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EAN : 9782760408791
303 pages
Stanké (02/01/2003)
4.06/5   17 notes
Résumé :
Un roman atypique. Sur la vie. Au jour le jour. Les joies et les peines d’une petite communauté inuit du nord du Canada. On y apprend à construire en toute hâte un iglou, à repérer la glace traîtresse, à chasser l’ours avec des chiens de traîneau, à préparer de la viande séchée de phoque et à interpréter les signes de la présence de Tuurngaq, un esprit auxiliaire de chamane que n’apprécient guère les premiers missionnaires chrétiens.
Surtout, une expérience r... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Voici un livre précieux, ce qui le rend émouvant. Pas tellement pour les émotions qu'ils charrient ( elles sont plutôt frugalement développées ) mais par son impact intellectuel et la possibilité offerte au lecteur de se décentrer de son habituel point de vue occidentalo-centré. Sanaaq est le premier roman autochtone de l'Arctique canadien.

Son auteur, Mitiarjuk Nappaluk ( 1931-2007 ), l'a composé sur une vingtaine d'années à partir des années 1950. Analphabète ( au sens premier du terme, ne sachant ni lire ni écrire un alphabet ), elle l'a écrit en caractères syllabiques sur des milliers de pages, avant que l'éminent ethnologue et ami Bernard Saladin d'Anglure, ne le translittère en alphabet latin puis le traduise. Au départ, c'était une commande de missionnaires catholiques lui demandant de transcrire le plus grand nombre de mots de la vie quotidienne inuit.

Etant donné son contexte, ce roman est très atypique. Il ne faut pas s'attendre à retrouver les codes et conventions romanesques occidentaux. Chaque chronique est quasiment une chronique indépendante décrivant le quotidien rigoureux des Inuits confrontés à une nature extrême. L'auteur raconte les mille gestes d'un mode de vie entièrement axé sur la survie en une lutte acharnée à se nourrir : la construction d'un iglou ou d'une embarcation, la pêche à l'omble ou au béluga, la chasse à l'ours ou au phoque barbu, la cueillette des bouleaux nains, on partage les labeurs saisonniers des Inuits.

Du coup, ce texte vivant déborde de factuel dans une profusion de vocabulaire inuit ( les traductions sont mises directement dans les marges et dans un lexique final ) avec beaucoup de répétitions. Il est également truffé de style direct, de dialogues alertes, d'expressions acoustiques, d'onomatopées fixées dans la langue ou d'interjections. Cette grande spontanéité dans l'écriture surprend et désarçonne, forcément. On ne lit pas ce roman pour la beauté de son écriture, souvent hachurée, mais pour son authenticité éclatante qui respecte la musique de la langue inuit.

Pour autant, il ne faut pas réduire ce texte à la valeur anthropologique d'un documentaire. Ce n'en est pas un, c'est bien un roman car son auteur porte un regard sur les faits racontés. Mitiarjuk Nappaluk est une personnalité exceptionnelle qui reçut en tant qu'aînée de quatre soeurs l'enseignement de son père réservé aux garçons. Dans sa communauté, elle était considérée comme une médiatrice entre les hommes et les femmes, sorte de «  troisième genre ». Sans doute a-t-elle mis beaucoup d'elle dans son personnage de Sanaaq, femme forte qui devient veuve très jeune avec en charge sa petite soeur.

Dans le dernier tiers, l'auteure semble s'extraire de la chronique factuelle pour aborder des thématiques fortes, universelles, plus « romanesques », comme si elle faisait sauter le verrou de l'autocensure : l'irruption de la violence conjugale, la place des croyances ou de la sexualité, l'héritage des aînés, à un moment charnière de l'histoire inuit, entre un passé qui s'effrite et une modernité à aménager suite à l'arrivée intrusive des Blancs. Tellement précieux de découvrir cette culture inuit avec un point de vue féminin original.

A noter, la qualité formelle de ce livre, comme toujours avec la maison d'édition Dépaysage qui apporte un soin extrême au choix du papier, de la mise en page et des illustrations ( en couverture, merveilleuse photo de Mitiarjuk Nappaaluk dans son iglou ). Cette réédition est définitivement précieuse.
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Mitiarjuk Nappaaluk ? Robert Lechat ? Bernard Saladin d'Anglure ? Ces noms ne vous disent rien ?

Normal. Et pourtant, sans eux, Sanaaq ne serait probablement jamais arrivé jusqu'à nous, nous privant de ce qui est sans doute le premier roman autochtone du Canada. Longtemps cantonné au rang de « peuple sans écriture », les Inuits de l'Arctique québecois n'en sont pas pour autant un peuple sans histoire, loin de là.

C'est cette histoire individuelle et collective que nous conte Mitiarjuk Nappaaluk dans Sanaaq, celle de ces familles vivant dans la baie de Wakeham au Nunavik. Des morceaux de vie, des parenthèses du quotidien, des instantanés joyeux ou plus sombres…

Amateurs de romans à intrigues ou à suspense, passez votre chemin ; vous n'y trouverez pas votre compte. Mais si aller un peu plus loin dans la découverte des modes de vie des peuples autochtones vous intéresse, alors vous êtes au bon endroit, avec le bon livre !

On y parle de pêche, de chasse et de cueillette bien sûr, de peaux et de fourrures, d'ours blancs et de phoques annelés, d'igloos et de traineaux. de chiens aussi, à la fois protégés et parfois détestés. Et de légendes enfin, allant des lièvres aux sept anus aux bélugas avec lumaajuq…

Mais à travers ces saynètes parfois un peu désuètes, on explore surtout les relations familiales qui unissent ou séparent ces peuples, leurs migrations, leurs rituels ancestraux, leur hospitalité, leur justice ou leur approche de la mort et de la naissance, sans oublier les influences des Blancs et de leur argent, missionnaires catholiques ou explorateurs-envahisseurs.

Un livre instructif donc, mais qui finit au fil des pages par nous embarquer dans un élan empathique pour Sanaaq, fière et forte femme qui porte haut la parole des siens !

« Tu dois toujours te souvenir que tu es un chasseur et que n'importe quand, tu auras à affronter le danger et à passer par des moments désagréables. Il te faudra faire en sorte que les tiens ne souffrent jamais de la faim, et penser plus à eux qu'à toi. Tu ne devras jamais rester à ne rien faire quand se présente une possibilité de subvenir à leurs besoins. Ai ! »
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Écrire un roman. Vaste programme, idée séduisante, peut-être un peu effrayante aussi. Mais pour Mitiarjuk Nappaluk, c'est carrément bousculer les lignes, sortir du cadre et en inventer un nouveau. Car elle écrit un roman sans connaître en amont ce concept. Bref, elle innove !

Grâce à ses multiples connaissances, à sa curiosité, à ses aptitudes tant en des tâches traditionnellement féminines qu'en des plus masculines, elle offre à son lectorat la rencontre en immersion avec toute une communauté Inuk.

Onitialement conçu afin de transmettre du vocabulaire autochtone à des missionnaires catholiques, ce qui m'a frappée à sa lecture, c'est l'évolution du style. Les premiers chapitres sont très ancrés dans les dialogues dans lesquels les personnages décrivent beaucoup leur actions. Ils semblent ainsi interagir avec le lecteur (qui ne voit pas l'action) plutot qu'avec leurs comparses qui sont effectivement près d'eux. L'autrice semble prendre goût à animer ses créations, transmettre son expérience du monde à travers eux, presque comme un enfant qui jouerait à la poupée. Puis la narration s'affirme, prend une place plus importante. Les sentiments s'invitent davantage, diverses croyances traditionnelles, aussi. Les chapitres se répondent davantage les uns au autres. Les personnage s'émancipent de leur rôle-témoin.

Si la postface du traducteur attribue une part de ces changements au fait que la dernière partie du livre n'a pas été écrite à la demande des missionnaires, ce qui a permis à Mitiarjuk Nappaaluk de s'affranchir de certains tabous, n'y aurait-il pas aussi chez cette audacieuse exploratrice du verbe, une maîtrise progressive de son art ?

Une nouvelle fois merci aux éditions dépaysage d'avoir fait réémerger un trésor littéraire, atypique, brouillant les pistes entre anthropologie et création littéraire. Sans modèle et donc sans comparaison possible, cet objet littéraire non identifié aboli toutes les frontières.
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Saanaq, de Mitiarjuk Nappaaluk, est qualifié de premier "roman inuit". Écrit sur une période de deux décennies, d'abord en syllabique inuktitut puis en translittération, il a été commandé par des missionnaires catholiques travaillant au Nunavut, qui souhaitaient améliorer leur capacité à communiquer avec les peuples autochtones vivant dans la région. Ce qu'ils demandaient, c'était un simple recueil de phrases. Ce que Nappaluk a commencé à écrire, c'est un roman. Elle ne connaissait aucun alphabet, elle n'avait jamais lu de roman auparavant.

Composé de 48 épisodes, ce roman raconte le quotidien de Sanaaq, une jeune veuve forte, de sa fille Qumaq, et de leur petite communauté nomade du nord du Québec.
Le style d'écriture de Mitiarjuk est sans artifice, ancré dans le présent et parsemé de dialogues. Elle raconte leur vie au jour le jour, c'est ici et maintenant: chasser le phoque, réparer le kayak, ramasser des moules sous la banquise bleue, trouver du combustible, etc…. Les épisodes présentés sont simples dans leur structure mais d'une belle complexité émotionnelle. le lecteur est plongé dans la vie nomade intime des familles inuites alors qu'elles luttent quotidiennement pour leur survie, face à la nature et à l'arrivée des missionnaires qui menacent de changer à jamais leur mode de vie et leurs croyances.

Roman sincère et formidable source d'informations anthropologiques sur une culture qui peut être difficile à pénétrer pour un français, Sanaaq nous est offert par les éditions Depaysage, avec comme toujours un super boulot éditorial (avant-propos, lexique, postface, etc…).

Traduit par Bernard Saladin d'Anglure
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Sanaaq est le nom d'une jeune femme faisant partie d'un petit groupe d'Inuit vivant quelque part tout au nord du Québec. Elle, sa fille Qumaq et son mari Qalingu son au centre de ce qui serait difficile de qualifier d'histoire racontée par Mitiarjuk Nappaaluk. L'autrice, elle-même issue d'une de ces communauté du Grand Nord ne veut pas faire le récit d'une vie, mais le récit de son peuple. Les nombreux chapitres du roman nous content les événements du quotidien du petit groupe, qui doit monter ses tentes l'été et construire un igloo en hiver. Doit chasser le phoque pour en extraire de l'huile pour se chauffer et s'éclairer et surtout manger, survivre.

Tout au long du livre, on apprend à découvrir à travers la voix enfantine de son autrice ce qu'est la vie d'un Inuit, traditionnellement. On retrouve même une sorte de chronologie historique, alors qu'à la fin du livre on découvre les Blancs qui débarquent, avec leur religion, leur médecine et leur magasins où on peut acheter plein de produits contre de l'argent, qu'il faudra bien gagner à son tour. Il est important de noter que Nappaaluk est analphabète et a dicté son récit à un ethnologue et des missionnaires comme elle a pu le mettre sur papier en inventant son propre système d'écriture, avec que celui pour écrire l'inuit ne soit créé.

Il en résulte un livre étonnement agréable à lire d'un bout à l'autre ; qui, s'affranchissant du récit dramatique traditionnel à notre littérature occidentale, permet d'accepter plus facilement le nombre d'information qui nous est transmis, sans ce soucier de laisser derrière un personnage ou l'autre. On retrouve ainsi tout au long de l'ouvrage une mine de petits détails de la vie quotidienne traditionnelle inuite, qui plaira certainement aux curieux et aux anthropologues. Par là, Sanaaq est un livre absolument unique.

Comme Bernard Saladin d'Anglure (quel nom !), l'ethnologue et ami de Mitiarjuk Nappaaluk, l'a dit, Mitiarjuk a écrit d'autres ouvrages plus encyclopédiques encore, mais même ici dans son roman, le style n'en reste pas moins très descriptif. Évidemment, on ne peut que difficilement s'impliquer émotionnellement dans Sanaaq comme on le ferait avec l'histoire d'un roman comme on en lit habituellement, même si certains aspect du quotidien inuit peut provoquer une réaction : l'écartèlement du premier oiseau tué par un jeune homme par tout le village est un moment assez dur ; la nourriture habituelle des héros peut dégoûter à juste titre. Toute la fin du roman est aussi plus dramatique, en dix chapitres, que pendant les trente premiers. Un hiatus et une hospitalisation de Nappaaluk expliquent a priori cela. Mais encore une fois, on découvre une facette plus sombre de la vie de ces gens.

Sanaaq est une lecture légère, pleine d'onomatopées, de répétitions, de petites phrases qui nous paraissent étranges, comme écrites par un enfant, mais elle permet de s'évader, de survoler le temps d'un récit les lacs et les plaines recouvertes de glaces de l'extrême nord de notre planète. Et c'est rare, qu'un tel livre soit à la fois si doux, facile et si enclin à nous faire apprendre une coutume, la gestion d'un événement ou tout autre chose qui arrive dans la vie d'un Inuk. Encore une fois, c'est totalement unique ! le travail de traduction permet aussi, en ayant laissé une centaine de mot en langue inuit, de s'en approprier un ou deux, qu'on apprend à reconnaitre à chaque fois qu'on le trouve. Évidemment, cette lecture ne plaira pas à tout le monde, mais pour ceux qui ont l'esprit ouvert à ce genre d'aventure, la plongée est recommandée !
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Qalingu fait part de ses pensées à Taqriasuk :
- Taqriasuk, je te remercie pour tes connaissances à propos de ce qui est dangereux. Grâce à toi, j'ai appris que la viande de certain bélugas était mortelle.
- Il y a longtemps, mon grand-père m'a enseigné les danger de la vie. Jusqu'à ce jour, je n'ai jamais oublié ce qu'il m'a enseigné, mais maintenant que je suis moi-même âgé, il faut que je le raconte aux autres. Comme je deviens trop vieux, je ne pourrais bientôt plus vous aider en vous racontant ce que je sais, car je ne vivrai plus longtemps. Vus devez agir avec intelligence à propos de ce qui est dangereux et de ce qui n'est pas dangereux sur terre. Il n'y a pas que les bélugas avec *lumaajuq* qui font courir un risque mortel. Les bélugas ordinaires peuvent aussi être une source de danger. L'été, quand on ne les dépèce pas immédiatement et qu'on les laisse exposés au soleil, il faut faire bouillir leur viande, car elle sent fort et peut-être mortelle. Il faut y faire très attention, même si elle n'a aucun goût ou aucune saveur particulière.
- Merci pour toutes ces connaissances, lui répond Qalingu. Continue d'instruire les plus jeunes sur ce qui est dangereux : il faut qu'ils l'apprennent. J'ai bien compris qu'un Inuk doit connaître tout ce qui concerne la nourriture. Même si tu es vieux, tes paroles sont utiles et elles te survivront. Ton enseignement comme aîné ca continuer à se transmettre. Merci Taqriasuk !
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Voilà les pensées de Qalingu pendant qu’il rentre chez lui. Même s’il n’a pas encore été instruit (dans le christianisme), il est toutefois capable de penser à tout cela par lui-même.
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Sans les aînés, les Inuits ne sont rien, car il y a une foule de connaissances que seuls les aînés possèdent!
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