Après les
journaux de jeunesse (1914-1931), voici le
Journal de l'amour (1932-1939) qui démarre le 23 octobre 1932, auquel il faut rajouter, intercalé "henry et June, Cahiers secrets" de octobre 1931 à octobre 1932, pièce indispensable puisque c'est elle qui relate la rencontre avec
Henry Miller et sa femme June et les débuts de la passion amoureuse.
L'ensemble est pour moi un chef d'oeuvre de l'autobiographie, rédigé en toute transparence, sans tabous, avec le feu de la passion amoureuse et l'exaltation d'une femme qui découvre miraculeusement et simultanément le bonheur sexuel, la complicité artistique, l'admiration d'un homme,
Henry Miller. Après son idylle avec l'écrivain
John Erskine, avortée,
Anaïs Nin attendait d'être subjuguée par des hommes d'un niveau supérieur (provisoirement, chez Anaïs, qui assimile tout très vite, se lasse, et progresse dans son cheminement et son développement intellectuel, affectif, artistique).
Son époux Hugo Guiler depuis 1923,
René Allendy (psychanalyste),
Antonin Artaud (écrivain),
Otto Rank (psychanalyste), Gonzalo Moré (artiste révolutionnaire péruvien),
Henry Miller, son propre père avec qui elle aura une véritable liaison incestueuse, seront les principaux amants de cette période mouvementée où
Anaîs Nin jongle avec son emploi du temps et les mensonges pour entretenir simultanément, au plus fort de sa forme, trois relations amoureuses en même temps (avec son mari, Gonzalo et Henry). de façon incroyable elle arrive à préserver chacun et à leur faire ignorer l'importance des autres.
Ce qui est passionnant dans ce journal de 1931 à 1939 c'est de suivre l'évolution affective, artistique et intellectuelle d'
Anaïs Nin. Pourquoi elle s'attache à ces hommes et pourquoi elle s'en détache progressivement, y compris
Henry Miller. On plonge au coeur de la psychologie d'une femme, au coeur de ses expériences affectives, on suit sa maturation.
Anaïs Nin, douée pour l'introspection et le portrait, n'est jamais superficielle. On vibre avec elle, on suit son cheminement comme si on lisait un polar à suspense. Se fera-telle prendre au piège de ses mensonges et de ses ruses ? Comment son idylle va-t-elle se terminer ? Qui sera son prochain amant ? Quels enseignements tire-t-elle de ses expériences. Jusqu'au début de la guerre mondiale qui sera le moment de l'exil aux Etats Unis.
Anaïs Nin s'est consacrée toute sa vie à l'amour et ce Journal est le reflet exact de ce qu'elle a vécu.
Malheureusement les journaux qui suivront ne seront pas à la hauteur car
Anaïs Nin, à partir de décembre 1939, décide de ne plus jamais aborder sa vie affective et amoureuse dans son Journal. Elle changera même certains noms, comme celui de Gonzalo. le mari n'apparaîtra plus jamais alors qu'on sait qu'il existe. Sa liaison et son second mariage secret en 1955 avec l'acteur
Rupert Pole ne seront pas mentionné. Aucune trace de ses amours. C'est bien dommage.
Anaïs Nin parle des autres mais ne parle plus d'elle-même sauf en tant qu'écrivain. Tout le Journal perd de sa substance. Il reste intéressant mais bien moins. J'aurais aimé connaître la suite de la vie amoureuse, affective et sexuelle de cette femme qui a consacré sa vie à l'amour, j'aurais aimé savoir à quels hommes elle s'est attachée et pourquoi, et vivre son évolution jusqu'à la vieillesse. Dommage. Elle a manqué de courage pour poursuivre ce qu'elle avait commencé.
Donc lisez ce
journal de l'amour de 1931 à 1939, éventuellement les années 1923-1939. Vous pouvez vous contenter de biographies, d'articles, de synthèses pour le reste.