Je suis arrivé à ce livre par un biais qui n'était certainement pas celui de la plupart de ses lecteurs... et je m'en suis rendu compte parce que le démarrage du livre m'avait intrigué. Je voulais lire un auteur burkinabé... et Babelio me proposait celui-ci en premier résultat. le fait que ce soit une auteure m'a d'emblée également séduit... et que le titre remplissait un critère de challenge ne faisait que rajouter à l'attrait. C'était décidé, mon premier auteur burkinabé serait
Roukiata Ouedraogo.
Après quelques pages, un sentiment d'étrangeté me prenait. Un démarrage qui ressemblait à un livre de chick lit, un enchainement avec une description d'une enfance au Burkina hésitant entre autobiographie, roman avec un point de vue d'enfant, histoire familiale, hommage maternel... J'étais perdu, j'avais peine à trouver un style, je ne rentrais pas dans le récit. Je le fais rarement, mais je finis par aller voir les avis enthousiastes de certains, parmi mes amis Babelio en plus... Je trouve l'information décisive, l'auteure est comédienne, humoriste et chroniqueuse à France Inter. Après coup, je me dis que je l'ai forcément déjà entendu, je connais suffisamment Par Jupiter ! pour ça, mais je n'ai pas fait le lien. Beaucoup de lecteurs ont dû entamer le livre en ayant l'information, pas moi, et cela a impacté toute mon expérience de lecteur.
Plusieurs moments ont fait évoluer le récit, les injustices subies par le père, le combat de la mère, l'affrontement de la machine administrative. Les retours au présent de l'auteure comme intervenante à la francophonie sont bien en miroir de l'histoire passée, même si je trouve à chaque fois que tout est un peu manqué, que tout aurait pu être extraordinaire et que cela retombait souvent à plat. J'ai eu plusieurs fois le retour de l'impression de départ, un livre qui ne choisit pas sa forme, un style journalistique (influence de l'expérience radio) qui peine à me placer totalement dans l'empathie alors que tout devrait y arriver, cette mère courage, cette peinture d'une Afrique à la fois tellement humaine dans certains de ses aspects, et tellement navrante dans certains autres, notamment dans la gestion institutionnelle. Pourtant ça ne fonctionne pas, je n'y arrive pas. Certains passages semblent arriver comme des cheveux sur la soupe, parce qu'il fallait en parler (le match de foot des mères, le passage sur le spectacle où on insiste lourdement sur la nécessité que la publicité soit bonne au moment même où on la fait, la publicité). le final est totalement bluffant, l'émotion très présente dans l'évocation de sujets très sensibles pour l'auteure, avec cette fois un style beaucoup plus recherché et très intéressant. Mais pourquoi cela arrive-t-il si tard ? Dans un épilogue détaché totalement du reste alors que ce qui est évoqué est totalement en lien avec tout ce qui a été raconté de l'histoire familiale, qui aurait été tellement enrichie par ce biais.
Je ne peux pas me détacher de l'impression que la bonne volonté de l'auteure et son envie d'évoquer des sujets importants avec son public n'a pu que se télescoper avec le format du livre d'une personne médiatique, la nécessité de sortir un livre à un moment précis qui permette son succès, sans considération forcément du temps nécessaire pour construire un récit, si on choisit de privilégier la forme du roman.
Ce n'est que ma tentative d'explication face à une impression d'inachevé, de gâchis d'un matériau tellement riche, d'une auteure dont les dernières pages montrent clairement la capacité à se trouver une voix singulière. Je me dois aussi de signaler que cette lecture arrive après une autre qui m'avait enchanté, notamment par le talent de composition de l'auteure et son style. le contraste avec celle-ci ne peut que rendre l'expérience d'autant plus décevante.