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EAN : 9782493043078
224 pages
Blackléphant éditions (05/05/2022)
3.5/5   3 notes
Résumé :
Elle s'occupe des morts oubliés. A Tokyo, Noriko, trente-et-un ans, travaille pour une entreprise spécialisée dans la remise en état des habitations des kodokushi, ces "morts solitaires" parfois découverts des semaines après leur décès. C'est elle qui décide du devenir de leurs effets personnels, une mission dont elle essaye de s'acquitter le plus humainement possible. Mais peut-on toujours tenir la mort à distance ? Contrairement à son trio de collègues plus jeunes... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Premier roman pour cette femme japonaise, traductrice et interprète, qui apparemment partage sa vie entre le Japon et la France depuis plusieurs années. Nous n'en saurons pas plus à ce jour, il semble n'y avoir aucune photo publique d'elle. Point d'importance à relever, Nos vies entre les morts est écrit directement en français. Et sacrément bien écrit.

Il aurait pu également se distinguer au printemps 2022, par son sujet grave voire sinistre, au milieu d'une paire de parutions japonaises feel good. Mais un médiocre roman japonais dont un chat est le héros (qui parle c'est encore mieux), ou centré sur la cuisine a forcément plus de chances de s'imposer qu'un roman qui parle de mort et de solitude. Résultat, pas un lecteur sur babelio, avant la présente critique. Défricher n'étant pas pour me déplaire…

L'intérêt principal de ce roman est donc de porter un éclairage sur les kodokushi, ces personnes généralement âgées qui décèdent à leur domicile sans qu'on s'en rende compte immédiatement, parce qu'elles sont seules, sans famille proche. Au Japon, le phénomène est d'ampleur, renforcé sans doute par le vieillissement inexorable de la population et les hikikomori, ces reclus sociaux qui ne quittent plus leur chambre ou leur appartement, se coupant du monde pendant des semaines, des mois voire des années. Noriko Sato est une jeune femme de 31 ans, qui travaille pour HeavenlyWays, une petite entreprise spécialisée dans le nettoyage des appartements des décédés dans ces conditions et la sauvegarde de leurs objets et souvenirs. Avec le patron et ses trois jeunes collègues, elle intervient à chaud après la découverte des corps. Et si c'est parfois digne, l'individu ayant pris soin de s'habiller élégamment en s'allongeant tranquillement sur son lit en attendant la fin, c'est parfois beaucoup plus trash, les morts ayant laissé s'installer autour d'eux un véritable taudis rempli d'ordures…Quand ce ne sont pas les conditions dans lesquelles la mort est intervenue qui écoeurent nos protagonistes…Leurs interventions s'apparentent ainsi de temps à autre à celle de policiers sur une scène de crime, façon médecins légistes, dans un environnement insalubre et pestilentiel. Ces jeunes n'ont manifestement pas suivi la voie classique des salarymen et de la jeune femme en tailleur qui réussi à percer dans une grande société, situation moins répandue au Japon qu'en occident. Ils sont dans la débrouille, ils se cherchent, ne feront pas ce boulot toute leur vie. Seule la plus ancienne des quatre employés est là depuis la création de la société il y a quatre ans.

Noriko vit chacune de ses interventions comme une expérience à part, marquante. Il y a tout un chemin de vie derrière ces morts, qui font parfois écho à son propre vécu. Ce boulot est difficile, elle a envie d'en sortir, et en même temps aimerait prolonger cette expérience en montant sa boîte pour mettre en valeur les photos prises et objets souvenirs des morts. Dans sa vie de femme, elle s'interroge aussi. A une conscience aigüe que le temps passe, que la mort viendra frapper ses proches, sa vieille grand-mère, puis ses parents. Elle n'a pas de petit ami, n'est pas à l'aise avec son corps, avec la sexualité. Manifestement elle ne veut pas d'enfants. Dans ce contexte de doutes personnels et de saturation face à ces situations professionnelles éprouvantes, elle va se découvrir des frissons, en voyant le corps nu sous la douche de son collègue Aoyama…Bientôt, ces deux-là vont entamer une histoire, d'abord largement sexuelle. Compliquée, tellement Noriko est anxieuse, presque frigide d'abord, et qu'il faut cacher cette relation aux yeux de tous, dans un lourd quotidien professionnel qui revient étouffer nos deux amants, d'autant que leurs ébats ont lieu, quand ce n'est pas au love hôtel, dans certains de ces appartements des morts. Mais peu à peu, elle se rend compte de ce que cette relation lui apporte, pour se découvrir en tant que femme, qui assume ses désirs, son corps, sa sexualité…Bientôt, c'est elle qui est en demande de lui, sexuellement, mais de plus en plus sentimentalement. Alors c'est lui qui doute, qui semble s'éloigner, surtout depuis qu'il a été atteint par la vision d'un kodokushi retrouvé pendu. Cette relation sera-t-elle viable, va-t-elle évoluer vers un amour consolidé, ne faudra-t-il pas rompre certaines chaînes, mûrir, et surtout trouver une voie personnelle et professionnelle plus lumineuse, pour s'accomplir soi-même et enfin aller sans frein vers l'autre ?

J'ai trouvé le sujet des kodokushi très intéressant, on peut saluer cette idée de roman originale, encore peu traitée en langue française. le thème de la solitude et des difficultés de la jeunesse japonaise a été davantage rebattu, mais là encore, c'est assez bien senti. Il y a de la résilience chez ces jeunes, de la débrouille, tout n'est pas perdu.

Cependant, si le roman débute bien et suit un cours prometteur durant sa première moitié, j'ai eu l'impression d'un essoufflement, comme un patinage à un moment, et une bifurcation trop marquée vers la mise en scène de la sexualité de Noriko. Ces scènes, comme tout le roman, sont très bien écrites, la langue est belle…Pourtant, une certaine lassitude m'a gagné à écouter les pensées de Noriko sur elle-même, l'obsession qu'elle développe pour le sexe avec son amant, alors que pendant le premier tiers de ces pages elle le trouvait complètement quelconque. Clairement, la répétition des scènes de sexe (suggestives mais sans vulgarité), fait passer le sujet des kodokushi au second plan, et jette un soupçon sur une éventuelle panne d'inspiration de l'auteure, voire la tentation de rendre l'objet alléchant que je reprochais plus haut à d'autres…Ce n'est pas dans ces pages parfois stéréotypées qu'on trouvera de l'originalité en tout cas.

Au terme de ce roman, l'impression reste donc assez mitigée, mais cette première production est loin d'être ridicule, et mérite sûrement largement autant que d'autres d'attirer des lecteurs, ne serait-ce que pour la mise en lumière d'un phénomène très japonais qui pourrait gagner nos contrées vieillissantes et individualistes, et pour la qualité remarquable de la langue.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
"On se revoit quand, toi et moi ? sans les morts ?"
Son expression ne trahit aucune avidité. De mon côté, les émotions se bousculent.
"Je ne sais pas.
- Tu as mis une jupe, c'est bien. Koi a raison, ça fait plaisir à voir.
- Quoi ?"
Sa main droite, tel un serpent, glisse vers mes cuisses et sous cette jupe que j'ai soi-disant eu la bonne idée de mettre. Par réflexe, je serre l'entrejambe, mais le serpent n'en finit plus de remonter lentement vers ma culotte.
"Ne fais pas ça.
- Pourquoi ?"
Aucune réponse convaincante ne me vient à l'esprit.
"L'autre fois ne t'a pas laissée sur ta faim ?
- Je ne sais pas."
La réponse est entre oui et non, mais je n'ai pas l'énergie de lui fournir des explications sur l'abstinence qui ne crée pas nécessairement de frustration sexuelle. De toute façon, discourir est secondaire, lui est concentré sur autre chose, à savoir ma petite culotte, et moi sur la panique que je tente de refouler. Je ne me rebiffe pas, car ce qu'il s'apprête à faire est exactement ce dont j'ai soudainement envie. Enfin, ses doigts écartent le tissu et s'immiscent entre les poils. Son majeur trouve tout de suite le chemin de mon sillon. Et commence à pianoter. L'étreinte de mes cuisses se relâche.
"Tu es drôlement mouillée."
Il m'énerve, et j'ai envie de lui crier de garder ses commentaires pour lui, mais je me contente de haleter au rythme qu'il imprime à mon sexe. Je le remercie intérieurement de me lécher le cou, ça m'évite de subir son regard inquisiteur.
"Montre-moi tes seins."
Son doigt s'enfonce plus profond et revient, haut, effleurant ma muqueuse en feu, s'attardant là où je veux qu'il s'attarde. J'essaye de ne pas gémir trop fort, je retiens même un cri au moment où je crois entendre des pas dans le couloir. C'est pourtant moi qui lui somme de se montrer plus discret.
"Chut ! Chuut...
- C'est vrai que tu fais trop de bruit, Sato."
Les pas, imaginaires ou réels, se sont évanouis. Je pose ma main sur la sienne, toujours en place entre mes cuisses. J'aimerais qu'il continue encore un peu.
Il a compris.
De l'autre main, il soulève mon chemisier et passe ses doigts entre la peau et le soutien-gorge, englobant mon sein, et le voilà qui gémit lui aussi.
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Gila a repris ses études après plusieurs années comme employée de bureau, expérience qui a failli la tuer, affirme-t-elle et je la crois.
"Etre employée de bureau, ça sert à se dégoter un mari quand on ne l'a pas fait avant. Mais si ça ne fonctionne pas ou que ça ne t'intéresse pas, à quoi bon ? Si ton travail ne te plaît pas et que tu ne fais pas carrière, c'est juste un mouroir."
Elle aime truffer ses réflexions de références mortuaires, le jeu consistant à placer un terme en lien avec mon travail dans n'importe quelle conversation, quel que soit le sujet. De mon côté, après cinq ans à la fac, être parachutée machine à café ambulante, et, un an plus tard, promue reine de la photocopieuse, a de quoi porter un coup à la confiance en soi. Mon parcours m'avait laissé espérer que je pourrais échapper à la médiocrité de ces garçons déjà stupides et, pourtant, régnant en maîtres à l'école, hélas toujours aussi stupides et encore plus confiants, eux, une fois lâchés dans le monde de l'entreprise.
Finalement, je crois que je préfère les morts aux vivants.
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Le contact de sa peau me fait ouvrir grand les yeux. Je ne vois que son menton assombri de barbe courte. N'osant pas lever la tête vers sa figure, je me réfugie dans la vision de sa pomme d'Adam.
Mon corps ne se détache pas du sien.
Sa main, lentement, s'étale sur ma chevelure dans le sens que je lui ai imprimé. A nouveau, je ferme les yeux.
Je ne sens plus que le poids de cette main détendue sur mes cheveux.
Cette main et son sexe qui durcit contre mon ventre.
Puis son pouce parcourt mon front, et je lève le menton comme un chat en quête de caresses. Le doigt sinue sur mes paupières closes, dessine l'arête du nez, suit le contour de mes lèvres.
Ma bouche s'entrouve et le pouce se glisse à la lisière de mes dents.
"Hmmm..."
Au grondement qui s'échappe de ma gorge, je bascule d'un coup dans la réalité d'avant, celle qui déjà n'existe plus, où lui et moi étions des étrangers entretenant des rapports froids et sans enjeux. La réalité présente une frappe comme une gifle, j'en prends l'entière mesure avec ce doigt en moi, je suis nue sous la douche avec Aoyama, vingt-sept ans, un homme avec qui je nettoie les logements des morts, un homme pour lequel je n'éprouve qu'une indifférence teintée d'agacement mais qui s'invite dans mon espace physique et mental depuis quelque temps, un homme que je n'ai pas su maintenir suffisamment loin de moi et dont je suis en train de laper le doigt avec ma langue. Pour retenir les autres bruits qui montent de mon ventre, je saisis sa main et enfonce son doigt plus profondément entre mes lèvres et le suce comme je voudrais sucer son sexe.
"Sato. Tu sais ce qui va se passer, après ?"
Mon ventre se tend encore davantage contre lui.
"C'est ce que tu veux ?"
Je ne pensais pas qu'il était ce genre d'homme, de cette politesse qui peut être encombrante dans les moments où l'on se détache de soi. Je l'imaginais un peu brusque et pressé ; or, c'est moi la plus impatiente de nous deux.
Il prend mes hanches et gentiment, m'éloigne des siennes. Malgré la distance rétablie entre nous, impossible de croiser son regard. Ce regard qui, comme une lame chauffée à blanc, n'a rien raté de mon plaisir.
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Le malaise qui me saisit parfois, devant la solitude et l'abandon des kodokushi, n'est peut-être que le reflet de la solitude et de l'abandon que j'éprouve en pensant à ceux qui respirent, souffrent et aiment encore.
Peut-être que je traite aussi mal les vivants que mes morts.
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