Premier roman de
Maxime Mirabel (aux éditions Cordes de Lune),
Pluton est une très agréable découverte et, à l'image de la lointaine planète naine perdue aux confins de notre Système, on peut dire qu'il cache bien son jeu.
Le résumé officiel m'avait bien accroché, sans que je parvienne à m'en faire une idée précise.
Un voyage sans retour et en solitaire pour
Pluton, un narrateur au passé obscur et nébuleux, une romance singulière… Mais encore ?
À ce stade-là, j'envisageais à peu près tout : l'odyssée spatiale, le polar galactique, la mission scientifique foireuse, la romance à l'épreuve des années-lumière, même les tribulations riddickiennes !
Rien de tout cela en fait.
Maxime Mirabel s'est comme fait un malin plaisir de surprendre et surprendre encore, tout au long de cette novella étonnante et détonnante.
L'écriture ne pose aucune difficulté. J'y ai vu très peu d'effets de style. Une écriture sobre, mais soignée. Lu pratiquement d'une traite.
Le récit est découpé en trois parties selon une logique irréprochable, et une « clausule » le ponctue. N'allez surtout pas voir la clausule en question ! Au pire, consultez un dictionnaire si cela vous démange.
La première partie est la plus longue, puisqu'elle couvre la moitié de ce court roman.
L'action se situe exclusivement sur la Terre. Après présentation de quelques éléments de contexte, on suit la sortie de prison du narrateur et héros – si l'on peut dire – de l'histoire, puis sa formation en vue de la mission qui lui a été « Assignée », auprès de la troublante Mlle Adacea notamment. Toutes choses par ailleurs annoncées.
L'auteur cite comme référence le cinéma de
George Lucas et de
Steven Spielberg.
J'ignore si
Luc Besson y a également sa place, mais j'ai été frappé par les ressemblances dans cette première partie avec le cultissime Nikita au niveau du scénario. Un Nikita revisité avec inversion des sexes, mais dans les grandes lignes, oui, on s'y retrouve : le concept de « purgatoire » « offert » à une poignée de condamnés à perpétuité sinon à mort ; le secret et l'éthique derrière cette instance ; l'importance de la relation coach - recrue et le lien qui se construit ; la surveillance ; la formation ; la rude mise à l'épreuve, mais aussi la naissance de l'Amour malgré des conditions peu propices.
C'est Nikita et en même temps c'est très différent.
À l'issue de cette première partie, mes impressions étaient plus que partagées. Un Nikita like, soit, mais l'écriture ne colle vraiment pas. Pas d'atmosphère glauque, pesante ou violente. Quant au héros, sa personnalité neutre au possible m'a complètement égaré (celle-ci trouvera son explication – très logique – à la toute fin).
Bref, à ce point je ne voyais toujours pas dans quelle direction allait m'emmener l'auteur, hormis celle de
Pluton.
Je serais très elliptique sur la seconde partie, car il est pratiquement impossible d'évoquer ses thèmes sans en gâcher l'intérêt. Et de l'intérêt, il y en a à revendre !
Le récit annoncé du voyage vers
Pluton est bien là. À ce sujet, je précise que ce roman n'est pas typé hard SF comme on pourrait le penser. Pour autant, l'auteur distille quelques éléments de contexte. Pour l'occasion, j'ai relu le chapitre consacré à
Pluton dans le dernier livre de Nathalie A. Cabrol, et pour ce que j'ai pu voir, les faits scientifiques donnés par
Maxime Mirabel paraissent corrects (à part la date de survol de l'astre par la sonde New Horizons).
L'intérêt n'est pas tant dans le récit de la progression que dans le changement de tonalité avec une tournure psychologique nette, ainsi que par le traitement des thématiques abordées (que je tairai), qui m'a bluffé. La tension psychologique atteint un tel niveau qu'elle m'a rappelé avec délectation l'expérience
Ira Levin.
Pour ma part, cette novella aurait pu s'arrêter là et déjà me satisfaire entièrement.
Manifestement, l'auteur avait d'autres idées en tête, ou plutôt une idée bien précise, et ce depuis le début, puisqu'à la lecture de la troisième partie c'est tout le récit qu'on va être amené à reconsidérer. Je n'en dis pas plus, si ce n'est que c'est assez spectaculaire et que cela démontre un travail sur le texte qui force le respect.
Aussi respectable est le risque qu'il y avait à traiter le sujet moral de fond de ce récit, sous cet angle là.
Mon seul bémol dans ce roman court est peut-être trop plein de thèmes traités.
Concernant l'objet livre, j'ai de grosses réserves sur la qualité du papier utilisé : après une seule lecture précautionneuse, les pages gondolent et la couverture semble douée d'une vie propre, telles les feuilles qui à l'automne se courbent inexorablement. Je ne dis pas ça pour moi, car j'ai reçu ce livre gratuitement en participant à l'opération Masse critique.
Je remercie ce jeune auteur pour le plaisir de lecture qu'il m'a procuré, et à qui je souhaite la reconnaissance qu'il mérite. En plus, sa postface, assez inhabituelle, est bien sympathique et témoigne de sa passion pour la SF !