En premier lieu, un grand merci aux Éditions Des Femmes Antoinette Fouque et à Babelio pour l'envoi de cette biographie de la comtesse d'
Agoult.
Marie de Flavigny est née en 1805 en Allemagne. Son père est officier, de la noblesse française, sa mère allemande est fille de banquier, de la haute bourgeoisie de Francfort. Marie grandit en France et épouse le comte d'
Agoult en 1827. Sa rencontre avec
Franz Liszt fera d'elle la « haute figure romantique » qui a traversé l'histoire. Mais Marie est beaucoup plus que cette femme, qui follement éprise, abandonne tout pour suivre son amant. Nous sommes en 1835, elle quitte son mari, sa fille Claire, la France et oublie son statut pour un moment. Sa liaison avec le compositeur durera plusieurs années, ils voyagent, Genève puis l'Italie, ont trois enfants. Franz lui présente
George Sand qui deviendra son amie, puis -à la séparation du couple- son ennemie, inspirant
Balzac dans son écriture de
Béatrix. D'ailleurs en février 1840, dans un courrier à Mme Hanska l'auteur avoue :
« Oui, Mlle des Touches est
George Sand; oui
Béatrix est trop bien Mme d'
Agoult.
G. Sand en est au comble de la joie; elle prend une bonne petite vengeance de son amie. Sauf quelques variantes, l'histoire est vraie. »
Le temps de la passion est passé. Marie est rentrée à Paris, seule, ses enfants sont confiés à la famille de Liszt, comme le veut l'époque, la mère n'ayant aucun droit. Elle doit tout reconstruire, reprendre sa place. C'est une femme forte, intelligente, d'une grande clairvoyance, instruite, éprise de liberté. Bien née, elle est fortunée et son cercle d'amis regorge de grandes figures de l'époque. Elle prend comme nom de plume
Daniel Stern, son premier article publié dans la presse traite du portrait de Cherubini d'Ingres. Ainsi débute son oeuvre : beaucoup d'articles, deux fictions (pas vraiment réussies), des essais, des biographies, et surtout l'« Histoire de la Révolution de 1848 », un texte considéré comme une référence par les historiens. À cette époque, Marie dit être « arrivée à l'âge d'homme », comprenez qu'elle a dépassé ses passions et se consacre tout entière à sa vie intellectuelle. Les grands noms du dix-neuvième siècle se pressent à son salon politique,
Daniel Stern y côtoie le monde européen artistique, politique, intellectuel. Historienne, moraliste, ses écrits retracent une époque pour le moins mouvementée, en effet Marie traverse trois révolutions, des changements de régime à s'y perdre (Empire, Monarchie, République…). Elle restera fidèle à ses idéaux républicains, libre de pensée, de parole et plaidera l'accès pour tous à l'instruction (y compris aux femmes). Ce qui la rapproche de sa biographe d'ailleurs.
Cet ouvrage fut publié une première fois en 1937, l'éditeur précise en quatrième de couverture qu'il s'agit « d'un échange entre deux femmes d'élite que séparent trois ou quatre générations ».
Marie Octave Monod est historienne, a créé en 1920 l'
Association Française des Femmes Diplômées des Universités (AFFDU) et milite pour l'éducation des filles. Sa plume a le charme suranné des textes du siècle dernier mais reste accessible. Elle nous livre un travail sérieux, très documenté, d'une grande rigueur. Son approche est disons ‟scientifique” et ne laisse pas vraiment de place aux émotions. Si l'autrice garde ses distances avec son sujet, on sent parfois comme une communion d'âme (elles ne manquent pas de points communs), une compréhension de femme à femme. Ce qui expliquerait l'intérêt de
Marie Octave Monod pour la comtesse ? La biographie est instructive, riche, voire érudite. Toutefois certains passages sont longuets et j'avoue que la litanie de noms célèbres fréquentant le salon de
Daniel Stern m'a parfois fait désespérer de ma méconnaissance de la politique du dix-neuvième siècle. Ne cherchez pas ici une biographie romancée traitant des amours de Marie d'
Agoult, c'est surtout l'intellectuelle qui a intéressé la biographe, d'ailleurs son étude des textes de
Daniel Stern est approfondie, étayée, voire didactique.
En résumé, cette biographie très enrichissante ne manquera pas d'intéresser les amoureux du dix-neuvième siècle, ils y trouveront un portrait des arts et de la vie intellectuelle de l'époque sous le regard vif mais bienveillant de la belle
Marie d'Agoult.