Avis aux lecteurs qui viennent s'égarer sur cette page :
"Prenez garde !
La dame blanche vous regarde,
La dame blanche vous entend. "
Non, il ne s'agit pas ici de la dame blanche de l'opéra de Boeldieu, inspirée de
romans de
Walter Scott, censée protéger le château dans lequel elle erre depuis quelques centaines d'années.
Non,
la dame blanche des Habsbourg est d'une toute autre farine. Figurez-vous qu'elle n'apparaît qu'au moment de la mort prochaine d'un des membres de la famille impériale, indiquant ainsi, ô sage prévoyance, qu'il convient d'ouvrir rapidement un nouveau sarcophage dans la crypte.
Et je ne vous raconte pas le boulot qu'elle a eu rien qu'au 19è siècle, car "les Habsbourg ne sont pas une famille d'assassins, comme les Atrides ; plutôt une famille d'assassinés". Et
Paul Morand d'en faire la macabre énumération ... puis de s'arrêter sur le destin de certains des membres de cette illustre famille.
Bien entendu, il vous contera le destin tragique de la plus célèbre de tous, l'impératrice Elisabeth, dite Sissi, poignardée à Genève, ainsi que celui de son fils Rodolphe, le suicidé de Mayerling, sans oublier le catastrophique trépas de l'archiduc François-Ferdinand à Sarajevo, dont je pense inutile de rappeler ici les calamiteuses conséquences !
Il vous offrira encore d'autres bons moments de lecture, intéressants sinon joyeux, mais je ne m'arrêterai ici que sur la destinée de
Marie-Louise, la seconde épouse de Napoléon et la triste vie du malheureux Aiglon, leur fils, qui n'a pratiquement pas connu son père et fut, son existence durant, prisonnier de la Hofburg, le sinistre palais des Habsbourg à Vienne, victime des tentatives de son entourage de le "défranciser" si je puis dire !
Quant à
Marie-Louise, la pouliche autrichienne, choisie par Napoléon, non par amour, bien entendu, mais pour de diplomatiques considérations et pour sa supposée capacité à assurer à l'Empereur une nombreuse progéniture, elle s'est retrouvée bien perdue parmi tous les arrivistes de la Cour Impériale, parvenus nouveaux riches, bruts de décoffrage, alors qu'elle venait d'une Cour guindée jusqu'à l'excès.
Napoléon, qui apparemment, d'après l'auteur, l'a vraisemblablement aimée, dira d'elle à Sainte-Hélène :"
Marie-Louise était une bonne petite épouse, timide, qui avait toujours peur d'un milieu qui avait assassiné sa tante".
Timide peut-être, mais surtout profondément mal à l'aise dans ce milieu si différent du sien, à tel point qu'elle rejoindra vite, vite son Autriche natale, dès l'abdication de l'Empereur, qu'elle s'empressera d'oublier ainsi que son fils, dans les bras d'un certain Neipperg. le dit Neipperg lui fera rapidement quelques enfants et elle se laissera négligemment ballotter dans l'existence, au gré des événements, fidèle à sa nature indifférente "affaissée et langoureuse".
Tout ceci est fort bien mené, conté avec style et élégance, dans une belle langue savoureuse, telle que pratiquée au début du 20è siècle.