Malraux, un rêveur en action
Par
Paul-François Paoli
09/06/2010 | Mise à jour : 18:46 Réagir
André Malraux, ministre de l'irrationnel de Charles-Louis Foulon - L'auteur de
L'Espoir, autrefois idole de l'intelligentsia de gauche s'est ensuite engagé au service du gaullisme.
Il y a des coups de foudre en amitié comme en amour. Ainsi entre
Malraux et
De Gaulle, qui se rencontrèrent, en 1944, pour ne plus se quitter.
Devenu l'homme du général, en qui il voit une synthèse grandiose de Jeanne d'Arc,
Saint-Just et Clemenceau,
Malraux va se mettre à dos l'intelligentsia de gauche dont il avait été une des idoles, en devenant le chef du Rassemblement du peuple français, en 1947. Puis, après la traversée du désert de
De Gaulle, le plus fameux ministre de la Culture de la Ve République.
Ce face-à-face entre les deux hommes est au coeur du livre de Charles-Henri Foulon, qui retrace l'action de
Malraux en tant que poète engagé au service du gaullisme, et dont le titre dit l'essentiel : ministre de l'irrationnel. Irrationnel:le mot va comme un gant à
Malraux qui n'était pas un imposteur, mais un rêveur en action chez qui
l'imaginaire et le réel étaient inextricables. «Ce qui pèse en l'homme c'est le rêve», écrira
Bernanos.
Malraux rêve la France à travers
De Gaulle, qui rêve
Malraux en
Chateaubriand. Agnostique, voire athée,
Malraux est hanté par le néant, comme l'auteur des
Mémoires d'outre-tombe. Mais, contrairement à lui, il croit en
L Histoire et qu'à travers l'action les hommes peuvent se tenir un peu au-dessus d'eux-mêmes. La querelle sur le fait de savoir s'il est devenu «de droite» avec
De Gaulle, alors qu'il était «de gauche» en Espagne n'a pas de sens, nous rappelle Foulon, qui met en évidence la mesquinerie d'une certaine gauche à l'égard de
Malraux. Car ce livre est aussi celui d'un autre face-à-face qu'entre
De Gaulle et
Malraux : le duel entre un solitaire de génie et le couple Sartre-Beauvoir.
«L'anti-Sartre»
Il faut lire les textes de
Sartre contre celui qui s'est lui-même proclamé «l'anti-
Sartre» pour comprendre de quel côté était la haine. En 1963,
Sartre, dont les faits de résistance à l'occupant furent minimes, déchaîne son «antifascisme» contre
De Gaulle. «Je veux être au Brésil l'anti-
Malraux pour effacer ce que celui-ci a fait en mettant la culture française au service de la guerre d'Algérie », écrit
Sartre. Au-delà de la joute idéologique, Foulon retrace l'action parfois brouillonne, mais toujours généreuse, de
Malraux comme ministre. Depuis les maisons de la culture à ses voyages à l'étranger, en Inde, au Mexique, ou en Chine, périples au cours desquels
Malraux imagine qu'il transporte la France avec lui. le grand reproche qu'on peut faire à
Malraux et que Foulon ne lui adresse pas assez, c'est quand même d'avoir largement sous-estimé les caractères criminels des régimes chinois et soviétique et d'avoir enjolivé Mao. Comme tous les voyants,
Malraux ne voyait que ce qu'il voulait voir. Pourtant comme l'écrira l'écrivain
Louis Guilloux : «On pardonne tout à
Malraux.» Pourquoi ? Parce que c'était lui. Et que sans ses folies et ses extravagances, il n'aurait pas été
Malraux.
André Malraux, ministre de l'irrationnel de Charles-Louis Foulon, Gallimard, 507 p, 29 €.
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Par
Paul-François Paoli
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