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EAN : 9782721006219
440 pages
Editions des Femmes (22/03/2012)
4.67/5   12 notes
Résumé :
Argumentée par des années de recherche, de consultation de manuscrits inédits et de correspondance privée, d’entretiens avec des proches de l’écrivaine, la biographie de Clarice Lispector par Benjamin Moser est à la fois un témoignage et un roman. Déjà traduite en portugais et publiée au Brésil et au Portugal, elle paraît pour la première fois en français aux éditions Des femmes-Antoinette Fouque, qui ont entrepris depuis les années 1980 de publier l’intégralité d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
(chroniqué dans le cadre de l'opération Masse Critique)

Quelle jolie découverte que nous propose Benjamin Moser dans sa biographie d'une écrivaine mythique au Brésil et inconnue dans nos contrées, à savoir Clarice Lispector (1920 et 1977).

Pour notre plus grand bonheur (!), le livre ne contente pas d'uniquement retracer la vie de Clarice, mais il nous fait également découvrir d'autres aspects du Brésil, tels que son histoire, sa politique et sa société, la littérature et le monde de l'édition, le journalisme, etc…

A être exceptionnel, parcours exceptionnel ; comment en aurait-il pu être autrement ?
Ainsi Clarice (née Chaya), juive d'origine ukrainienne, vient au monde sur base d'une superstition selon laquelle un enfant pourrait par sa naissance guérir sa mère d'une maladie (sa mère ayant contracté une syphilis suite à un viol collectif commis par un groupe de soldats russes, et dont elle mettra dix ans à agoniser). Inutile de dire que Clarice ne se remettra jamais de n'avoir pu réaliser le miracle, à savoir guérir sa mère par sa naissance. Ce traumatisme laissera bien entendu des empreintes quant aux attentes envers la vie et Dieu.

Après cette naissance en milieu apocalyptique, s'ensuivra une émigration salvatrice de sa famille au Brésil (Clarice a alors un an et demi) afin de fuir les affres de la fin de la révolution russe, la famine, et les épidémies de typhus. Même si Clarice ne gardera aucun souvenir des épreuves endurées en Europe, nul doute qu'elles auront influencé son caractère mais aussi son oeuvre littéraire inclassable au style hermétique, fragmentaire, elliptique, allusif, et mystique, ayant tout pour déconcerter les lecteurs même les plus avertis.

Le livre nous fait également voyager dans l'espace, Clarice ayant été la femme d'un diplomate. On s'envole ainsi pour Naples, Berne, Torquay et Washington, même si de son propre aveu, Clarice ne s'est jamais sentie chez elle qu'au Brésil.

Au niveau de l'analyse de l'oeuvre littéraire, pour notre plus grand bonheur, les livres de Clarice sont analysés en vue d'aider le lecteur à découvrir les sens cachés et les thèmes récurrents chers à Clarice. Des extraits de lettres viennent compléter la vision du lecteur afin qu'il puisse mieux appréhender la personne hautement complexe se cachant derrière l'écrivaine que des introspections incessantes à l'écoute de ses mondes intérieurs ainsi que les malheurs de la vie ( un divorce, l'éducation seule d'un fils schizophrène, la perte de l'usage d'une main suite à un incendie) entraîneront dans la solitude, le désespoir, les insomnies, les médicaments, et dans la dépression, quand Clarice aura compris qu'elle écrivait pour cesser de penser, mais que l'antidote s'est révélé être empoisonné : «J'écris comme si cela devait permettre de sauver la vie de quelqu'un. Probablement la mienne », «J'écris pour moi-même, pour entendre mon âme parler et chanter, et parfois pleurer ».

Lors de sa dernière interview, en réponse à la question « Vous vous renouvelez à chaque nouveau livre », Clarice aura cette réponse à la hauteur de sa verve : « Nous verrons si je peux renaître. Pour l'instant je suis morte... Je parle depuis ma tombe ».

En résumé, Benjamin Moser nous invite par ce livre de 400 pages denses agrémentées de 36 pages de notes (excusez du peu !) à partir à la découverte d'un être mythique, hors du commun, et insondable, si injustement inconnu en Europe. Je compte sur vous pour réparer cette injustice !

Pour ceux que l'hermétisme et la complexité des livres de Clarice rebuteront, je vous conseille (après avoir lu le livre de Benjamin Moser) de découvrir la personne qu'elle était (Chaya), via deux autres de ses facettes, à savoir « La Découverte du monde, 1967-1973 (Chroniques chaque samedi dans le Jornal do Brasil) » et « le seul moyen de vivre : Lettres (1941-1976) ».

Je tiens à remercier Babelio, mais également les Editions Des Femmes pour cette merveille découverte !
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Cette biographie de Benjamin Moser est une splendeur. Elle a la rigueur d'une recherche scrupuleuse de ce que fut la vraie vie de l'écrivaine, débarrassée de son mythe (on la surnommait "le Sphynx") et la somptuosité d'un roman habité. Habité par quoi ? Par une admiration éperdue.

Clarice Lispector est l'un des plus grand écrivain brésilien. L'oeuvre chaleureuse de Moser est une introduction à son oeuvre difficile : il alterne les tranches de vie de la femme et les écrits qui leur correspondent, ou leur échappent (le plus souvent leur correspondent).

J'oserais bien pour Lispector le terme d'"incandescente", mais il est aujourd'hui un peu galvaudé.

Je dirais qu'elle allie la recherche stylistique à celle du sens de la vie, non d'une façon artificielle, mais en montrant, grâce à des effets poétiques sidérants, à quel point les deux sont liés. Nos sens percutent quelque chose, que nous nommons aussitôt "le réel". le mot fait exister le monde, mais le monde est là, en-deça (au-delà ?) du verbe.

La recherche de Lispector est philosophique, esthétique, stylistique, poétique et mystique : que sommes-nous et qui sommes-nous ?

Moser a produit l'oeuvre d'un amoureux. Il en est une autre, la canadienne Claire Varin, qui consacra sa thèse de doctorat à cette grande artiste et apprit le portugais pour mieux la comprendre.

Je joins ci-dessous le lien de l'émission de France Culture à laquelle a participé Claire Varin.


Lien : https://www.radiofrance.fr/f..
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La passion selon C.L.
Un portrait dans un magazine lu dans un train m'avait intrigué ; qui était cet auteur et romancière brésilienne? La qualité de la photo et la beauté de cette femme m'avaient incité à faire des recherches sur son oeuvre. J'achetais quelques jours plus tard "La découverte du monde" déjà édité par "Des femmes/ Antoinette Fouque". Ce livre suite d'articles de presse publiés dans le "Jornal do Brasil" m'avait à l'époque beaucoup intéressé.
La sortie de cet ouvrage me permet de mieux connaitre cet écrivain pas très facile d'accès, mais combien attachante. Cruelle ironie du sort, elle est née le 10 décembre 1920 et décédée à Rio de Janeiro le 9 décembre 1977.....à un jour près elle aurait eu 57 ans!
Clarice Lispector, bien que venue au monde en Ukraine dans une famille juive, est considérée comme une des plus grandes plumes de la littérature brésilienne où elle est arrivée très jeune.
La première partie du livre traite des conditions de vie de la famille Lispector en Ukraine....on devrait plutôt dire de survie! L'histoire de la minorité juive dans ce pays à la fin de la "Grande Guerre" est hallucinante.....les conditions de la conception et de la naissance de Clarice dépassent l'entendement. Pour les rescapés de cet enfer, une seule solution, si cela était encore possible, l'exil.
Même si tout n'est pas parfait, l'arrivée au Brésil a comme un gout de Paradis. Mais la réalité est plus dure, sa mère meurt à l'age de 46 ans, les juifs sont tolérés, mais sans plus, les idées nazis font aussi leur chemin. Clarice est une élève douée, faute d'être travailleuse ; le décès de sa mère, la révolte et son comportement s'en ressentent.
Mais à l'adolescence une grande découverte va changer sa vie.....la littérature. En particulier le roman de Hermann Hess, "Le loup des steppes".
En 1933 la famille quitte Récife et le Nord-Est pour Rio de Janeiro, à la recherche d'une vie meilleure, mais les travailleurs portugais sont très nombreux et plus qualifiés, les premières favelas s'installent....
Le 25 mai 1935 est une grande date, pour la première fois elle est éditée dans un journal d'obédience national.....c'est le début d'une longue et brillante carrière, mais aussi d'une vie faite de fastes (mariage avec un diplomate) et de vaches maigres (divorce et problèmes pécuniaires) , de bonheurs et de drames.....une vie et bien sûr au bout du chemin la mort, très souvent présente dans son oeuvre :
" Pour l'instant je suis morte. Nous verrons si je peux renaître. Pour l'instant je suis morte.... je parle depuis ma tombe."
Les personnages sont bien évidement très nombreux : la famille, en particulier ses soeurs, Tania, pianiste et Eliza, également écrivain. Un père d'un grande tolérance et d'une ouverture d'esprit rare pour l'époque, tous avaient un niveau intellectuel supérieur à la moyenne, malgré une vie plutôt proche de la pauvreté.
Les amis, en particulier, Olga Borelli présente à son chevet au moment de sa mort, sont trop nombreux pour être cités.....un animal, elle qui se sentait si proche d'eux, Ulysse son chien, buveur et fumeur ! le monde des lettres et des arts est également très présent dans cet ouvrage.
Une biographie qui me semble très complète sur la vie et l'oeuvre d'une femme fascinante....L'auteur n'a pas eu grand chose à faire pour que je tombe sous le charme de cette écrivain....chose qui était fait depuis des années....malgré le fait que parfois ses livres me laissent un sentiment pour le moins mitigé!
Il faut aussi signaler le travail titanesque de l'auteur Benjamin Moser qui présente la particularité d'être âgé d'un an à la mort de Clarice Lispector! Un autre aspect de ce livre, c'est de donner une vision de l'histoire de l'Ukraine et du Brésil au cours des années passées par Clarice dans ces deux pays, source de découvertes pour un néophyte comme moi. Un entretien entre Antoinette Fouque et lui-même permet de comprendre la démarche de ces deux personnes à qui l'on doit ce livre.

Une dernière réflexion en guise d'épitaphe:
« Ne pleurez pas les morts : ils savent ce qu'ils font. »
En quelques phrases extraites de ce livre, la recherche d'elle même de Clarice Lispector :
- "Je suis si mystérieuse que je ne me comprends pas moi-même."
- "Je dois avoir un air craintif, avec des yeux d'étrangère qui ne parle pas la langue du pays."
- "Pour essayer de dire par les mots ce que je ressens de plus secret, de plus subtil, je dirais : si j'avais pu choisir, je serais née cheval."
- "Il y a quelque chose que j'aimerais dire, mais je ne peux pas. Et il sera très difficile pour quiconque d'écrire ma biographie."
- "Il y a des années et des années que je me suis perdue de vue et c'est pourquoi j'hésite à me chercher, à me rencontrer. J'ai peur de commencer."
- "On m'a donné un nom et on m'a aliéné de moi.*"
- "Les gens d'ici me regardent comme si je sortais tout droit d'un zoo. Je suis entièrement d'accord."
"J'ai été une adolescente indécise et perplexe qui avait une question muette et immense : "Comment est le monde et pourquoi ce monde?".
" Elle était devenue sa propre fiction", écrivit Paulo Francis. " C'est la meilleure épitaphe qui soit pour Clarice".
Éditions : Des Femmes/Antoinette Fouque (2012)
* le prénom de Clarice est en réalité Chaya.
Il est possible de voir sur internet le seul et unique entretien qu'elle a donné pour la télévision, dont la traduction figure dans ce livre.
Lien : http://eireann561.canalblog...
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La découverte d'une romancière à la vie intense et dense, mais aussi celle de l'Histoire de l'Ukraine et du Brésil. Une lecture instructive et très intéressante !
Lien : http://lecandidelitteraire.b..
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critiques presse (2)
Lexpress
08 juin 2012
Une fascinante biographie de l'inclassable femme de lettres brésilienne inspirée par la mystique juive, l'animalité et la confusion des genres.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Telerama
06 juin 2012
Dans cette biographie exemplaire et comme amoureuse, l'Américain Benjamin Moser, fasciné par la mondaine apparemment rangée, si profondément ravagée, en dresse un magistral portrait.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Mais parfois elle se rappelait l'argile mouillée, courait affolée au patio, plongeait les doigts dans cette mixture froide, muette et constante comme une attente, la malaxait, la malaxait petit à petit pour en extraire des formes. (...) De petites formes qui ne signifiaient rien mais qui étaient en réalité mystérieuses et calmes. Parfois hautes comme un grand arbre, mais ce n'étaient pas des arbres, ce n'était rien... Parfois comme un ruisseau qui court mais ce n'était pas un ruisseau, ce n'était rien... Parfois un petit objet presque en forme d'étoiles mais fatigué comme une personne. Un travail qui ne finirait jamais, c'était le plus beau et le plus soigné de tout ce qu'elle avait jamais appris : qu'ainsi donc elle pouvait faire ce qui existait et ce qui n'existait pas.
(personnage de Virginia dans "Le lustre")
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Ecoute : respecte même les mauvaises parts qui sont en toi -- respecte par-dessus tout les mauvaises parts qui sont en toi -- pour l'amour de Dieu, n'essaie pas de te rendre parfaite -- ne copie aucun être idéal, copie-toi toi-même -- c'est là l'unique moyen de vivre.
(extrait d'une lettre à Tania,sa soeur)
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En 1933, Clarice décida de devenir écrivain. "Quand, consciemment, à l'âge de treize ans, j'ai assumé la volonté d'écrire [...] je me suis vue tout à coup dans un vide. Et dans ce vide, il n'y avait personne qui pût m'aider. [...] Je n'en parlais à personne, je vivais seule cette douleur. Je devinais déjà une chose: il fallait toujours essayer d'écrire, ne pas attendre un meilleur moment car celui-ci tout simplement ne viendrait pas. Écrire a toujours été difficile pour moi, même si je suis partie de ce qu'on appelle une vocation. Une VOCATION est différente du TALENT. On peut avoir une vocation et ne pas avoir de talent, autrement dit, on peut être appelé et ne pas savoir comment y aller. "
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De tant mentir pour avoir la même opinion que tout le monde, parce qu'il ne sert à rien de discuter, j'en ai été paralysée.
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Ecrire peut rendre fou. Il faut mener une vie, bien organisée, bien bourgeoise. Sinon la folie vient. C'est dangereux. Il faut se taire et ne rien dire de ce que l'on sait, et ce que l'on sait est si vaste, et si glorieux.
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