C'est officiel : je suis en train de devenir un inconditionnel de
Cynthia Ozick. J'ai lu quelques uns de ses romans et mon enthousiasme ne démord pas. Au cours de la lecture de ce roman,
le Messie de Stockholm, j'ai éprouvé de légères craintes mais elles se sont envolées rapidement. Ceci dit, je peux comprendre si certains considèrent son oeuvre peu accessible. Ses romans et nouvelles ne sont pas du genre à lire en vitesse dans le métro. Ozick, pour créer ses univers réalistes mais décalés, en marge, intellectuels (à défaut de meilleurs termes), puise un peu partout, à commencer chez les écrivains qui l'ont inspirée. Ce roman ne fait pas exception, on y retrouve les thèmes qui lui sont chers, entre autres les Juifs, l'identité et l'intertextualité. Aussi, on y retrouve une fin ouverte qui ne constitue pas vraiment un dénouement. Bref, il s'agit d'une histoire originale et déstabilisante.
Tout commence avec Lars Andemening, un critique littéraire dans un journal suédois (la porte d'entrée pour aborder la littérature en général, des auteurs qui sont chers à Ozick), quadragénaire, libre de toutes attaches mais avant tout adopté à la naissance. Depuis longtemps, il entretient la conviction qu'il est né en Pologne et que son père naturel n'est nul autre que l'écrivain
Bruno Schulz, assassiné par les nazis pendant la Shoah. Schulz a laissé derrière lui une oeuvre importante à défaut d'être prolifique. Toutefois, une partie de cette oeuvre est disparue, incluant l'ébauche d'un roman, le Messie. C'est là que la fiction rejoint la réalité. Et si le Messie faisait à nouveau apparition sur Terre ?
J'aime comment, sans prétention, des auteurs réussissent à créer un monde, un univers inclusif qui parle d'autres romans, d'oeuvres intemporelles, de grands auteurs. À part Schulz, qui occupe une place privilégiée dans
le Messie de Stockholm, le travail de critique de Lars permet d'évoquer
Gombrowicz, Kafka, Kis et plusiweurs autres.
Pour en revenir à Lars Andemening, il fait la connaissance d'une libraire, Heidi, et de son mari le docteur Eklund. Ces derniers dénichent le fameux roman perdu, le Messie. En fait, ils dénichent Adela qui l'amène de Pologne. Elle aussi se prétend fille de Schulz. Évidemment, Lars ne peut l'admettre : lui seul peut être l'enfant naturel du grand écrivain ! Il s'ensuit plusieurs péripéties, quiproquos, remises en questions, etc. Bref, j'avais l'impression qu'on étirait la sauce. Je dois admettre que c'est la partie qui m'a amoindri mon enthousiasme habituel. Vers le milieu du roman, je me demandais où m'amenait
Cynthia Ozick. le livre n'est pas très volumineux (236 pages dans l'édition de poche) mais il m'a paru long. Il faut dire que c'est un de ses premiers romans alors on pardonne.
Puis, passé le deuxième tiers, un rythme nouveau s'impose. Lars se permet un acte de foi : et si Adela disait vrai, si elle était réellement la fille naturelle de Schulz et si le Messie était son oeuvre perdue ? « La bonne nouvelle doit être répandue. Que le Messie est ici. Qu'il a été découvert. Retrouvé. Qu'il existe. » (p. 190) J'ai l'impression qu'on ne parle plus simplement d'un manuscrit et c'est tout le génie de
Cynthia Ozick. le livre représente un symbole, bien sûr, de ce qui est important à nos yeux. Mais cela pourrait-il représenter le vrai Messie ? Dieu ? La religion ? Toutes les hypothèses sont bonnes. du moins, c'est ainsi que je l'ai interprété. Ou peut-être ai-je tout faux ? Dans tous les cas, c'est ce que j'aime de ce genre de livres. Ils nous font réfléchir et on en retire ce qu'on veut.