor et le personnage principal du récit. A travers les yeux de différents protagonistes, Sam Miller nous plonge en profondeur dans cette cité flottante. Parmi eux, Fill, petit-fils d'un riche actionnaire, porteur des Failles, maladie incurable qui à l'instar du SIDA se transmet lors de rapports sexuels non protégés. Ankit, elle, travaille pour une politicienne dans le Bras 8. Kaev est un combattant sur poutre qui gagne sa vie en perdant ses duels. Et enfin Soq, un livreur au genre non défini qui veut travailler pour Go, cheffe de la mafia locale aux ambitions démesurées.

Tout ce petit monde vit "tranquillement" jusqu'à l'arrivée d'une femme accompagnée d'un ours blanc et d'un orque qui va bouleverser l'équilibre précaire de la cité...

L'intrigue, relativement simple est l'histoire d'une banale vengeance. L'auteur mène tranquillement son récit avec de nombreux rebondissements qui font de la cité des orques un bon page-turner. Mais quelques facilités narratives et des coïncidences heureuses gâchent un peu le plaisir.

Le point fort du récit est sans conteste Qaanaaq. le worldbuilding est époustouflant, les idées nombreuses et variées donnent du corps au récit mais la visualisation n'est pas forcément immédiate. Les éléments se dévoilent au fur et à mesure, tout le long du récit. C'est une plongée lente et immersive. Un vrai plaisir de lecture, on ressent le froid, la surpopulation, la frénésie ambiante et surtout la fragilité du lieu.

La cité de l'orque est avant tout une ode à la différence. C'est aussi un cri d'alarme pour la sauvegarde de notre monde, un refus du monde capitaliste tel qu'il existe et qui nous mène droit à la catastrophe mais aussi un désaveu de ces révolutionnaires qui veulent devenir calife à la place du calife. Il a une portée toute symbolique en ces temps mouvementés. Critique sans concession de notre mode de vie où les haines, les peurs et les jalousies sont les éléments moteurs de notre pensée.

La construction du roman me rappelle, toutes proportions gardées, La maison des derviches de Ian McDonald. Qaanaaq est en quelque sorte l'Istanbul de la cité de l'orque.

Reflet du monde actuel, roman intelligent qui interpelle et fait réfléchir, La cité de l'orque est à découvrir de toute urgence. Si vous avez des doutes, le vêlage, une nouvelle se déroulant sur Qaanaaq, est disponible gratuitement en numérique.

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La cité de l'orque est un roman foisonnant et chaotique qui nous montre un futur submergé par les conséquences du réchauffement climatique. J'ai adoré la découverte de la ville flottante et de ses habitants mais ce j'aurais apprécié par dessus tout c'est que le livre fasse 200 pages de plus, pour étoffer les personnages, les concepts abordés et la mythique Qaanaaq. Ou alors : à quand un autre roman dans le même futur ?
Lien : https://dragongalactique.com..
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Encore une fois, voici un livre qui m'a été chaudement recommandé par différentes connaissances, et que j'ai mis du temps à lire. Et pourtant… La Cité de l'orque de Sam J. Miller joue habilement avec les codes du cyberpunk pour conter une histoire à la fois épique et intimiste, plutôt originale. Jugez-en… Nous sommes au 22e siècle, la montée des eaux et la course effrénée à l'immobilier ont entraîné un effondrement des grandes puissances comme les États-Unis au profit d'autres acteurs : pays comme la Chine ou la Suède, compagnies ou mystérieux « actionnaires » anonymes. Pour survivre, l'Humanité s'entasse dans des cités flottantes, dont Qaanaaq au cercle arctique, où se déroule le récit. Dans cette ville cosmopolite dirigée par un conglomérat de logiciels (qui ne sont pas des intelligences artificielles, mais des programmes évolutifs conçus par les architectes de la ville), une femme débarque un jour à dos d'orque accompagnée d'un ours blanc encagé.
La Cité de l'orque est à la fois l'histoire d'une révolution contre un système tout aussi oppressif qu'il est impersonnel, que celle de la réunion d'une famille étrange où chacun de ses membres est ressorti meurtri de la violente séparation qui leur a été imposée. Aux éléments classiques du cyberpunk que sont l'utilisation de drones, de systèmes de surveillance par implants ou de nanites, La Cité de l'orque va ajouter des éléments comme les « failles » une maladie donnant accès aux souvenirs et à la conscience des autres malades, la possibilité de partager sa conscience avec un animal ou divers éléments autour des différents genres humains et de la façon dont ils s'envisagent à cette époque.
Non dénué de défauts dont quelques longueurs et un choix étrange du pluriel pour faire parler le seul personnage non-binaire du lot, La Cité de l'Orque surprend par son originalité et la force de ses personnages. L'auteur développe un point de vue intéressant qui fait que je me pencherais volontiers sur ses autres romans.
Lien : https://www.outrelivres.fr/l..
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Mentionné plusieurs fois parmi les meilleurs livres de SF paru l'année dernière aux États-Unis, La Cité de l'orque est le premier roman de l'écrivain Sam J. Miller. Remarqué pour sa nouvelle 57 Reasons for the Slate Quarry Suicides et couronné par le prix Shirley Jackson, l'américain passe donc enfin à la forme longue avec une aventure science-fictive pure et dure qui trouve une résonance tout particulière face à notre époque actuelle. Albin Michel Imaginaire aurait-il encore trouvé la perle rare après la publication du monumental Anatèm de Neil Stephenson l'année dernière ?

Le monde d'après
Avant toute chose, La Cité de l'orque prend place dans un monde post-apocalyptique aux doux relents cyberpunk où les hommes survivent sur de gigantesques cités flottantes. On devine rapidement que le réchauffement climatique a dévasté la planète et qu'il a complètement changé la donne à l'échelle internationale. Les États-Unis n'existent plus autrement que par une flottille de navires dérivant sur l'océan, la plupart des terres ont été submergées et composent désormais un Monde Englouti inaccessible, Lisbonne a disparu, tout comme les Pays-Bas. La montée des eaux n'a pourtant pas mis fin à l'humanité car celle-ci a trouvé refuge sur d'immenses villes flottantes dont Qaanaaq constitue certainement l'exemple le plus fascinant. À la fois personnage principal du roman et enjeu primordial de l'histoire, Qaanaq impressionne par le melting-pot culturel et civilisationnel qu'elle incarne. Sam J. Miller imagine ici la société post-réchauffement climatique qui ressemble diablement à nos pays modernes à la dérive. Selon le Bras (comprendre secteur) où l'on se trouve, la situation sociale change radicalement. le Bras Un abrite les plus riches qui jouissent d'un espace de rêve pour y mener leur petite vie de tous les jours tandis que les pauvres et autres migrants s'entassent comme des bêtes dans le Bras Huit. Miller contemple notre monde à travers le prisme d'une utopie capitaliste qui ressemble à s'y méprendre à un cauchemar humaniste total. Dirigé par des IAs et un système de logiciel ultra-complexe où les quelques politiques qui restent ne sont plus guère que d'amusants pantins-punching ball pour le quidam ordinaire, Qaanaaq se passe de police et autres systèmes répressifs en étranglant le seul marché qui compte encore vraiment : l'immobilier. Car dans une ville où le logement est devenu un enjeu vital, investir dans la pierre n'a jamais eu plus de sens. Ce que les actionnaires comme Martin Podlove ont bien vite compris. Quelque part entre le Fleuve des Dieux d'Ian McDonald et La Fille-Automate de Paolo Bacigalupi, La Cité de l'orque fait montre d'un worldbuilding impressionnant qui scotche dès les premières pages.
La suite de la critique sur le site.
Lien : https://justaword.fr/la-cit%..
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Merci aux édition J'ai lu et à Masse Critique pour m'avoir envoyé ce roman de Sam Miller.

L'opération Masse Critique a l'avantage de nous sortir, nous lecteurs, de notre zone de confort en nous offrant l'opportunité de lire un livre que nous n'aurions pas forcément choisit en premier choix.

La cité de l'orque est très habilement construit. L'arrivée sur Qaanaaq d'une femme accompagnée d'un orque et d'un ours polaire nous interpelle d'entrée de jeu. Mais ce n'est qu'au milieu du roman que nous faisons personnellement sa connaissance. Sam Miller nous décrit sa vision (pessimiste ou réaliste?) de son 22e siècle par petites touches en nous présentant un à un les personnages de cette histoire. C'est dense et mené avec beaucoup d'intelligence.

Mon problème est que les livres sont pour moi un échappatoire aux soucis du quotidien, et le futur de Sam Miller ne me fait pas rêver. Si il était surréaliste, il pourrait m'intriguer. Mais sur fond de montée des eaux et d'effondrement des gouvernements, il anticipe avec beaucoup de réalisme un des multiples possibles de notre avenir. Donc pas d'échappatoire dans cette lecture, mais plutôt une piqure de rappel: l'heure est grave...
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Mentionné plusieurs fois parmi les meilleurs livres de SF paru l'année dernière aux États-Unis, La Cité de l'orque est le premier roman de l'écrivain Sam J. Miller. Remarqué pour sa nouvelle 57 Reasons for the Slate Quarry Suicides et couronné par le prix Shirley Jackson, l'américain passe donc enfin à la forme longue avec une aventure science-fictive pure et dure qui trouve une résonance tout particulière face à notre époque actuelle. Albin Michel Imaginaire aurait-il encore trouvé la perle rare après la publication du monumental Anatèm de Neil Stephenson l'année dernière ?

Le monde d'après
Avant toute chose, La Cité de l'orque prend place dans un monde post-apocalyptique aux doux relents cyberpunk où les hommes survivent sur de gigantesques cités flottantes. On devine rapidement que le réchauffement climatique a dévasté la planète et qu'il a complètement changé la donne à l'échelle internationale. Les États-Unis n'existent plus autrement que par une flottille de navires dérivant sur l'océan, la plupart des terres ont été submergées et composent désormais un Monde Englouti inaccessible, Lisbonne a disparu, tout comme les Pays-Bas. La montée des eaux n'a pourtant pas mis fin à l'humanité car celle-ci a trouvé refuge sur d'immenses villes flottantes dont Qaanaaq constitue certainement l'exemple le plus fascinant. À la fois personnage principal du roman et enjeu primordial de l'histoire, Qaanaq impressionne par le melting-pot culturel et civilisationnel qu'elle incarne. Sam J. Miller imagine ici la société post-réchauffement climatique qui ressemble diablement à nos pays modernes à la dérive. Selon le Bras (comprendre secteur) où l'on se trouve, la situation sociale change radicalement. le Bras Un abrite les plus riches qui jouissent d'un espace de rêve pour y mener leur petite vie de tous les jours tandis que les pauvres et autres migrants s'entassent comme des bêtes dans le Bras Huit. Miller contemple notre monde à travers le prisme d'une utopie capitaliste qui ressemble à s'y méprendre à un cauchemar humaniste total. Dirigé par des IAs et un système de logiciel ultra-complexe où les quelques politiques qui restent ne sont plus guère que d'amusants pantins-punching ball pour le quidam ordinaire, Qaanaaq se passe de police et autres systèmes répressifs en étranglant le seul marché qui compte encore vraiment : l'immobilier. Car dans une ville où le logement est devenu un enjeu vital, investir dans la pierre n'a jamais eu plus de sens. Ce que les actionnaires comme Martin Podlove ont bien vite compris. Quelque part entre le Fleuve des Dieux d'Ian McDonald et La Fille-Automate de Paolo Bacigalupi, La Cité de l'orque fait montre d'un worldbuilding impressionnant qui scotche dès les premières pages.

Survivre au génocide
Pour visiter Qaanaaq, Sam J. Miller emploie plusieurs personnages points de vue (à la façon d'un George R.R Martin) dont Fill, héritier d'une riche famille condamné à courte échéance par un simili-VIH post-moderne appelé Les Failles, Ankit, représentante d'une politicienne en pleine campagne électorale ou encore Kaev, lutteur sur poutres de seconde zone au service d'un puissant syndicat du crime. Cet entrelacement de personnages permet à Sam J. Miller de capturer l'essence de sa ville-monde de façon bien plus précise que d'un strict point de vue linéaire en passant alternativement entre le monde des riches et celui des miséreux. Il tisse alors une fresque sociale complète et passionnante qui fait écho au monde actuel avec une force souvent étonnante. le ravage causé par Les Failles rappelle celui des années SIDA, les migrants entassés dans des camps de bric et de broc renvoient forcément à Calais et Sangatte (ou tout autre camp de réfugiés de par le monde), et chacun trouvera en Martin Podlove un écho du politique corrompu de son choix (ce qui pourrait fort bien être un pléonasme d'ailleurs).
Pourtant, ce qui interpelle le plus ici, ce ne sont ni les combats de Kaev ni les états d'âmes d'Ankit face à la misère mais bien l'arrivé d'une étrange femme à Qaanaaq, accompagnée d'un orque et d'un ours blanc. Si l'on apprendra son nom que bien plus tard, elle constitue très vite le noeud central de l'aventure où viennent se greffer toutes les autres trajectoires narratives. Survivante et guerrière, elle permet à Miller de parler de l'extermination des peuples et de l'intolérance banale de l'homme, écho futur du génocide des amérindiens et d'autres peuples déjà oubliés. La Cité de l'Orque se concentre petit à petit sur le syndrome du survivant et comment gérer cette difficile condition qu'est celle d'être la dernière représentante de tout un peuple, de toute une culture.

(Nano)liez-vous !
Au cours de ce récit foisonnant, le lecteur fera également la connaissance des nano-liés, des personnes capables de s'attacher à un animal (ou à un être humain) par l'intermédiaire de nanites. le lien ainsi créé n'est pas sans rappeler parfois celui qui unit Dæmons et humains dans la trilogie À la croisée des mondes de Philip Pullman, même si Sam J. Miller n'a nullement l'expérience et le talent nécessaire pour insuffler autant d'empathie dans ces relations délicates. La Cité de l'orque, de par sa construction et ses thématiques, invite au final à renouer avec les siens. Sa famille d'abord, élément essentiel pour se définir et exister. Son peuple ensuite, entité supérieure et pourtant si analogue. Son espèce enfin, capable du pire (et surtout du pire) mais qui trouve cette fois quelques représentants plus glorieux parmi une assemblée de prédateurs avides d'argent, l'ennemi suprême et éternel. Même si le message pourra paraître naïf et un brin répétitif (notamment dans sa conclusion), il est sauvé par l'adjonction entre les différents fils narratifs d'un journal clandestin, Ville sans Plan, qui rappellera parfois au lecteur l'excellent souvenir du Transmetropolitan de Warren Ellis. Si ce n'est bien évidemment pas Spider Jerusalem qui écrit cette fois, L'Auteur mystérieux de Ville sans Plan possède le même désir de secouer la société à travers la description de l'autre et des vies qui nous passent à côté en silence. C'est certainement ici que Sam J. Miller s'avère le plus convaincant et qu'il touche à l'essentiel : les histoires permettent de changer le monde.

Malgré ses défauts, La Cité de l'orque s'impose comme un premier roman intelligent et bourré de réflexions passionnantes sur notre propre monde, lui-même déjà en proie au réchauffement climatique et aux crises migratoires. Humain et fascinant dans sa construction, le livre de Sam J. Miller se permet également le luxe de créer Qaanaaq, une ville imaginaire inoubliable que n'auraient pas renié China Miéville ou Philip K. Dick

Lien : https://justaword.fr
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Ce roman me faisait de l'oeil depuis l'annonce de sa parution par Albin Michel Imaginaire. Les thèmes abordés par ce titre m'intéressaient particulièrement. Migrations climatiques et transhumanisme en tête. Et puis à la lecture, j'ai découvert un roman qui cachait bien plus de réflexions sur notre monde que ce à quoi je m'attendais, plus profond. Et finalement très accessible au niveau science-fiction. On est vraiment de la dystopie abordable, où l'humain prime sur la science, au niveau de la réflexion du moins.
On suit tout au long du livre le point de vue de plusieurs habitants de Qaanaaq, Fill, petit-fils d'un des richissimes fondateurs de Qaanaaq, Ankit, jeune femme qui travaille pour une politicienne, Kaev, lutteur sur poutres, et occasionnellement membre de la pègre locale, et enfin Soq, coursier, humain non genré qui parle de lui au pluriel pour ne pas choisir un pronom. Quatre jeunes gens qui représentent un éventail du microcosme de la ville flottante, même si on est quand même plus du côté de la plèbe que des dirigeants. le parti pris de l'auteur est d'ailleurs assez clair à ce sujet, comme dans toute dystopie, les méchants riches dirigent et s'enrichissent sur le dos du gentil peuple.A ceci près qu'ici, les actionnaires de la ville partagent sa gestion avec un réseau d'intelligences artificielles. Les habitants ont des implants dans la mâchoire qui leurs permettent de communiquer, d'avoir accès aux réseaux, mais aussi bien sûr d'être localisé…
Un sujet central du livre est aussi la vague migratoire engendrée par la hausse du niveau des eaux. Les migrants,comme souvent, sont source de tous les maux, de la surpopulation à la hausse de criminalité, en passant par l'explosion de cette nouvelle maladie sexuellement transmissible, les Failles… Maladie dont l'auteur fait un parallèle avec le SIDA dans un article, traduit par l'équipe Albin Michel Imaginaire, disponible sur leur site.
Outre les quatre narrateurs, certains personnages ont aussi leur importance, notamment Masaaraq, l'orcamancienne, inuit arrivée récemment à Qaanaaq en compagnie d'une orque et d'un ours polaire. Elle a une relation très particulière avec l'orque, fusionnelle. Leur présence fait l'objet de nombreuses légendes urbaines.
Sans oublier « Ville sans plan », podcast mystérieux oeuvre d'un auteur inconnu, relayé par de nombreux lecteurs, et d'encore plus nombreux auditeurs. Emission pirate qui passe au-delà des pare-feu des intelligences artificielles qui gèrent la cité. Les IA seraient-elles obsolètes ?
Les chemins des narrateurs se croisent régulièrement, voire sont liés d'une manière ou d'une autre, parfois par des hasards un peu trop heureux pour rester réalistes. L'auteur aurait pu, je pense, se passer d'un certain nombre de ces artifices.
Une deuxième chose m'a gênée, et c'est dommage car au début je pensais que ça pouvait être un choix narratif fort. Il s'agit de Soq. Ce personnage non genré, qui refuse l'utilisation d'un pronom ou d'un autre et choisit le pluriel. Choix très intéressant, mais hélas qui ne fonctionne pas. En effet, Soq refuse les cases, mais son pluriel est systématiquement masculin. Je ne sais pas si c'est un problème de texte original ou de traduction, mais c'est pour moi un problème. D'autant plus qu'on dispose de pronoms non genrés dans l'écriture inclusive.
La cité de l'orque est un roman qui pose de nombreuses questions sur l'évolution de notre société, et interroge sur des problématiques très actuelles. La narration alternée fait qu'on avance vite dans la lecture, car on a envie de connaître l'évolution des différents personnages. Je n'ai pas vu passer les presque 400 pages, que j'ai avalées en à peine deux jours. Si j'ai réellement apprécié ma lecture, je me dis au bout du compte que 400 pages, c'est très peu pour la quantité de thématiques abordées. Certaines sont en effet à peine effleurées, et auraient mérité plus de place.
Lien : https://leslecturesdesophieb..
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Dans une société post changements climatiques, la majorité des survivants s'entassent sur des villes flottantes divisées en bras. La situation sociale s'identifie facilement en fonction du bras sur lequel on vit, preuve ultime que l'humanité n'a rien compris et garde comme priorité un système d'enrichissement d'une minorité de privilégiés qui ici gèrent les biens fonciers. Ce monde est très bien pensé et intéressant en soi et il gagne en force au fur et à mesure.
On suit plusieurs points de vue piochés dans toutes les couches de la société. Ca donne une vision complète de la cité et crée une fresque sociale captivante. Aux aspects sociaux avec misère et migrations s'ajoutent une épidémie et l'arrivée d'une femme liée à une orque et un ours. Ces deux points participent la complexité et l'intérêt de l'univers. Niveau épidémie, les failles, forment un mal qui rappelle le sida avec tout ce qu'il y avait de panique et d'informations tronquées sciemment ou non. La transmission sexuelle seule permet de pointer du doigt les personnes aux comportements « déviants ». Il est donc plus facile de glisser sous le tapis le fait que c'est bien plus large ce qui permet de faire perdurer le sentiment que les malades l'ont cherché. le traitement de ce point est encore plus réussi que l'aspect sociétal. du côté de la femme liée avec un animal, on a plusieurs intérêts : une vision externe, un moyen de détourner les gens de leur quotidien et un aspect autour de l'intolérance et des manipulations génétiques. Tout n'est pas parfait dans ce roman mais j'ai aimé cette lecture. La mise en place est lente et on commence à se demander quand les différents personnages vont enfin former un tout. Et puis surtout dans mon cas, Il y a un choix qui est responsable du fait que je n'ai pas pleinement apprécié cette lecture. L'auteur a mis un personnage non binaire mais il n'est pas assumé pleinement comme tel dans la traduction française. J'ai trouvé en ligne que l'auteur, l'éditeur grand format et la traductrice s'étaient mis d'accord sur la façon de nommer ce personnage en utilisant « ils » pour traduire le « they » neutre anglais et la raison évoquée ne m'a pas convaincue. Un personnage non binaire surtout en science fiction où tout devrait être possible ça ne se camoufle pas en faisant une traduction littérale qui laisse à penser qu'ils sont plusieurs. Si votre niveau d'anglais vous le permet, j'aurais tendance à vous conseiller la lecture en version originale pour éviter ce pluriel pour un personnage unique. En tout cas, si on arrive à composer avec ce « ils », la cité de l'orque est un roman qui mérite d'être découvert.
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