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EAN : 9782916488189
90 pages
Editions La Louve (15/02/2008)
3.75/5   6 notes
Résumé :
Créé en 1938, le camp de Rivesaltes a d'abord "hébergé" des Républicains espagnols, puis des tziganes et des juifs, ensuite des prisonniers allemands, enfin des harkis. Pourtant, l'auteur s'attache surtout aux années 1941-1942: non parce qu'il ignore la souffrance des autres "hôtes" du camp, mais parce que, né à quelques dizaines de kilomètres, il n'a jamais, de toute son enfance, entendu parler des juifs partis de Rivesaltes vers Drancy, puis Auschwitz. C'est à l'â... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Rivesaltes, un camp en France, «antichambre d'Auschwitz », en 1941-1942 : « L'humanité est toujours entre deux hommes. Il ne s'agit pas d'être des saints ». Récit d'Alain Monnier aux Editions de la Louve (mars 2008).

Le camp de Rivesaltes a été construit en 1938. Il a hébergé tour à tour des républicains Espagnols, des Tziganes, des Juifs, des prisonniers allemands et plus tard, des Harkis. L'écrivain Alain Monnier, né après la guerre à quelques kilomètres de là, a grandi près de ce camp sans jamais avoir entendu parler des Juifs partis de Rivesaltes vers Drancy, puis Auschwitz. Il découvrira ce camp tout à fait fortuitement. Répondant à un appel impérieux, il s'y rend. Sans vouloir moins considérer les souffrances des populations qui ont été ici concentrées, il choisit d'évoquer les Juifs en transit, en 1941-42 : « Ce n'est plus de politique, d'idéologie, de mode de vie dont il s'agit, mais de leur présence sur terre tout simplement…. Pas d'autres raisons que celle, imparable et tragique, tel un absurde non-sens, d'être ce que l'on est. (…) Des épaves ballottées au gré de la folie des hommes ». L'auteur suit des fantômes, erre d'un bâtiment à l'autre, « avec un sentiment de honte et de peine ». Un court récit (93 pages) mais intense, qui rudoie le lecteur, comme l'auteur l'a probablement été lui-même à cette terrible évocation, toute en fine dentelle faite de ces fils de fer barbelés qui s'entremêlent aux préjugés et à la haine dans le cerveau de bien des hommes… le récit est documenté, bâti comme un roman mais ce qu'il narre n'est hélas pas né de l'imagination. Les faits sont là, transcrits par l'âme de celui qui sent à travers le temps, la souffrance amassée ici dans tellement d'indifférence. Qui colle au lieu aussi sûrement qu'une empreinte dans la cire. Ici le temps n'efface pas les pas sur le sable. Ils y sont restés incrustés. Pour que la mémoire ne se voile pas la face : « Pourquoi focaliser la haine sur les exclus et point sur ceux qui les excluent ? »
Il dit l'action aveugle de l'Administration : « On envoie des centaines de gens à la mort avec une application administrative effarante…. Il faut dissimuler sous une rigueur de métronome les bassesses de ce monde…. On applique consciencieusement les consignes. Elles sont nombreuses et compliquées, comme seule l'Administration sait les inventer par strates successives… pour voiler les énormités qu'elle profère et ne supporte pas de les regarder en face ». »

En rupture avec ses autres romans, Alain Monnier s'implique à la première personne dans cette quête d'une mémoire douloureuse : « C'est avec cette modeste position de passeur que je me risque à écrire ces pages ». Passeur de mots, oui, pour donner du sens aux images de la Shoah véhiculées par l'histoire, les témoignages, les documentaires : « … ce sont les commentaires qui seuls transmettent le passé. Sans les mots, les images n'ont pas de sens, et la narration se doit d'adapter sans cesse l'histoire transmise à la capacité d'entendement des nouvelles générations ». le livre laisse résonner une drôle de petite musique, dénuée d'espoir, faite de murmures inachevés, de froissements de tissus usés : « (ces) personnes toutes bien réelles. Identifiables. Je ne les connais pas mais je les devine, je les vois, je sens leur manteau qui me frôle ». Les mots évoquent, sévères, un réel glacé. L'auteur est là, dans ce camp fantôme, antichambre d'Auschwitz : "C'est là que ça c'est passé. le ciel avait le même bleu, les papillons de la garrigue voletaient de la même façon, les herbes ployaient sous le même vent, ils étaient là, perdus dans l'angoisse, à sentir une mort inconnue planer sur eux." Avec cette prise de conscience qui ne laisse place à aucune échappatoire : « Ici, ici seulement, dans ce lieu banal que rien ne prédestinait à cette tragédie, je me résous à admettre que le monde peut à tout moment basculer. Et qu'il basculera fatalement à nouveau. » Alain Monnier dit les responsabilités et se met lui-même en cause, avouant : « Je n'aurais jamais adhéré à l'idéologie de la haine, j'aurais aidé à la condition de ne pas mettre mon entourage en danger… Mais au-delà ?». Un livre riche de petites phrases nées d'une âme qui claque au vent du large, à la générosité, noble et droite. Pour qui « plus jamais ça » est une impasse car on ne peut que « s'exaspérer de ne jamais pouvoir baliser un avenir probable ». le silence du ciel ne serait-il pas le grand coupable : « L'absence de châtiment et l'impossibilité de s'en remettre à dieu sont insupportables. » Même si « Les explications sont individuelles… la responsabilité est collective et écrasante. Quand à la culpabilité, elle « transpire sous notre front. Il ne s'agit pas de s'y complaire ou de s'émouvoir devant le spectacle de notre repentance, mais d'obliger le présent…. (pour) construire une réelle tolérance. » Alain Monnier se refuse à jouer l'accusateur d'une époque qu'il « peine tant à imaginer » tant elle est étrangère à ses frémissements intérieurs. S'il reste partagé entre indulgence et envie de condamner, c'est que son esprit intègre suggère chaque fois une parade à tout ce qui fige de façon manichéenne : « Il est facile d'être perspicace et intransigeant plus tard, mais sur l'heure ? »

Pour ma part, je n'assisterai plus jamais à une commémoration comme avant d'avoir lu cette phrase d'une fulgurante vérité à propager en tous lieux : « En ce sens, une commémoration est sans nul doute devenue, dans le monde d'aujourd'hui, un acte de rébellion. » Un récit superbement écrit, de cette écriture qui ressemble à son auteur, toute de douce humanité et d'intransigeance. A lire et à faire lire. Absolument.
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Parler d'une époque que l'on n'a pas connue n'est pas chose facile, surtout lorsque l'on n'est pas historien. Et parler d'un lieu, un lieu en ruines qui plus est, l'est encore moins si l'imagination ne nous vient pas en aide. Dans ce petit livre, bien trop court d'ailleurs, Alain Monnier erre dans ce qu'il reste , à l'heure actuelle, du camp de Rivesaltes. Sa pensée vagabonde, son esprit va à la rencontre de ceux qui ne sont plus.

Je connais ce camp. J'ai vécu plus d'une trentaine d'années à côté mais je ne suis allée le visiter qu'en 2007. J'ai ressenti également ces émotions dont nous fait part l'auteur. Pour autant, j'étais passée à côté de quelque chose d'important: je ne savais pas qu'il avait servi de transit à des juifs. Dans cette région, lorsqu'on parle des camps, on pense à ceux d'Argelès, de Saint-Cyprien, mais surtout, on fait référence aux réfugiés espagnols. Ici, Alain Monnier a choisi de ne mettre l'accent que sur une période et sur une "catégorie" de population ayant eu le malheur de rencontrer ce camp. le choix est pleinement assumé et peut-être même est-il judicieux afin, justement, de faire connaître toute l'histoire de ce lieu, sans chaînon manquant. Un devoir de mémoire qu'il convient d'assurer...

Je vais mettre toutefois un petit bémol. Oh, bien léger toutefois: j'aurais aimé, mais cela n'engage que moi, qu'Alain Monnier, qui écrit avec une grande pudeur, s'ouvre un peu plus afin que sa poésie nous transcende. Sa retenue, qui est tout à son honneur, fait que certains passages sont "froids". En même temps, ne sont-ils pas mimétiques de l'histoire même du Camp Joffre ?

Je ne peux que conseiller ce livre qui montre à quel point l'être humain peut s'imprégner de lieux, d'émotions, et vivre une période du passé en écoutant son côté humaniste.
Lien : http://promenades-culture.fo..
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Alain Monnier découvre l'existence du camp de Rivesaltes, où ont été successivement détenus, des Républicains espagnols, puis des Tziganes et des Juifs et aussi des Harkis, alors qu'il a passé toute son enfance dans cette région, sans que personne n'en souffle mot.

Je suis assez réservée quant aux fictions historiques, surtout lorsqu'il s'agit de sujet aussi grave que les camps de concentration.
Alain Monnier visite les ruines. Il observe et réhabilite les objets abandonnés pour leur attribuer une histoire, un souvenir, et entrevoir un regard, un couple, une vie, une fillette ... L'interprétation de l'auteur est purement subjective. Il n'a pas été témoin, il n'a pas donné la parole à ceux qui ont vécu Rivesaltes. Il est seulement narrateur et met des mots sur une mémoire collective, comme on mettrait de la couleur sur un vieux film, c'est à dire, avec une certaine vision du passé et une idée personnelle de la réalité. Ce récit, agréable à lire, au style bien travaillé et jamais ennuyeux, me gêne pour la bonne raison qu'il n'est pas véridique.

Puis l'auteur nous fait part de ses doutes. Il se questionne sur sa légimité ... Fallait-il écrire ce livre ?
la réponse sera : le devoir de mémoire ... il ne faut pas oublier.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Le vent tord la garrigue au gré de son souffle, et tout ce monde du ras du sol s'agite comme une foule paniquée, éternellement aux prises avec la tristesse et la froidure. Dans le cimetière officiel du village, entre les silhouettes des hauts cyprès sombres, on entend geindre le vent. Il brise les crucifix mal attachés et roule les graviers blancs qu'on a étendus sur les tombes anonymes des juifs, devant la plaque peinte à la chaux. Sans nom.
Comme les deux pages d’une Bible ouverte, vide de mots, vide de sens, à jamais silencieuse. Les noms ont été gravés plus loin dans un morceau de marbre. Avec le jour de leur mort. Rien sur leur âge, rien sur leur nationalité.
Qui saura jamais si Lina Zivi avait soixante ans, six ans ou six mois ?
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… la compassion n'est pas une affaire d'absolu. Elle est entre celui qui souffre et celui qui est devant lui. Là et pas ailleurs, dans les yeux qui se croisent, il n'y a pas de décrets ou de lois qui tiennent. L'humanité est entre deux hommes. Il ne s'agit pas d'être des saints. On peut comprendre les difficultés qui entravent le bon geste, ou empêchent les mains de se tendre, mais point qu'on inflige, vole, profite, rabaisse un plus faible, plus misérable, par intérêt, avarice ou luxure. Là passe l'invisible frontière...
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Nous sommes devant une rangée de wagons aux portes béantes. De la paille sur le sol. On aperçoit une caisse avec des vivres, et des seaux hygiéniques. Un type hurle que le voyage durera trois ou quatre jours et que nous devons économiser la nourriture car plus rien ne nous sera donné pendant le voyage.
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Videos de Alain Monnier (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Alain Monnier
Rencontre avec Alain Monnier à l'occasion de la parution de son roman historique D'autres terres que les nôtres aux éditions Privat.


Alain Monnier est audois, et l'auteur d'une oeuvre originale d'une vingtaine d'ouvrages avec entre autres: Signé Parpot (Climats, 1994), Givrée (Flammarion, 2006), Je vous raconterai (Flammarion, 2009), Tout va pour le mieux (Flammarion, 2012) et L'Esprit des lieux (Climats, 2019), qui, au travers de formes et de thèmes très variés, propose une critique de notre modernité. Il a participé à l'écriture de scénarios de documentaires et rédigé diverses chroniques et articles, notamment dans Marianne. Il partage son temps entre Toulouse et les Corbières, en Occitanie.
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23/03/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
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