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4,17

sur 413 notes
La légende d'un dormeur éveillé fait partie de cette suite de textes que j'ai eu du mal à quitter. Ce roman évoque la vie tourbillonnante et généreuse d'un poète dont nous avons tous appris quelques-une des comptines en maternelle ou en primaire. Une fourmi de Dix-huit mètres par exemple... Robert Desnos participa à l'aventure du surréalisme, refusa toujours de s'inscrire dans un quelconque parti (comme Prévert) et se brouilla avec Breton. Pendant la guerre, il multiplie les activités officielles et clandestines. Son arrestation le conduisit à la déportation où il mourut dans les derniers jours du conflit. Ce tableau magistralement composé nous fait découvrir cette période sous un angle nouveau et au plus près de ses acteurs. C'est un très bel hommage à l'engagement de Robert Desnos : celui d'un homme libre en faveur de la liberté. Il m'a donné envie de relire son oeuvre.
L'originalité du texte de Gaëlle Nohant est de mêler récit et citations, qu'il s'agisse d'extraits de poèmes ou d'extraits de lettres de Desnos ou de ses amis.
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Une fourmi de dix-huit mètres…
Ça vous rappelle quelque chose ?
Pour ma part, un souvenir de gosse et puis, quelques années plus tard, devenu instit, le sentiment même pas honteux de se rendre populaire à peu de frais : avec la Fourmi, j'ai un succès fou. A-do-rée des élèves : « facile » « courte » « rigolote »… A-do-rée des parents parce que ce moment d'apprentissage de la poésie ne va pas virer en conflit familial. Desnos, c'est l'anti La Fontaine… « Gentille » cette fourmi qui a la bonne idée de venir sans cigale ? Pas exactement en fait… Ce qui se cache derrière cette inoffensive fourmi, ce que Robert Desnos a imaginé, est bien loin du petit animal… Une anecdote parmi les innombrables autres que cette « Légende d'un dormeur éveillé » délivre.
Je connaissais mal Desnos, sa vie comme son oeuvre. A part un autre souvenir, terrible celui-là, la visite du camp de concentration de Theresienstadt… Grâce à Gaëlle Nohant, j'en sais désormais beaucoup plus sur lui. Sur Youki aussi, son grand amour, sur Foujita, sur Prévert, Breton, Aragon, Cocteau, Jean-Louis Barrault, Pascin, Neruda, Carpentier et tant d'autres…
Malgré les judicieuses citations du poète et le style clair et rythmé de Nohant, j'ai pourtant eu des doutes dans la première partie du livre, qui en compte quatre. Un peu trop mondain à mon goût, un peu trop parisien, ce récit de la guerre picrocholine des Surréalistes… La deuxième partie s'amorçait mal également, heureusement, c'était toujours très bien écrit…
Puis, on sort de Paris pour Madrid et surtout L Histoire vient percuter le canevas finalement banal de cette Bohême : la crise de 1929, la montée des périls totalitaires, la parenthèse du Front Populaire et cette connerie de guerre, l'occupation, la déportation. Desnos est toujours artiste mais il est aussi résistant. le récit se tend, les salauds sont là aussi, hélas : Leaubraux, Luchaire, Céline… le tourbillon des événements rend le livre émouvant et indigné…
Dans la dernière partie, Youki devient la narratrice, l'émouvant et l'indigné laisse la place au bouleversant et au révoltant.
Je ne suis pas certain que ce livre me fera aimer davantage le poète Desnos. Ce qui est certain, en revanche, c'est que ce livre m'a permis d'admirer l'homme Desnos.
En 1955, Prévert a rendu hommage à son ami. Un poème intitulé : « Aujourd'hui ». Jacques, ne m'en veux pas de te tutoyer, c'est pas moi qui ai commencé, mais, surtout pardonne-moi de te piquer ta magnifique clausule :
- À ta santé
Robert
et même si tu es mort
à ton rêve éveillé.
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Ce roman est une illumination, un total bonheur de lecture.
Admiration pour la plume fine, délicate de l'autrice, son talent immense à faire revivre Robert Desnos, Youki Foujita, Jacques Prévert, les Fraenkel et tout le Paris poétique et littéraire de la fin des années 1920 à 1945.
Admiration pour les choix narratifs, la construction, le sens de la mesure... Admiration pour le talent, sur la base d'un travail que l'on devine énorme, à littérallement (re)donner vie à ces personnalités brillantes, complexes. Par expérience, je sais que c'est une chose de percevoir au travers des archives les "voix" du passé, mais que c'est bien autre chose de retranscrire ces voix, ces vies..
Alors oui, un immense merci à Gaëlle Nohant pour ce livre fabuleux, le plus bel hommage qui pouvait être rendu au poète Robert Desnos.
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Ce livre est le roman, ou plutôt la biographie à peine romancée de Robert Desnos, l'auteure s'étant contentée d'imaginer les dialogues et de combler peut-être quelques blancs de l'histoire.
Nous vivrons donc avec émotion les amours multiples (jusqu'à sa Youki) du poète, sa participation au mouvement surréaliste jusqu'à sa rupture avec Breton, ses amitiés avec les poètes et artistes du temps dont Eluard, Foujita, Prévert et bien d'autres, puis son engagement progressif dans la Résistance, avant que sa chérie Youki ne prenne la plume pour imaginer ses derniers jours de déporté à partir des lettres qu'elle a reçues et de quelques rares témoignages de rescapés, une fin si émouvante.
C'est le portrait d'un personnage magnifique d'humanité et de talent, victime de la barbarie et célébrant jusqu'au bout la vie, l'amitié, l'amour.
Le tableau de l'époque, du foisonnement artistique de l'entre-guerres et du drame de l'Occupation de la France par les nazis est particulièrement réussi.
C'est écrit avec une grande sensibilité, fidélité aux faits et avec la bonne idée d'avoir inséré des extraits de poèmes de Desnos entre les paragraphes, respirations enchantées, l'auteure étant comme amoureuse de son héros.
Car comment ne pas aimer cet homme ?
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Ce roman magnifie le rêve, c'est-à-dire dans la capacité du rêve à nous permettre de nous évader, de créer, d'espérer, d'appréhender, de s'éveiller à la poésie et de nous rendre notre liberté.

L'hommage rendu à Robert Desnos est tout à fait réussi. Je ne connaissais pas ce poète surréaliste, je l'ai rencontré, je m'y suis attachée et maintenant j'ai envie de lire sa poésie. Merci pour cette rencontre.

Ce n'est pas que l'histoire d'un homme qui nous a est conté, c'est également l'histoire de tout un courant littéraire et artistique : le surréalisme et l'Histoire de la France des années 30-40. Et dans cette sombre Histoire de la France, une petite lumière vibre grâce à la beauté insolente de Youki, à l'insouciance du jeune Jacques, à l'insurrection des mouvements résistants, à la poésie de Robert Desnos.
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Vibrant hommage à Robert Desnos, poète engagé et résistant français. A la liberté de penser et d'aimer.

« La poésie, le théâtre, la peinture et la musique peuvent triompher de la peur et de la haine, créer des ponts entre les hommes ».

Robert Desnos, poète surréaliste, nous est raconté dans cette poignante biographie romancée.

Lire « Légende d'un dormeur éveillé » c'est entrer dans la monde de Robert Desnos, avant-gardiste, sa vie riche d'évènements, effervescente et aux mille facettes, journaliste, poète, résistant ; c'est plonger dans le milieu artistique du Paris des années folles à l'Occupation.
Partir à la découverte des artistes et de leurs muses, doux et fervents rêveurs, idéalistes, amoureux, peintres, poètes, musiciens, photographes ; partager leurs déambulations dans le milieu des surréalistes, de virées nocturnes en terrasses parisiennes à La Coupole, aux Deux Magots…

Un roman où l'on croise André Breton, Jean-Louis Barrault, Eluard, Aragon, Prévert, CocteauNeruda et Garcia Lorca, et puis Youki, muse et grand amour De Robert.

« […] la poésie est éphémère comme la vie, elle passe et traverse ceux qui savent la percevoir ».

liberté, liberté tant chérie des surréalistes, dans un Paris de fêtes et d'extravagance fougueuse, de folie et de gaieté, avant que le spectre de la Seconde Guerre mondiale ne se rapproche, que le ciel ne Paris ne s'assombrisse avec le Régime de Vichy, et l'envahisseur nazi…
La menace explose et la vie parisienne change d'allure. Une autre nuit que celle surréaliste s'empare alors de ce monde et Robert Desnos, journaliste et poète, poursuivra son engagement et ses idéaux, fera partie de ceux entrés dans la Résistance au péril de sa vie.
*
A la lecture de ce roman, j'ai ressenti toute l'admiration de l'autrice pour le poète ; l'atmosphère, flamboyante, lumineusement restituée et la dernière partie, déchirante, très forte émotionnellement.

J'ai aimé m'imprégner de cette ambiance parisienne, artistique, me balader Rive Gauche, l'esprit bohème ;
Lire cette urgence de vivre vertigineuse chez ces personnages, leur enthousiasme, leurs idéaux et leurs désillusions aussi, et surtout le courage et l'espoir ;
Découvrir la vie de Robert Desnos, romancée et racontée par Gaëlle Nohant, plume que je continue d'apprécier, fut enrichissant.
C'est fourni en références et sources littéraires, et les citations et extraits des oeuvres de Robert Desnos parsèment tout le roman.
*
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Il y a des livres qui font résonner avec éclat les personnages qui construisent les nations. Ils appellent à la réflexion mais surtout ils appellent le présent dans une histoire passée, suggérant que l'Histoire se répète toujours. En lisant « légende d'un dormeur éveillé » le lecteur n'est pas uniquement plongé dans la vie d'un illustre personnage, il se questionne également. En ces temps de turbulence, ou sont donc passés ces poètes de la résistance usant de la verve du verbe pour lutter contre les idées noires ! Derrière les écrans de smartphone, sur les réseaux dits sociaux… surement pas ! Alors on (je me suis mis) se met a rêver ces héros qui manquent cruellement à notre génération. Robert Desnos, puisse ta vie inspirer au moins un de nos contemporains. Un livre magnifique !!


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Ayant grandi à Compiègne, j'ai participé en tant que collégienne à l'inauguration du camp de Royallieu, réhabilité en mémorial dans les années 2000, j'ai grandi sous les vers de Robert Desnos qui ornent aujourd'hui le mur d'enceinte « Sol de Compiègne ! / Terre grasse et cependant stérile / Terre de silex et de craie / Dans ta chair / Nous marquons l'empreinte de nos semelles« . Pour autant, je ne savais rien de l'homme derrière ces mots, de sa fougue, de sa verve, de sa passion pour la poésie et pour la belle Youki. Gaëlle Nohant, avec ce livre magistral, m'a donné à voir qui était Robert Desnos, ce qu'il a vécu mais aussi sa personnalité, ses convictions, ses fantaisies, son engagement politique. Ce livre n'est pas de ces biographies qui ne font qu'effleurer la surface, c'est un texte qui creuse au plus profond de son personnage – ou devrais-je dire, de ses personnages.

Déjà conquise par la plume de Gaëlle Nohant avec La part des flammes, La femme révelée et plus récemment le bureau d'éclaircissement des destins, je suis une fois de plus soufflée par la virtuosité de cette autrice qui nous rend l'Histoire si proche, si humaine, si tangible. Ici, c'est mieux encore puisqu'elle la rend poétique, insérant des vers de Desnos au coeur du récit dans une alternance si bien choisie. Elle nous la rend créative et politique, explorant les dissenssions du courant surréaliste, les engagements de chacun sous l'Occupation, dans un Paris bouleversé mais où les artistes et écrivains continuent à faire entendre leur voix.

Légende d'un dormeur éveillé m'a fait tomber sous le charme de ce poète irrévérencieux, engagé et épicurien, saisissant l'instant présent en toute occasion, investi dans tout ce qu'il a entrepris, riant de la vie jusque dans les camps de concentration où il s'est consumé à petit feu. Une leçon de vie et un exemple à suivre.
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« Légende d'un dormeur éveillé » : qu'il est beau ce titre ! Je l'avais retenu à la fois pour la contradiction entre ces deux termes – dormeur et éveillé - et son côté esthétique. Mon intérêt s'était ensuite porté sur Desnos dont j'ignorais la biographie. Après avoir rédigé mon billet sur le Bureau d'Eclaircissement des Destins de Gaëlle Nohant, @Sabine59 m'a incitée à me diriger vers ce très beau récit sur Desnos et je l'en remercie sincèrement.

J'ai tout de suite senti, dès les premières pages, l'attraction que l'auteure ressentait pour Desnos. Je ne crois pas m'avancer en présageant qu'elle a écrit là son plus beau livre. Elle s'est laissée guidée par l'attachement qu'elle a ressenti très jeune pour ce poète. de surcroit, son écriture est en parfaite symbiose avec le récit, elle lui sied comme un gant de velours. Elle a choisi la forme romanesque pour permettre au plus grand nombre d'entrer dans la vie de Desnos et c'est une réussite. Ce livre est traversé par un souffle épique dans un style étourdissant, au lyrisme enchanteur.

Je ne peux qu'apprécier le texte, ignorant l'histoire en détail du poète, je ne peux porter un jugement critique sur le fond mais j'ai été fascinée par la beauté et la sensibilité qui émane de la forme : « qu'importe le flacon pourvu qu'on est l'ivresse ».

Si l'auteure s'est autorisée la forme romanesque, elle ne s'est pas écartée des sentiers tracés par Anne Egger et sa biographie sur les surréalistes ni de la somme de ses sources d'inspiration qui sont impressionnantes. Portée par sa passion pour le poète, elle a travaillé son récit après avoir étudié longuement les écrits, les documentaires. Elle a eu l'ingénieuse idée de semer de jolis extraits de poèmes qui viennent agrémenter à bon escient, les chapitres. Elle dépose des petits cailloux que l'on prend plaisir à savourer, comme pour laisser une trace indélébile dans nos mémoires de lecteur.

Alors je me suis laissée téléporter par ce récit étourdissant, dans les années vingt, dans ce Paris du 4ème arrondissement que je connais bien, où j'ai suivi Desnos et Alejo Carpentier, ou bien à la Coupole ou La Rotonde. J'ai partagé la table et le vin des surréalistes, totalement envoûtée par les dialogues enflammés. Je me suis fait un film portée par l'écriture visuelle de l'auteure, une véritable plongée dans ce monde de la nuit où j'ai pu croire entendre la voix éraillée des chanteuses de jazz. J'ai accompagné Desnos et Crevel dans leurs tourments amoureux, terminé la nuit dans la clarté lunaire d'une boîte à Montparnasse, ressenti leurs souffrances comme celle de Crevel, que de détresse en lui ! Quant à Robert, l'auteure nous invite à sonder le mystère de son univers, poète, conteur, journaliste curieux de tout, généreux, amoureux fou de la dispendieuse Youki aux sautes d'humeur éprouvants, se désespérant d'amour pour Yvonne Georges ce qui lui faisait écrire « Je ne serai jamais bien aimé ». Question : mais le voudrait-il, que ferait-il d'une existence lisse ? Excommunié par le sectaire André Breton, Robert qui n'autorise personne à lui dicter sa conduite, l'affronte avec férocité. Ils sont impitoyables l'un envers l'autre. « La nuit surréaliste s'éloigne dans une poussière d'étoiles mortes et d'amis disparus ».

Je reconnais que je commençais à m'essouffler, lassée des querelles entre surréalistes lorsque le récit a pris une nouvelle tournure. Les années trente voient le jour et avec elle, apparaît un climat de tensions délétères dont l'origine s'appuie sur la crise de vingt neuf, annonçant les évènements et les manifestations du Front Populaire, l'antisémitisme, engendrant ainsi de vifs affrontements dans les rues de Paris.

Des discussions passionnées enflamment le 45, rue Blomet, réunissant indépendamment des uns et des autres, et les dissidents « surréalistes » et les amies et amis fauchés comme les blés, toujours sur le fil ténu des sentiers les plus malaisés de cette vie de Bohème. On y croise Aragon, Prévert, Man Ray, Henri Jeanson, Eluard, Soupault, Cocteau, Théodore Fraenkel, André Masson et tant d'autres. Entre les sommeils hypnotiques, les dialogues féroces, les restes de nuits vécues dans la brume des opiacées, il règne une effervescence intellectuelle qui donne naissance à des talents dont nous avons hérités des écrits aujourd'hui. C'est un récit époustouflant qui nous emporte dans ce 20ème siècle si tourmenté, si éruptif, si brûlant et glacial à la fois, si monstrueux. La menace totalitaire est partout. Des amis disparaissent, les périls s'accumulent, Desnos abandonne ses positions pacifistes pour entrer en résistance. Il s'expose de plus en plus jusqu'à son arrestation par la Gestapo.

Je suis admirative du travail accompli par Gaëlle Nohant, elle aurait pu trébucher tant la narration demande une construction minutieuse, ne tolérant aucun écart dans la chronologie et l'exactitude historique. C'est un pavé de cinq cent trente pages qui relate le courage d'un homme, un passionné, qui affrontera le nazisme et qui y laissera la vie !

Ce serait un sacrilège de ne pas évoquer la dernière partie du livre où l'auteure laisse Youki (Lucie Badoud) s'exprimer à travers les pages de son journal. S'il n'y avait qu'une partie de ce récit à lire, à mes yeux, c'eut été celle-ci. C'est très beau, sensible, émouvant, poignant. L'auteure a su, sans conteste, se substituer à cette femme qui tente d'obtenir, par tous les moyens des nouvelles de son compagnon, Robert, cette Reine de la nuit qui fut un temps, estimait qu'aucune personne n'était en droit de prétendre à l'exclusivité d'un amour, elle qui regrette aujourd'hui, ses attitudes d'hier.

« J'ai rêvé tellement fort de toi, J'ai tellement marché, tellement parlé, Tellement aimé ton ombre, Qu'il ne me reste plus rien de toi. Il me reste d'être l'ombre parmi les ombres, D'être cent fois plus ombre que l'ombre, D'être l'ombre qui viendra et reviendra dans ta vie ensoleillée ».


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Un exemple parfait de mes lectures préférées ! Une biographie romancée, centrée sur une figure de préférence artistique, élargie d'une palette de personnages tout aussi emblématiques, avec cette délicieuse impression d'avoir appris, sans s'être pris la tête, d'avoir mieux compris des parcours de vie, des bouts de poésie, comme ici, d'avoir cotoyé un monde particulier rendu bien vite familier. En cela, Gaëlle a parfaitement réussi.
De son écriture soignée, fouillée, inspirée, elle me projette dans le Montparnasse de l'entre-deux guerres, dans des lieux réputés, des cabarets, des troquets. J'y apostrophe Desnos, et sa bande de potes surréalistes. Je m'offusque de l'autoritarisme de Breton, leur chef de fil et assiste au délitement de leur mouvement.
Je me désole des déboires amoureux de ce "dormeur éveillé": avec Yvonne, qui se meurt, Youki qui s'en va souvent voir ailleurs, Bessie la sacrifiée.
Je le suis en Espagne, à la rencontre de Neruda, de Garcia Lorca ( bientôt fusillé par les franquistes), à Paris dans les coulisses radiophoniques et théâtrales avec J-Louis Barrault et Artaud. Période festive avant que la peste brune n'étende ses griffes, n'avilisse les esprits, ne meurtrisse coeur et corps.
De retour après 9 mois de captivité, je le retrouve critique littéraire et musical dans un Paris occupé, affamé, aux libertés bafouées, dans une position inconfortable et risquée, au sein d'un journal où il a le cran de fustiger Céline et son antisémitisme outrancier et ordurier. Parallèlement, il adhère au réseau AGIR, fournissant renseignements et faux papiers et sera finalement arrêté en février 44, déporté, emporté par le typhus l'année d'après.
La dernière partie, qui laisse la parole à Youki et à son désarroi, sa douleur, son espoir de le revoir, étant plus intimiste, n'en demeure pas moins, vu le contexte, reliée à la souffrance universelle, évoquant notamment les conditions de détention dans les camps de concentration, le retour des survivants, moribonds, la disparition de tant d'autres, des millions.

Ayant déjà pu apprécié 2 autres romans de Mme Nohant, je dois reconnaître que celui-ci, comme un mets sublimé par un chef étoilé, est une petite merveille ! Une telle excellence, omniprésente, tant dans la forme que dans le fond, mérite bien un 5 étoiles !

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