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sur 307 notes

Critiques filtrées sur 1 étoiles  
Onfray Michel – "Cosmos : une ontologie matérialiste" – Flammarion, 2015 (ISBN 978-2-0812-9036-5) – format 24x16cm, 570p.

Que la lecture de cet exécrable ouvrage m'aura exaspéré !
Tout lecteur normalement constitué achetant un ouvrage écrit par quelqu'un qui se prétend philosophe s'attend à bénéficier d'un texte suscitant des interrogations fondamentales sur tels ou tels points, puisque – comme nous l'ont abondamment répété nos "maîtres" de toute obédience (d'accord au moins sur ce point), faire de la philosophie consiste avant toute chose à apprendre à poser des questions, et finalement peu importe les réponses, souvent fragmentaires. Rien de tel ici, si ce n'est que la lecture de cet indigeste brouet amène le lecteur à se poser des questions... sur l'auteur de ladite bouillie.

Première question qui s'impose : peut-on se targuer d'être philosophe en étant à ce point narcissique, nombriliste, content de soi, lorsque l'on use et abuse d'une telle autosatisfaction ? Passons sur le fait que l'auteur se cite lui-même abondamment, après tout, il aurait déjà pondu plus de quatre-vingt livres (!!!), mais comment ne pas être révulsé par ces abondantes digressions sentencieuses sur le bon petit garçon si-tant-plein-intelligent qu'il fut, sur ces si bons amis qui lui organisent des dégustations vineuses (oups : oenologiques, pour ces gens-là) sur mesure (qu'il nous relate avec une complaisance écoeurante) sur ses si-tant-plein sagaces observations d'une pseudo nature archi-naturelle ?
L'auteur atteint un sommet d'ignominie lorsqu'il mobilise pour s'auto-encenser une fois de plus (p. 421), la longue et fatale maladie de sa compagne, dont le long calvaire lui a permis de découvrir les haïkus : quel cuistrerie !
Sans oublier l'historiette (pp. 384-385) du grand intellectuel faisant l'éloge d'un vin prestigieux qu'il n'avait en fait jamais goûté, mais qu'il eut ainsi l'occasion de déguster (s'agirait-il de l'auteur du livre lui-même ? ça se pourrait bien).
Sans oublier non plus sa "sublime" découverte du sublime (pp. 417-423) qui atteint effectivement à de sublimes sommets de l'autosatisfaction la plus crasse. le tout culminant avec l'hypocrite satisfaction de la découverte du tableau miraculeux et de la peinture d'Arcimboldo (pp. 459-474) qui nous vaut ces deux phrases d'un snobisme insondable
"J'ai acheté cette toile, bien que je ne sois pas acheteur d'objets d'art – sauf quelques pièces d'art africain" (p. 460)
culminant avec
"Depuis que j'ai acheté cette peinture, je la regarde moins qu'elle ne me regarde" - ben voyons !

Deuxième question : peut-on vraiment philosopher en babillant, en bavassant, en étant victime d'une véritable logorrhée verbale ? A l'évidence, la lecture de ce piètre ouvrage fournit une réponse définitivement négative. Signalons au passage une caractéristique fort drôle : l'auteur nous dit et redit à plusieurs reprises combien il apprécie les gens... qui se taisent (à commencer par le taiseux que fut son propre père) !
Ce bavardage inflationniste amène Onfray à soutenir ses assertions catégoriques en mélangeant tout et n'importe quoi, n'importe comment : les acacias se voient ainsi attribuer "plus d'intelligence collective et communautaire" que la secte nationale-socialiste d'Adolf Hitler (p. 149).
Pire encore : l'auteur mobilise plus de quinze pages de sa sagace plume (pp. 189-205) pour – apparemment – convaincre son lecteur de la sottise des thèses de Rudolf Steiner : un paragraphe suffit en règle générale, mais il s'agit surtout de nous bassiner une fois de plus avec ses dégustations de crus prestigieux, tout en se donnant l'air d'avoir l'air. Ceci nous vaut une autre démonstration parmi les plus drôles de cet ennuyeux pensum, car l'auteur reproche très exactement à sa victime tous les défauts qu'il pratique lui-même abondamment dans ce livre. Passons.
Un peu plus loin, il remet ça (pp. 277-305) avec les théories fumeuses d'un Peter Singer, promoteur et défenseur des amours zoophiles, puis avec la condamnation des corridas (pp. 306-325) : presque une cinquantaine de pages pour des paragraphes fumeux, là où dix lignes suffisaient amplement.

Troisième question : est-ce que la pensée philosophique peut s'exercer en vitupérant, en éructant, en injuriant les pôvres gens porteurs d'opinions différentes ? Que penser de l'anathème jeté globalement sur l'ethnologie parce que Griaule et Leiris se comportèrent – indéniablement – en salauds lors de leurs expéditions-razzias africaines (ce que tous les intéressés savent depuis vilaine lurette est longuement rappelé pp. 212-225), si ce n'est que ces deux là ne résument pas à eux seuls toute l'ethnologie (me voilà contraint de défendre une discipline dont je ne pense pourtant pas grand chose de bon) ?
Faut-il évoquer les vociférations permanentes que l'auteur se croit obligé d'utiliser dès qu'il évoque (très, très, mais alors vraiment très souvent, à un point que ça en devient louche) ce qu'il appelle "la religion judéo-chrétienne" : il profère à chaque fois de telles âneries que même un non-croyant ne peut que s'insurger contre ce déluge d'inexactitudes, d'amalgames idiots, de sottises sans nombre.
Entre autres choses, Onfray nous refait le coup du curé Jean Meslier (p. 271-276), l'une des stars des années post-soixante-huitardes, et le coup du "Contre Celse" qui n'est qu'un des écrits mineurs d'Origène (fondateur de l'exégèse, ce qu'Onfray se garde bien de mettre en avant). Une fois de plus, l'auteur nous livre de lui-même une image involontairement fort drôle (p. 350) en nous narrant comment il découvrit par hasard (!!!), à l'aide d'une paire de jumelles (que d'audace !), que le sommet du clocher de l'église de "son" village (sic) était orné de quatre sculptures... représentant tout bonnement les symboles des quatre évangélistes : on voit par là (ce que confirment les lacunes de son inénarrable bibliographie figurant en fin de volume) qu'il ignore tout du "Pape des escargots" de Henri Vincenot, livre réellement drôle et bien écrit sur le sujet, et autrement mieux fondé que les sempiternelles et lassantes invectives à la Onfray (qui aurait ainsi pu s'épargner de barbouiller les pages 349 à 371).

Et d'ailleurs, comme l'auteur nous l'affirme dès la p. 79 : "pourquoi apprendre à lire et à écrire puisque la lecture et l'écriture nous éloignent du monde véritable ?" C'était tellement mieux pendant la préhistoire... et avant l'électricité (p. 382-387). Car Onfray nous refait le coup (entre autres innombrables exemples, voir p. 206, 265 pour y revenir pp. 480-482) de l'homme primitif qui vivait tellement mieux puisqu'il était en plein accord avec la belle, grande et doulce Nature (de natura rerum, n'est-ce pas ? pp. 399 et seq).

Deux hypothèses pour tenter de comprendre comment peut s'écrire et se vendre un tel compendium d'âneries, hypothèses qui, loin de s'exclure, peuvent se compléter :
- l'auteur est influencé, pétri, modelé par cette pseudo culture du bavardage cultureux auquel il participe abondamment en se répandant sur les plateaux de télévision à la "Arte", devant les micros à la "France-Culture", en commettant en moyenne deux à trois "ouvrages" par an
- l'auteur est en train de devenir un gourou, lançant des anathèmes à pleines poignées, tout en fournissant (pp. 514-515, en conclusion !) une flopée de slogans dignes de figurer sur des boîtes de confiseries chimiques ou en tête de brochures sectaires servant à recruter des "fidèles"...

Et ce n'est pas fini, l'auteur nous annonce tout plein d'autres volumes du même tonneau : à quand l'inauguration de sa propre statue par lui-même ?
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150 pages de lutte vaine... j'avais pourtant apprécié Onfray dans les médias, sa démarche d'université populaire et ses prise de position sur tous les sujets... mais quelle déception ! Michel Onfray a en effet des avis sur tout, mais cela manque de profondeur et de rigueur. le titre même de Cosmos place la barre très haut... la chute n'en est que plus douloureuse... Bien sûr on sent parfois que ce professeur de philo, devenu essayiste populaire, s'appuie sur des connaissances réelles des thèse d'Epicure et de Nietzche, mais il ne leur rend pas service en les mettant au service d'une vision de la vie digne du café du commerce. La plupart des idées défendues dans le livre sur des sujets disparates tirés de l'expérience personnelle de l'auteur -artificiellement regroupées sous les thèmes Temps, Vie, Cosmos, Anima et Sublime- restent superficielles. Des idées simples, pourquoi pas, mais, comme le savent bien les ingénieurs informatiques, et Léonard de Vinci avant eux, "la simplicité est la sophistication suprême" : démontrer ou fabriquer des concepts simples suppose une réflexion éthique profonde, retranscrite ensuite simplement pour le commun des mortels. C'est le contraire qui est proposé ici : l'élégance d'écriture et d'expression indéniables font malheureusement et irrésistiblement penser au sophiste antique (extrait de définition wikipedia : " orateur et professeur d'éloquence de la Grèce antique, dont la culture et la maîtrise du discours en font un personnage prestigieux") ; cette définition colle, hélas, comme un gant, à Michel Onfray (en tous cas dans cet ouvrage). Enfin, ses avis sur tout sont non seulement peu étayés, mais aussi presque toujours construits sur la critique d'autrui et la certitude de la valeur a priori de sa propre opinion. La maxime socratique "Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien, tandis que les autres croient savoir ce qu'ils ne savent pas" a été bien oubliée. On apprendra des chose essentielles à l'homme du peuple, telles que la façon de déguster des vins inaccessibles, sur la pousse du sipo matador dans la forêt amazonienne, sur laquelle Levi Strauss n'a pas jugé utile de rencarder l'auteur, sur les migrations des anguilles lucifères, sur les vers nématodes et le fumier spirituel...
autant d'ingrédients jetés en vrac, qui eussent pu former un vrai plat, avec un peu d'amour du lecteur et de technique culinaire... mais casimir ne pensait qu'à s'ébaudir, aboutissant à un gloubi-boulga indigeste destiné aux seuls "casimirus". Bien évidemment , je ne lirai pas non plus les deux volumes suivant ces 520 pages de Cosmos... et pour une réflexion éthique très accessible et néanmoins enrichissante, je renverrai pour ma part à Comte-Sponville, Alain, et bien sûr Montaigne, père de l'essai et exemple à suivre d'une réflexion critique universelle, personnelle, et néanmoins modeste...
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Comment dire... même Paulo Coelho est plus subtil dans ses injonctions au retour à-la-vraie-vie-avec-la nature-qui-est-à-la-base-de-tout. Et si les ados sont ingérables/ déprimés/ acnéiques (rayez la mention inutile), une virée dans le désert à dormir en regardant les étoiles et causer avec un scorpion devrait résoudre le problème!
J'ai l'air de caricaturer?
Si seulement.. le livre accumule les poncifs, le tout sous un genre de glaçage pseudo-philosophique...
Je précise que je n'avais aucun a priori contre Onfray avant de commencer le livre, mais alors même que j'aurais de l'indulgence pour des théories écolo, techno-sceptiques et autres, ici la leçon de morale est tellement pénible que j'ai envie d'acheter un I-phone 6.
Bref.
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J'avoue ne pas avoir tenu jusqu'à la fin et c'est une situation assez rare : j'essaye de toujours aller au bout de mes lectures.
- des chapitres interminables dans lesquelles les démonstrations sont redondantes. Les arguments tournent en rond et on a l'impression que l'auteur voulait remplir des pages : 100 lignes pourraient tenir en quelques phrases
- un auteur qui sombre de plus en plus dans le "s'était mieux avant", ce qui forme un agrégat de propos trop souvent "réacs" et peu constructif
- des notes autobiographiques, disons le, inintéressantes
Overdose sur le chapitre consacré au véganisme ou finalement on ne comprend pas le fond de sa pensée : je suis végétarien dans l'âme mais ... finalement, je mange parfois de la viande. Il faut pousser le principe à l'extrême mais finalement... on ne peut pas.
J'ai essayé de faire fi de l'actualité, de chercher l'intellectuel derrière l'homme public ... de m'attacher au fond (certains propos sont parfaitement juste) mais concernant la religion ( même si je suis profondément anticlérical ) : le discours est souvent trop simpliste (facile, déjà lu) et je n'arrive pas à maintenir ma curiosité en éveil. Je craque.
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Cosmos : le témoignage effarant d'une malhonnêteté intellectuelle !

Que Michel Onfray ne soit pas une flèche en sciences, soit ! On le découvre à tour de bras dans ce premier opuscule d'une encyclopédie de pacotille (comment, d'ailleurs, peut-on parler d'encyclopédie lorsque l'on est à ce point éloigné des savoirs scientifiques acquis au cours des XIXe et XXe siècles ?). Peut-être le matérialiste hédoniste devrait-il compulser davantage de bouquins récents, ou simplement écouter une conférence d'Étienne Klein, de Pascal Picq ou de Pierre-Henri Gouyon ? Cela l'enrichirait probablement… Je souhaite expliciter mon propos par un infime échantillon d'exemples liés à la biologie évolutive, science tant massacrée par la plupart des philosophes français (d'ailleurs, Onfray égale Ferry quant à l'ampleur de l'ineptie, même si la nature de celle-ci est différente…). Selon l'encyclopédie onfrayienne, il semblerait que l'évolution de la biologie évolutive se soit arrêtée en 1871, avec la mal traduite « Descendance de l'homme » (cf. introduction de Patrick Tort dans « La Filiation de l'homme » de Darwin). En effet, Onfray parle de l'« Origine des espèces » (qu'il n'a pas tout-à-fait comprise, par ailleurs, même le seul et unique schéma du bouquin est demeuré abscons pour lui), il fait une brève allusion à Kropotkine et à l'entraide comme moteur de sélection, aborde d'une manière éhontément superficielle la « Descendance de l'homme », et puis… plus rien. Pour une encyclopédie, c'est un peu tronqué… Par exemple, il aurait pu se renseigner auprès de Stephen Jay Gould, dans son livre l'«Éventail du vivant», afin de comprendre que sa démonstration d'un obscur et improductif concept de vitalisme, la fameuse «volonté de puissance», ne tient pas la route : il n'y a pas une tendance naturelle à la complexification de la vie ! La meilleure réussite du vivant a été, est et restera les bactéries. S'il avait compris l'effet des limites (cf. livre de Jay Gould), il nous aurait épargné des phrases sur la volonté de la vie qui veut la vie que la veut… Licence poétique ? Soit, mais néant intellectuel… À la limite, que Schopenhauer et Nietzche puissent encore chercher à expliquer le monde par un concept mystérieux, même s'il est immanent, on peut le comprendre au vu des connaissances de leurs époques ; mais Cosmos date quand même de 2015…

On passera sur le fait que les bactéries sont des molécules (p. 183 de l'édition poche J'ai Lu) ; que les plantes représentent «un maillon essentiel pour comprendre le passage de l'inanimé à l'animé» (p. 182) ; que « sans les plantes, pas de vie possible (sic) » (p. 183) ; qu'Onfray semble oublier que, cinquante ans après «La Philosophie Zoologique» de Lamarck, parut un autre livre… «L'Origine des espèces» (Il l'a cité auparavant ? Ah oui, c'est qu'il devait être dans la lune…) ; que donc son explication des petites algues qui sortent de l'eau et «inventent des cellules qui s'allongent et rentrent dans la terre» s'avère archaïque ; que «les plantes s'avèrent sensibles à la biologie cellulaire, à la biochimie» (p. 189) (euh ?...) ; qu'Onfray lance plein d'affirmations sans en expliquer ni l'origine ni les arguments en leur faveur ou en leur défaveur ; qu'il annonce l'existence du «Pouvoir du mouvement des végétaux» de Darwin, livre de 1880, sans apparemment l'avoir lu (moi non plus d'ailleurs – pas celui-là – mais ce n'est pas grâce à Onfray que j'en connais ne fut-ce que le cent millième de la teneur…) (p. 190) ; que les végétariens mangent des végétaux parce qu'ils subodorent l'insensibilité des légumes à la souffrance, mais qu'ils se fourvoient car les plantes souffrent, comme en témoigne leurs comportements résultants de leur capacité à connaître leur monde environnant ; car «l'important n'est pas la modalité de la connaissance, mais la possibilité de la connaissance» (p. 191) – j'en déduis qu'il faut cesser de détruire tout système autorégulateur, comme les chaudières qui, via leur thermostat, ont une possibilité de connaissance (et peut-être ressentent-elles la douleur…) ! Qui sait d'ailleurs si ce ne sont pas les chaudières qui, au cours de leur évolution, n'ont pas tendu, avec moult effort, un de leurs câbles pour créer elles-mêmes leur thermostat ? Mystère de la volonté de puissance… Bon, trêve d'ironie, passons sur ces quelques âneries recensées sur à peine une dizaine de pages – et le livre en contient un sacré nombre, de dizaines de pages… On passera aussi sur un sot principe lucifuge qui manque cruellement de clarté ; sur le fait que «dans l'encéphale du citadin des mégapoles post-industrielles, on trouve toujours le microcerveau de l'anguille que nous fûmes un jour.» (p. 210) (et ça ne choque personne ?...) ; que «ce paquet de vie noire et sombre aux senteurs de boue putride qui résiste à la mort, il habite chacun de nos corps» (p. 222) – encore une licence poétique ? ; etc., etc., etc. le recensement des âneries, et l'explication de pourquoi ce sont des âneries, nécessiteraient l'écriture d'une encyclopédie de la sottise trois fois plus grande que Cosmos lui-même…

Donc, Onfray est en froid avec les sciences, quoi qu'il en dise (il se considère d'ailleurs petit-fils de Darwin… Pauvre Darwin ! on n'a pas toujours les descendants que l'on souhaite…). Certes, les sciences n'expliquent pas tout, et la vérissimilitude de certaines explications sont moins grandes que d'autres (cf. Karl Popper) – prétendre le contraire serait d'ailleurs méconnaître les méthodes scientifiques. Seulement on ne peut philosopher en faisant fi des sciences ! Et on lira avec plus de plaisir un Bertrand Russell ou un Arthur Koestler, ou même un scientifique qui se permet des réflexions philosophiques, au lieu d'un de ces multiples penseurs français confits dans leur scientofuge mélasse philosophique. Je ne pensais pas qu'Onfray appartenait (d'une manière qui lui est propre) à cette caste. Mais finalement, peut-on s'attendre à mieux d'un auteur qui écrit, après une probable longue, très longue réflexion épistémologique : «[…] un univers dont les lois nous échappent absolument.» (p. 182) On préfèrera les réflexions d'un Edgar Morin, bien plus constructives. Je n'ai d'ailleurs pas terminé Cosmos, m'arrêtant à la page 466 (je n'ai pas de temps à perdre avec de telles fadaises – tant d'autres auteurs méritent qu'on leur consacre un morceau de notre vie) ; mais à voir certains commentaires sur d'autres sites, relatifs au passage sur l'univers, dans lequel Onfray parle de trous de ver, de fontaines blanches et ignore qu'une année-lumière est une unité de distance et non de temps, je me rassure quant à ma décision de ne pas parachever la lecture (ayant moi-même une modeste formation de physicien, Onfray m'aurait probablement poussé au suicide de désespoir).

Mais avant d'arriver à un point plus crucial, j'aimerais ajouter encore sur la volonté de puissance qui, finalement, s'avère constituer le canevas entier du livre. Si le concept de Dieu «invite à la paresse mentale», tel que l'affirme l'auteur (p. 174), le principe de volonté de puissance applicable en toute chose et appliqué ad nauseum (nausée elle-même causée par la volonté de puissance, cela va sans dire), – ce principe ne sert à rien et n'explique rien, risquant lui-même de conduire à une paresse intellectuelle dans laquelle Onfray semble se cocooner…

J'en reviens à la malhonnêteté intellectuelle, accusation grave, surtout envers un philosophe qui affirme abhorrer vertement la malhonnêteté intellectuelle. Pourtant – et je ne me focalise que sur cet exemple puisque je maîtrise un peu mieux celui-là –, sa manière de cracher sur les antispécistes et de les rejeter sur base d'un article de Peter Singer est pour le moins honteuse. Selon Onfray, les antispécistes qui refusent l'établissement d'une frontière ontologique entre les animaux non humains et les humains, finissent, au bout de leurs ergoteries, par accepter, tolérer, voire promouvoir la bestialité (zoophilie). Onfray se justifie à l'aide de l'article «Amour bestial» de Peter Singer, publié dans les Cahiers antispécistes n°22, disponible en ligne. Or, à la lecture de cet article, on voit que Singer cherche à expliquer la nature du tabou sur la bestialité ! Il décrit un fait et tente de l'expliquer ; son article ne s'oriente pas sur le terrain de la prescription morale. On y lit d'ailleurs : «[…] nous sommes de grands singes. Cela ne rend pas les rapports sexuels entre membres d'espèces différents normaux, ou naturels […]» Onfray passe cela sous silence. La manière dont le philosophe malhonnête lynche Peter Singer, éthicien juif dont une partie de la famille a subi les camps nazis – selon Onfray, qui donne ce détail à des fins peu nettes… –, la façon dont il le discrédite est d'autant plus abjecte que le texte dans les Cahiers antispécistes faisait partie d'un dossier sur l'amour bestial, dans lequel se trouve un article de Estiva Reus réfléchissant sur l'épidermique réaction des gens à la lecture de l'article en anglais de Singer. On y trouve une citation d'un mail échangé entre l'auteur de l'article et Peter Singer, dans lequel l'éthicien, apparemment surpris par la réaction des gens, explique : «Mon intention en commentant le livre de Midas Dekkers était de soulever la question de savoir pourquoi les relations sexuelles entre humains et animaux qui ne sont pas imposées par la force, et qui ne causent ni blessure ni angoisse à l'animal sont encore universellement considérées comme inacceptables, en dépit de l'effondrement des tabous portant sur les activités sexuelles qui ne peuvent conduire à la procréation. Mon but était d'amener les gens à réfléchir à cette question, et non d'exprimer une position nette dans un sens ou dans l'autre concernant les contacts sexuels entre humains et animaux.» Il semblerait que Michel Onfray ait oublié de réfléchir… Cela se confirme avec d'autres amalgames et généralisations sur les antispécistes considérant les spécistes comme des néo-nazis envers les animaux non-humains, etc. On surprendra même Onfray à pseudo-critiquer l'ouvrage phare de Peter Singer, «La Libération Animale». Outre sa phrase dénuée de sens au possible : «les hommes sont des animaux non humains» (sic !) (p. 162), Onfray se permet l'adverbe «complaisamment» pour décrire la manière avec laquelle Peter Singer détaille les «prétendues recherches scientifiques» appliquées sur les animaux non humains (pas les hommes, rassurez-vous !). Ensuite, alors qu'Onfray nie la réalité d'expériences cruelles sur ces êtres vivants (hors quelques cas de sadismes perpétrés par des expérimentateurs peu nombreux), il écrit : «En revanche, la description de l'élevage industriel semble plus conforme à l'habitude qu'à l'exception.» (p. 364) Qui aura vu ses cheveux se dresser sur la tête ? Ce soi-disant philosophe se permet de démonter les arguments de Peter Singer sur base de «IL SEMBLE» ! Incroyable ! Navrant autant que dangereux : car Onfray ne manque pas de lecteurs, et nombreux, je suppose, n'y verront que du feu, comme moi je n'y vois sans doute que du feu lorsqu'il traite de domaines que je connais moins ! Et puis il nous lance encore une ânerie (pardon pour les ânes…) des plus monumentales : alors que les végétariens sont inconséquents sur le plan de la logique, les véganes sont plus cohérents mais, si tout humain adoptait la vie végane, l'espèce humaine serait menacée d'extinction parce que tous les vaches, veaux et cochons retourneraient à l'état sauvage, évolueraient et deviendraient d'atroces prédateurs de l'homme ! Si, si, lisez la page 384, par exemple. Soit Onfray est devenu un parfait crétin, soit il l'était déjà avant mais je ne m'en étais pas rendu compte…

Onfray, donc, démonte Singer et les antispécistes, il ne cesse de tisser des parallèles avec Hitler, le nazisme, la Shoah, il fait des amalgames, des généralisations assassines, il jubile en fracassant de sa verge pseudo-intellectuelle le crâne de tous ceux qui le débectent ! Singer en prend pour son grade… notamment par simplisme onfrayien. Car il y a un vrai simplisme onfrayien ! Caricaturer à ce point «La Libération animale», c'est cesser de penser ! Car le plus fort, c'est qu'Onfray mène une vie telle que la propose Singer ! Pas d'achat de viande pour soi, pas de commande de viande au restaurant, etc. C'est exactement ce que propose Singer, prônant la diminution de la consommation de chair animale afin de boycotter les systèmes d'élevages intensifs et ignobles ! Et le bouquin de Singer (plus de 500 pages en version poche chez Payot) est bien plus subtil, complexe et intéressant que le laisse croire la pensée balourde d'un philosophe ne disposant plus, semble-t-il, de toutes ses facultés mentales. le problème pour moi, c'est que Cosmos jette le discrédit sur tout l'oeuvre d'Onfray : je ne suis pas certain de son honnêteté par le passé, d'autant qu'il aborde des domaines qui me sont moins connus.

Alors, s'il vous plaît, gardez constamment votre esprit critique, même si vous avez affaire à un monstre de l'édition qui, sous cape de bonne conduite et d'honnêteté, peu néanmoins se moquer du monde.

En tout cas, une chose est sûre, et Pascal Picq ne me contredira pas : avec son livre Cosmos, Onfray a bien fait rire les babouins dans la savane !
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Les premières pages étaient prenantes, tendres, intimes, touchantes... et philosophiques. Une jolie philosophie, lumineuse, tournée vers le positif.
Puis, on change subitement de registre, et tout se mélange : les hérissons et les tziganes, le vin, le mysticisme... Un peu trop de mysticisme. Au point que cela devienne du grand n'importe quoi. Rapidement, ça tend davantage vers le délire que la philosphie. le délire n'est pas forcément inintéressant mais là, il est ultra égocentrique, et surtout : les mêmes propos se répètent sans cesse. L'auteur s'écoute écrire, sans égard pour le lecteur, et n'a pas conscience qu'il "radote". On passe rapidement de l'étourdissement à l'overdose.
Bref : grosse déception.
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Diatribe contre la logorrhée de MO.
Exemple : L'auteur expose sur six pages la vision du paradis de Jacques de Voragine et son interprétation de la montée du Christ vers Dieu (la Légende dorée, oeuvre majeure du Moyen Age chrétien). C'est pour l'épingler par rapport au matérialisme éclairé de Lucrèce. Un paragraphe aurait suffi au lieu de six pages. P374
Autre exemple
Les recettes biodynamiques fumeuses de Rudolf Steiner sont présentées sur sept pages, alors que là aussi, un paragraphe aurait suffi. P189
MO se gargarise de ses propres paroles, je le trouve assommant.
Avez-vous constaté qu'il n'y a pas de parenthèse dans le texte de MO ? N'importe quelle page de Cosmos peut être une ample parenthèse, excepté le récit de la mort du père tout au début.
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Le livre est assez confus conceptuellement. L'analyse historique est orientée mais cela n'est pas vraiment négatif en philosophie. Elle est surtout très biaisée, de nombreux contre-sens historiques sont présentés et il est navrant que ce chroniqueur soit si apprécié de la population.
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Une grande déception. Je n'ai pas su trouver les mots pour exprimer ma déception après la lecture de ce pavé par trop indigeste, et d'une écriture lourde (je ne supporte plus ses « nous fait savoir »).
Le mieux qu'il est fait, et il fut excellent, c'est de revisiter l'histoire de la philosophie à l'université de Caen. Ici, il avait voulu nous vendre une proto spiritualité laïque de supermarché.

Lire Alain ! C'est vraiment un philosophe un peu trop mis à l'écart par les existentialistes de l'époque.
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Que de mots et de phrases... Pour quelqu'un qui prône la transmission orale.
Cette "logorrhée" finit rapidement par nous ennuyer et n'arrive pas à cacher la faiblesse des arguments avancés.
Et puis commencer un tel ouvrage par la description d'une dégustation de champagne dont on cite les marques fait douter de tout ce qui va suivre.
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