Un passeport égaré et la vie peut s'en trouver bouleversée.
Sur le point de rentrer à Paris, Agnès doit faire des photos pour renouveler ses papiers auprès de l'Ambassade de France à Varsovie suite à la disparition de son précieux sésame. Pour la plupart d'entre nous c'est en principe une simple formalité, ennuyeuse mais que l'on accomplit sans hésitation. Pour Agnès c'est le début d'une incroyable errance somnambulique où la réalité se brouille, la conscience s'évanouit au fur et à mesure que l'on découvre la fragilité et les obsessions de la jeune femme. Obsession des bruits et des silences, des heures et des chiffres, la personnalité complexe d'Agnès engage le récit sur un chemin étrange, énigmatique voire oppressant.
Le lecteur se laisse alors aspiré dans une plongée dans l'âme cadenassée d'une jeune femme qui s'apparente à une plongée dans les abîmes : au-delà de la perte du passeport, il y a une perte plus importante, celle de l'identité qu'elle s'était façonnée depuis des années, de ses repères, de ses croyances et même de ses sentiments… la petite musique interne s'est déréglée.
Avec une belle maîtrise des ressorts de la tension dramatique, de l'angoisse, on a l'impression que tout se dérobe sous les pieds d'Agnès. La réalité prend une dimension mystérieuse, vertigineuse puis glisse subrepticement vers une sérénité nouvelle et déconcertante lorsqu'on devine l'issue du piège… indubitablement, l'auteur a pris le soin d'harmoniser minutieusement la trame narrative au rythme de la
mazurka.
C'est une jolie découverte laquelle, comme beaucoup de romans psychologiques, saisit parfaitement les moments de latence et ceux où tout bascule. Dénuement du verbe, maîtrise du rythme narratif,
Philippe Moreau-Sainz créé un univers particulièrement propice au thème de la disparition de soi jusqu'à l'éventuelle renaissance, en orchestrant une intrigue digne d'un polar. On se laisse envahir par la fébrilité ambiante née de la chasse aux fantômes _ car ce n'est pas une perte de passeport_ : on scrute le moindre bruit, la moindre vibration, le moindre mouvement.
Toutefois, un bémol : cette
mazurka adopte sur certains passages des allures de valse névrotique, l'auteur étouffant parfois l'intrigue sous une plume qui s'évertue à creuser les profondeurs de l'âme de son héroïne.