Tunnels

Une drôle de bande dessinée et une BD assez drôle. Mais serait-ce suffisant pour en faire un succès ?
Pas vraiment...

La technique de la ligne claire de Rutu Modan nous ramène… ouh-la, bien 50 ans en arrière ! Ce trait caractéristique tout droit issu de l'école belge est bien dans le « style Tintin » mais largement moins abouti.
Alors que plane le mystère autour de rocambolesques aventures prenant leur source dans un château de Moulinsart israélite, des personnages hauts en couleurs et des lieux hors du commun vont apparaitre ou prendre place les uns après les autres. La grande et belle demeure d'Émile Abouloff recèle une collection d'antiquités privée unique qui n'est pas sans rappeler les vastes souterrains où fut retenu Tintin dans le Secret de la Licorne. Et si les caves du château de Moulinsart servaient de dépôt d'antiquités, les nombreux salons et salles d'exposition de notre étrange collectionneur, mi-historien, mi-homme d'affaire, sont un vrai musée au-dessus duquel règne et veille au grain sa richissime épouse, une sorte de Castafiore autoritaire portant la culotte.
Au moins ici, les femmes prennent toute leur place et ne font pas office de potiches ; elles sont maîtresses de leur destin et c'est déjà ça de gagné ! Un bon point.
Dans TUNNELS, les personnages sont pratiquement tous des caricatures d'eux-mêmes, ce qui fait un autre point commun avec Hergé, mais là encore, il ne s'agit plus de l'original et le lectorat moderne raffole de personnages davantage complexes, voir ambivalents.
L'enjeu de la découverte archéologique n'est rien d'autre que la légendaire Arche d'alliance qui serait enfouie dans un souterrain aujourd'hui situé derrière le Mur, en territoire Palestinien. Sans autorisation dûment accordée, nos archéologues en herbe vont devoir ruser pour tenter d'accéder au trésor…
De nombreux thèmes seront abordés parmi lesquels l'éducation des enfants, l'addiction des jeunes aux jeux et à la téléphonie mobile, l'homosexualité dans un pays orthodoxe, les relations entre juifs et arabes, les religions et leurs paradoxes (comme cette hilarante conversation entre deux israélites autour de la possibilité de faire la vaisselle un jour de shabbat), l'hypocrisie des uns, l'individualisme des autres et l'histoire ancienne ou récente de ces pays que tout divise.
Du bon, du moins bon, je reste sur ma faim.

TUNNELS
Rutu Modan

Une BD sérieuse parsemée de pointes d'humour

Une BD pour le moins déstabilisante.
Par le graphisme qui semble s'inspirer de la ligne claire mais n'en possède pas le même rendu "réaliste".
Est-ce dû aux personnages dont beaucoup de positions, d'expressions apparaissent exagérées évoquant davantage la caricature que la narration ?
Est-ce dû à une habitude tellement ancrée depuis des années dans les codes de la ligne claire belge ?
Est-ce un style propre au dessinateur ?
Je ne sais où placer cette BD sur le plan graphisme. Il ne m'a dit séduit ni déplu
Toujours en ce qui concerne les graphismes, alors que ceux-ci sont pourtant bien définis, j'ai eu beaucoup de mal à identifier les personnages mais là je pense que l'on glisse vers le scénario.

Le contenu du scénario s'avère très riche en thèmes.
Celui de l'archéologie et de ce qu'il englobe de passions. Certaines pour la science, d'autres pour l'argent, sans oublier les implications religieuses ou politiques ces deux dernières étant bien souvent liées.
Celui de la religion avec les rivalités étroitement liées aux problèmes politiques (Qu'est-ce qui découle de l'autre ? Qu'est-ce qui est le prétexte ?). Les questions sur les règles et ce qu'elles permettent, ce qui donne lieu à un échange assez humoriste concernant le grave problème de la vaisselle !
Celui de la corruption, des conflits d'intérêts, des compromissions, des alliances d'intérêts, de la passion archéologique, de la rivalité entre scientifique et bien d'autres points sur la condition humaine.

L'ouvrage foisonne de pistes et l'on comprend aisément qu'il ait fallu plus de deux ans pour le construire et le réaliser.
Il est nécessaire d'avoir un minimum de connaissances sur le conflit israélo palestinien et les religions pour percevoir les nombreuses ramifications s'entrecroisant dans ce récit.
J'ai eu le tort d'aborder cet ouvrage comme j'aborde généralement une BD, c'est à dire avec une concentration moindre, me préparant à un moment de détente.
La taille du livre aurait dû modifier mon approche.
C'est un livre très sérieux se présentant sous un aspect de lecture dilettante.

Il faut bien avoir présent à l'esprit que l'autrice est Israélienne. Ceci amène à se demander si un tel ouvrage aurait pu être édité si l'auteur avait été Français. N'aurait-il pas été taxé de ce qu'il est maintenant convenu d'appeler racisme lorsque la religion est évoquée ?
il est évident que l'autrice connaît toutes les "subtilités" de ces divergences de points de vue et d'intérêts.

En conclusion, un livre qui, selon les points de vue, est un ouvrage ni historique, ni sociologique, ni satirique ou alors un ouvrage qui mêle habilement toutes ces orientations.
Je ne me suis pas ennuyé à la lecture mais je n'ai pas été captivé et pourtant je le suggérerais à la lecture car il ne peut laisser indifférent et l'on en tire quelque chose.

Difficile d'attribuer des étoiles.
4 pour l'intérêt du contenu
3 pour le graphisme
2 pour le plaisir de lecture

La transmission, la mémoire ou encore le rapport au passé, sont des sujets qui tiennent à coeur à l'israélienne Rutu Modan. Plus globalement, ce sont des sujets sensibles dans la culture israélienne. Après « la Propriété » et « Exit wounds » (publiés respectivement en 2007 et 2013), voici qu'elle met en scène dans « Tunnels » (2021) une famille d'archéologues en quête de l'un des artefacts les plus légendaires de l'humanité : l'Arche d'Alliance - ce qui est ni plus ni moins que le coffre mythique qui renfermerait les tables de la loi édictées par Dieu à Moïse. Ce trésor au croisement de plusieurs religions se trouverait encore dans une grotte sous Jérusalem – et pour pimenter sa quête - pile sous la frontière entre Israël et la Cisjordanie.

Fille d'un archéologue israélien qui mit au jour des trésors antiques avant de sombrer dans le grand âge et la démence, Nilli rêve de voir le travail de son père enfin reconnu et célébré, car c'est un de ses collègues chercheurs qui a tiré à lui toute la gloire.

Un jour, à la faveur de la cession d'objets rares par un collectionneur véreux, Nilli décide de relancer les fouilles entamées par son paternel et trouver enfin la fameuse Arche d'Alliance ! Persuadée que celle-ci se trouve dans une grotte située sous la frontière israëlo-palestinienne, elle va s'échiner à convaincre différents associés - dont des juifs religieux illuminés et manipulateurs - pour mettre en oeuvre son projet.

Le grand sujet de ce livre, c'est l'archéologie puisque plusieurs personnages veulent retrouver l'Arche d'alliance, ce coffre dont il est question dans la Bible et qui contiendrait les tables de la loi, ayant disparu lors de la prise de Jérusalem au VIe siècle avant JC. Ici c'est une tablette d'argile qui en révèlerait l'emplacement, ce qui intéresse forcément les collectionneurs, marchands d'art et les archéologues.

Il faut bien avouer que le registre de l'archéologie se trouve au croisement de beaucoup de registre d'intrigues possibles : historiques, thriller, politiques, religieuses… L'auteure multiplie ainsi les pistes, et aborde aussi bien l'hypocrisie religieuse, les petits arrangements contre-nature (avec Daesh !), le monde impitoyable des collectionneurs, les relations entre juifs et arabes, mais aussi l'addiction des jeunes aux écrans ou encore l'homosexualité dans un pays orthodoxe.

Le véritable but de la dessinatrice israélienne semble être, en investissant le domaine de l'archéologie, de raconter une farce politique contemporaine. On assiste ainsi à des discussions théologiques qui feront même rire les athées comme celle sur l'interdiction ou non du trempage de vaisselle en plein shabbat.

Pour habiter cette tragicomédie rythmée, Rutu Modan dispose d'une galerie étendue de personnages tous aussi truculents les uns que les autres, comme Doc, l'enfant de Nili, obsédé par les jeux sur smartphone, ou encore Ringo et Zingo, deux clowns prétendument adeptes de Daesh.

Son coup de crayon semble tout droit issu de l'école belge. L'inspiration du « style Tintin » est d'autant plus manifeste que ses techniques de dessin semblent empruntées à Hergé que ce soit dans le trait ou même dans la colorisation en aplats.

En résumé, une bande-dessinée qui risque de décevoir ceux qui s'attendent à des aventures épiques façon « Indiana Jones » ou à une étude géopolitique approfondie sur le conflit israélo-palestinien mais qui réussit fort habilement à divertir et à instruire, tout en questionnant le lecteur sur des sujets de société contemporains et religieux pertinents.
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Nilli, fille d'un archéologue, apprend l'existence d'une tablette qui indiquerait comment trouver l'Arche d'alliance, ce à quoi son père a voué sa vie. Elle va alors monter des fouilles à la hâte et reprendre le tunnel qu'elle et son père avaient commencé à creuser. Mais le tunnel est désormais sous le mur entre Israël et la Cisjordanie ! Lors des fouilles, elle va tomber nez à nez avec des Palestiniens qui creusent aussi un tunnel, mais pour faire passer de la contrebande ! Ils vont décider de s'associer malgré leurs divergences et mener à bien ce projet fou.

Après 8 ans d'absence, l'autrice israélienne Rutu Modan revient avec sa troisième BD. Pour construire son livre, elle a passé plus d'un an sur les recherches préalables en suivant des cours d'archéologie. Puis il aura fallu 2 ans pour écrire l'histoire avec un scénario et un storyboard pour organiser des séances photos avec des comédiens qui ont joué son histoire. Elle a ensuite dessiné son livre grâce à ses photos. Un travail titanesque à la hauteur des ambitions du livre.

Avec son dessin en ligne claire, héritage de Hergé que Rutu Modan revendique, elle nous embarque dans une folle aventure avec des personnages très caractérisés graphiquement.

Mais au delà d'une aventure, ce sont des enjeux profonds qu'elle traite avec brio. L'histoire, l'archéologie mais aussi la politique sont au coeur du livre. L'autrice traite aussi de la religion avec l'équipe d'ouvriers fantasques et très orthodoxes. On notera une discussion savoureuse et très drôle sur l'éventualité de faire ou non la vaisselle durant Shabbat.

Une bd passionnante qui réussit habilement à divertir, mais aussi questionner et à nous apprendre beaucoup sur les sujets qu'elle traite.

Après des études et un parcours professionnel chaotique aux États-Unis, Nilli est de retour en Israël, avec son jeune fils Doc. Quand son frère lui apprend qu'Émile Abouloff lègue sa collection au Département Archéologie, Nilli tente de récupérer une tablette d'argile couverte d'écriture cunéiforme que possède le collectionneur. le père de Nilli, brillant archéologue, prétendait que cette tablette menait à l'Arche d'alliance, un coffre contenant les tables de loi des chrétiens, et avait entraîné sa fille, âgée de 5 ans à l'époque, à la recherche de ce trésor. Nilli monte une expédition en secret pour reprendre les fouilles dans le tunnel creusé par son père. Mais le tunnel se trouve désormais sous la frontière entre Israël et les territoires palestiniens, ce qui complique les choses. Nilli va devoir faire preuve de diplomatie et d'imagination pour que les différents protagonistes, aux intérêts divergents, travaillent de concert à sa cause. le récit est rythmé, rocambolesque et plein d'un humour qui flirte avec l'absurde pour mieux égratigner le petit monde de l'archéologie dont Rutu Modan dénonce les fraudes, les marchandages et les rivalités. L'autrice nous fait également rire des nombreux travers de la société israélienne comme dans ses albums précédents et nous émeut quand elle évoque les relations familiales. La ligne claire et l'harmonie des couleurs par scènes permettent de se retrouver facilement dans ce récit foisonnant de personnages et d'actions.