Cet ouvrage est très poétique. Nin a côtoyé des célébrités, elle-même étant très érudite et éduquée. On lit son journal qui conte au fond la vie d'une artiste française réfugiée aux États-Unis le temps de la seconde guerre mondiale. Comme elle sait parler, comme elle sait analyser ! C'est plaisant de la lire. Ça fait réfléchir, ça donne envie d'aller jusqu'au fond de son âme, de penser et panser ses relations, de remercier le ciel d'être en vie là encore.
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Nous sommes cruels lorsque quelqu'un refuse de jouer le rôle que nous lui avons attribué. Nous ne jugeons un être que suivant la relation qu'il a avec nous.
"Parfois je pense à Paris non comme une ville mais comme un havre. Protégé, fermé, abrité, intime. Le bruit de la pluie de l'autre côté de la fenêtre, l'esprit et le corps enclins à l'intimité, aux amitiés, aux amours. Encore une journée intime et abritée d'amitié et d'amour, une alcôve. Paris intime comme une chambre. Tout conçu pour l'intimité. Cinq à sept c'était l'heure magique des rendez-vous d'amour. Ici c'est l'heure des cocktails. New York est tout le contraire de Paris. On se soucie bien d'intimité ! On ne porte aucune attention à l'amitié et à son développement. Rien n'est fait pour adoucir la dureté de la vie elle-même. On parle beaucoup du « monde », de millions, de groupes, mais aucune chaleur entre les êtres. On persécute la subjectivité qui est le sens de la vie intérieure ; on désapprouve celui qui se soucie de croissance et de développement personnel."
Si l'on peut se perdre dans le labyrinthe des émotions, on peut aussi se perdre dans le labyrinthe de l'analyse.
Même un aventurier obsédé toujours en quête d’expansion et de terres inexplorées doit se réconcilier avec le bonheur, flamme pâle après les moments intenses mais consumante, une flamme pâle qui ressemble à l’aube plutôt qu’aux couchers de soleil embrasés des pays tropicaux, aubes que j’avais aperçues et désirées parfois lorsque j’étais prisonnière des chambres infernales de l’expiation. Une vie passionnée est un paradis et un enfer, et ce retour au bercail est la félicité…. /…
Je peux supporter d’écouter de la musique, ce n’est pas une provocation à de nouvelles aventures, à la poursuite de fantômes, à traquer des mirages, à embrasser le vide. Cela n’est pas un simple interlude pour une faim et une curiosité insatiables, mais une prise de possession du présent et du proche que j’avais négligés, et maintenant pour la première fois j’apprécie le havre, le repos, la porte et la fenêtre doucement refermées qui disent : « Tout est ici dans le présent sur terre. » Je ne me laisserai plus prendre au leurre des extases et des fantasmes lointains.
Avec les haïtiens, avec l’oracle analyste, j’ai recouvré ma nature et les sources de la joie. Les Haïtiens sont venus me rappeler que raconter des histoires est le seul baume, la seule drogue, la seule île permanente, indestructible, constante, toujours habitable.
"On me trouvera un jour à une fiesta en train de danser, mais ce que j'écrirais sera plein de gravité. Ce n'est qu'à ma mort que je deviendrai visible, et on verra alors un éditeur penché sur mes manuscrits, faisant peut être une offre pour les acquérir, mais tant que je vivais il n'a rien fait pour prolonger ma vie ou révéler mon oeuvre."
Dans Grand seigneur, Nina Bouraoui se tourne vers l'écriture pour conjurer la douleur de la mort de son père, entré en soins palliatifs en 2022. Entremêlant les souvenirs de sa vie et le récit de ses derniers jours, elle illumine par la mémoire et l'amour un être à l'existence hautement romanesque.
Le désir d'un roman sans fin rassemble quant à lui de nombreux écrits de l'autrice, portraits, nouvelles, chroniques, parus dans la presse ou publiés entre 1992 et 2022. Une oeuvre à part entière, qui pourrait se lire comme un roman racontant la vie, ses arrêts, ses errances.
Ces deux parutions récentes prolongent l'oeuvre prolifique et lumineuse d'une romancière majeure de la littérature contemporaine. Elle reviendra sur son parcours d'écriture à l'occasion de ce grand entretien mené par Lauren Malka, dans le cadre de l'enregistrement du podcast Assez parlé.
Nina Bouraoui est l'autrice de nombreux romans et récits dont La Voyeuse interdite (Gallimard, prix du Livre Inter 1991), Mes mauvaises pensées (Stock, prix Renaudot 2005) ou Otages (JC Lattès, prix Anaïs Nin en 2020). Elle est commandeur des Arts et des Lettres et ses romans sont traduits dans une quinzaine de langues.
Rencontre animée par Lauren Malka dans le cadre de l'enregistrement du podcast Assez parlé.
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