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Suzanne V. Mayoux (Traducteur)
EAN : 9782267007060
334 pages
Christian Bourgois Editeur (01/05/1991)
3.65/5   13 notes
Résumé :
Les Hommes de paille raconte la carrière politique de Ralph Singh, le narrateur de ce roman. Après des études en Angleterre, le héros revient dans sa terre natale, une île des Caraïbes et colonie anglaise inventée par Naipaul, non sans avoir pensé à sa propre île de naissance (Trinidad-et-Tobago). Singh y fait fortune. Avec cet argent, il fonde un parti politique socialiste, défenseur des droits des colonisés contre la domination britannique. Il remporte les électio... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Le titre d'un livre est parfois un choix difficile pour un auteur. Faut-il résumer le thème en quelques mots forts ? Laisser planer le doute avec un titre qui ne se comprend qu'après avoir lu une bonne partie du roman, voire qu'on ne comprend pas du tout (du genre le nom de la rose d'Eco) ? Faut-il se contenter de nommer le personnage principal pour que le livre s'incarne en lui ? Et quand à tout ça vous ajoutez que ce titre sera traduit et du coup peut-être trahi, vous vous demandez si cela valait la peine de se donner tant de mal.

C'est presque l'aventure inverse qui est arrivée à V. S. Naipaul avec ce livre. En effet, il indique dans sa préface qu'il regrette les analyses réductrices qui ont été faites de son titre "The Mimic Men" qu'on peut traduire littéralement par "Les imitateurs" et qui a fait dire aux critiques que Naipaul avait voulu mettre l'accent sur le fait que les hommes politiques post-indépendance des îles des Caraibes singeaient les dirigeants des pays occidentaux. Or Naipaul estime que son titre ne se limite pas à cette interprétation, que les habitants de ces colonies sont finalement aussi des sortes d'imitations d'hommes, trouvant difficilement leur propre identité dans le processus d'indépendance de leurs pays. Et c'est alors que la traduction française "Les Hommes de paille" montre son intelligence malgré l'éloignement du titre original puisque l'expression renvoie à la fois à la politique mais aussi par le sens concret, à une fragilité de l'être humain en lui-même.

Le livre est construit de façon à rendre au mieux possible cette quête d'identité. le narrateur essaie d'analyser son parcours, de le comprendre. La narration avance de façon hésitante, part du milieu de la vie de l'auteur, évoque son mariage, revient sur son enfance, passe par certaines évocations de vie plus mature, puis revient sur le parcours politique. Certaines phrases se répètent, prenant tout leur sens dans des contextes différents, certains sentiments de déjà-vu comme on en rencontre tous. Naipaul se sert de sa propre expérience d'enfant de famille indienne exilée aux Caraïbes pour construire son personnage principal qui ne parvient que rarement à se sentir à l'aise dans les costumes que son parcours lui impose de porter. le rapport complexe du personnage avec les femmes répond à la propre image de l'auteur, qu'il a livré dans la biographie autorisée The World is What it is, se décrivant étonnamment (lucidement ?) comme "obsédé, misogyne, sadique, violent".

Sans chercher d'excuses (à lui comme à son personnage), Naipaul veut comprendre la construction de ces êtres qui rêvent d'un ailleurs occidental mais sans cesse ramené à leur double origine: l'île de leur naissance et les racines de leur famille. Comment se trouver entre ces 3 pôles, comment analyser correctement l'influence de l'enfance, des rapports familiaux, de l'image du père, de la course à la réussite, de l'image que les autres projettent sur vous ? L'auteur ne donne pas beaucoup de réponses mais nous invite à cette odyssée de l'identité, décrivant au passage les affres de la politique dans ces pays qui se cherchent eux-même une identité et à qui on demande dès leur naissance, leur indépendance de trouver immédiatement la formule politique capable de représenter au mieux leur peuple métissé. Comme si ce que les grandes puissances occidentales avaient peiné à construire progressivement au cours de plusieurs siècles de tâtonnements politiques entre monarchie absolue, empire ou république (pour prendre l'exemple de la France) pouvait être évidemment réalisé en quelques décennies par des pays tout neufs. Et surtout, ne vous avisez pas de vous approcher de près ou de loin d'une dictature, au risque de vous faire juger immédiatement par ces mêmes grandes puissances assises sur leur expérience ancestrale de stabilité légendaire !

Bref, un roman très riche, parfois difficile à suivre dans les méandres d'un style qui se cherche autant que le personnage mais toujours en perpétuelle création. Comme cet auteur dont l'histoire n'aura pu que le pousser à questionner les décolonisations tout autour du globe, sans dédouaner personne de sa propre responsabilité, cherchant simplement à comprendre et retranscrire au mieux cette période de l'histoire où en quelques années tant de pays sont sortis de terre, tel le blé qui fournit la paille dont on fait les hommes.

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Histoire du parcours politique d'un ambitieux, nous dit la quatrième de couv? Oui mais pas que, loin s'en faut.

D'emblée, le narrateur annonce en effet que son expérience politique, tout comme son mariage, n'auront été que des parenthèses presque secondaires dans sa vie. Et de fait, l'épisode homme public n'intervient qu'à la fin du roman.

Un épisode pas si déterminant que ça dans la vie de cet homme d'origine indienne né sur l'île fictive d'Isabella (miroir de Trinidad où est né l'auteur et symbole de tous ces confettis d'empire anglais décolonisés après la guerre), grandi dans un système de référence où les standards occidentaux n'ont pas lieu et qui s'est construit sur de multiples fractures, raciales, sociales, géographiques.
De son écriture précise et sans fards mais également majestueuse comme un fleuve, Naipaul prend le temps de fouiller ces fractures et remonter à leur source pour raconter, à la première personne, ce personnage déjà désabusé de la vie à quarante ans, dont la désillusion reflète celle de ces peuples que la décolonisation a laissé face à leur immaturité politique et leurs faiblesses structurelles orchestrées par leurs anciens dominants.

Un récit intelligent et triste, qui donne à voir le monde sous un angle peu commun.
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Je ne suis pas une grande fan de rugby. Vous me direz, Naipaul c'est plutôt le cricket. (Mais le cricket j'y comprends rien, alors que le rugby, un peu plus.)
Le rugby, donc : ce qui est soûlant, c'est que dès qu'il y a une mêlée, j'ai l'impression que l'action s'interrompt. Je veux bien croire que la mêlée, c'est un élément technique important, mais n'empêche, voilà deux équipes qui courent vers un lieu précis, à la poursuite ou à la défense d'un ballon, ça accélère ou ça essaie de feinter, ça se fait des passes tout ça, il y a de l'action. Et pof, mêlée : tout s'arrête, on comprend rien, mais pourquoi, que se passe-t-il, pourquoi ça court plus ?
Les hommes de paille, c'est un peu pareil : à tout moment l'action, à savoir les souvenirs d'une vie, s'interrompt pour caser des réflexions certes profondes, mais qu'on aurait tout aussi bien comprises d'après la psychologie des personnages.
J'ai regretté ce choix de l'auteur, qui plombe un peu la lecture.
Parce que c'est quand même remarquablement observé, le parcours de ce Trinidadien tiraillé entre valeurs paternelles et maternelles, qui apprend la vie en allant étudier à Londres, revient faire du business à Trinidad, entre en politique et puis perd tout… sauf l'expérience de ses échecs.
Parce que tel quel, sans les réflexions qui alourdissent la narration, son parcours nous en dit déjà beaucoup sur Trinidad et sur la part de l'histoire coloniale dans les constructions sociales.
Et l'écriture est d'une élégance ! Élégante aussi la traduction de Suzanne Mayoux.
Par contre, j'ai regretté aussi de ne pas retrouver l'humour de Mr Biswas, ni la couleur de Miguel Street.
Challenge Globe-Trotter (Trinité-et-Tobago)
Challenge Nobel
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C'est au bout de 220 pages que j'ai trouvé de l'intérêt à ce roman, jusque-là il ne s'agissait que de la biographie d'un jeune homme plutôt agaçant dans son dandysme très étudié et son indécision pathologique quant au sens à donner à sa vie.

Originaire de l'île d'Isabella, dominion britannique, Ranjit Kripalsingh préfère se faire appeler Ralph Singh, premier signe d'un caractère insatisfait. Issu d'une famille pauvre côté paternel et devenue riche côté maternel, il est représentatif de la classe moyenne dans une société post-coloniale : plutôt méprisant vis-à-vis de ses compatriotes noirs anciens esclaves, envieux des vieilles familles de colons mais les jugeant sur le déclin. le jeune Ralph Singh se construit un personnage insaisissable, refusant les amitiés, fuyant les conflits.

Son île étant finalement trop petite pour lui il part étudier dans l'Angleterre de l'immédiat après-guerre, mais son dilettantisme fait de lui un élève médiocre qui se consacre plus efficacement à la chasse aux filles ce qui lui vaut d'épouser une belle anglaise aussi peu stable que lui.
Revenu à Isabella auréolé d'une expérience anglaise et enrichie d'une femme blanche, Singh reprend dans la bonne société son rôle de jeune homme mystérieux et donc plein de promesses. Après de bons investissements immobiliers et le départ prévisible de son épouse, Singh qui ne sait toujours pas quoi faire de sa vie se lance dans la politique. le système colonial étant vermoulu il suffit de quelques articles et discours pour le faire s'écrouler et à sa grande surprise Singh arrive au pouvoir aux côtés de Browne son ami d'enfance.

A partir de là le roman prend toute sa dimension, Singh affronte les écueils de tous les nouveaux dirigeants des pays décolonisés : répondre aux espoirs des plus pauvres, éviter les tensions raciales, se passer des fonctionnaires coloniaux, construire une économie réelle et autonome sans compétences locales, éviter le clientélisme. de fait les renoncements arrivent vite et la peur du peuple s'installe, il ne reste que des vieilles recettes, continuer à attiser la haine du colonisateur, envisager l'opération magique de tous les gouvernements «progressistes» : la nationalisation et bien sûr construire un appareil répressif pour s'accrocher au pouvoir. Mais pour tout échec il faut un coupable ce sera lui que choisiront les hommes de paille qu'il a amené au pouvoir.

Cette dernière partie est une terrible charge contre les « élites » décolonisées, elle fût mal accueillie par les tiers-mondistes des années soixante-dix mais force est de reconnaitre qu'elle décrit exactement ce qui s'est passé dans bien des anciennes colonies qui n'ont toujours pas assumé les charges de la liberté.
Si le roman tape juste sur le plan politique il n'en est pas moins ardu et parfois ennuyeux. Les introspections du narrateur me sont souvent restées obscures et comme il ne provoque guère d'empathie cette lecture ne m'a pas ravi.
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Un récit de vie comme il en existe beaucoup.

J'ai eu du mal à rentrer dedans, le style ne m'a pas embarqué. A un tiers du livre, l'histoire décolle un peu mais c'est malheureusement resté assez plat. Je n'ai pas accroché, ça arrive ! Mais je reconnais des qualités littéraires à l'auteur.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Mais le bébé était prêt et Lieni elle-même l'était presque, occupée à se limer les ongles devant le miroir de fantaisie qui surmontait la cheminée ; elle me parut toute propre et lustrée. C'était une transformation qui m'intéressait toujours. Elle avait coutume de parler de la "Londonienne élégante", formule que je l'avais entendue employer pour la première fois lors d'une discussion avec le fasciste et d'autres personnes réprouvant pour la plupart le mariage d'une jeune Anglaise et du chef d'une tribu africaine. A ses propres yeux, Lieni était une Londonienne élégante; et chaque fois que nous sortions ensemble, en compagnie parfois du jeune ingénieur indien avec qui elle avait une liaison, elle consacrait beaucoup de temps à l'élaboration de cette Londonienne élégante, que ce fût pour aller dîner au restaurant italien du coin de la rue ou au cinéma qui n'était guère plus éloigné. Elle semblait s'acquitter ainsi d'un devoir envers la ville plus qu'envers elle-même.
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Un public se compose d'individus dont la plupart vous sont probablement inférieurs. Aveu désagréable; mais je n'ai jamais attaché foi à l'acteur qui prétend "aimer" son public. Il aime son public de la manière dont il pourrait aimer ses chiens. Dans tous les domaines, celui qui remporte des succès face à un public n'est peut-être pas mû par le mépris, mais par une profonde absence de considération. L'acteur est séparé de ceux qui l'applaudissent; le dirigeant, et en particulier le dirigeant populaire, est séparé de ceux qu'il dirige.
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Les politiciens sont des gens qui font véritablement quelque chose à partir de rien. Ils n'ont guère de talents à offrir. Ils ne sont ni ingénieurs, ni artistes, ni producteurs. Ce sont des manipulateurs, ils offrent leur propre personne de manipulateur. N'ayant pas de talents à offrir, ils savent rarement quel est l'objet de leur quête.
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Soyez aimables avec les gens que vous rencontrez lors de votre ascension, recommande la sagesse des nations; car ce sont les mêmes que vous allez rencontrer en redescendant les échelons.
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Nous devenons ce que nous voyons de nous-mêmes dans le regard des autres.
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Video de V. S. Naipaul (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de V. S. Naipaul
Discours de V. S. Naipaul à l'occassion de l'obtention du prix Nobel de littérature en 2001.
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