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EAN : 9782370553454
213 pages
Le Tripode (09/03/2023)
4.17/5   6 notes
Résumé :
Un premier texte, un prodige. Un homme ravive son enfance en Bretagne, entre les terres et l'océan, et il le fait dans une langue extraordinaire. On pense au lyrisme de Des Forêts dans Ostinato, au regard d'un Depardon, à la douceur et l'intelligence de Rigoni Stern.
Comment faire entendre la beauté de ce qui est ? Sans nostalgie, ni vanité ? Magdalène ravive avec ferveur un monde pris entre les terres et l'océan, et dans les mailles du temps. Un homme enten... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Un fil d'enfance, nous en gardons tous un, niché au fond d'une poche, blotti au fond du coeur, ou même pour certains une pelote.
Pour les uns, ce sera une multitude de fils arc-en-ciel à l'image des moments heureux et tissés de joie, pour les autres un simple filament plus terne d'une enfance qui se veut oubliée, d'une enfance dont la mémoire étouffe ou fait trembler mais qui demeure...

C'est d'une pelote colorée qu'a jailli ce petit livre. Tantôt quelques fils moins lumineux, moins scintillants se déroulent mais les souvenirs sont là, tous groupés, tous trébuchants, tous prêts à éclore dans un partage.
L'écriture les enrobe comme un papier de soie protecteur, comme un crissement fragile, une poésie qui enjolive ou bouscule celui qui lit et entre dans l'intimité de celui qui écrit.
A moins qu'elle ne soit comme le granit que l'homme-écrivain travaille, sculpte, et que de cette matière fusent en gerbes ces particules de mica qui scintillent et font s'envoler les yeux et les âmes au pays des rêveries.
Tout devient autre que le simple quotidien.

La bernache qui nous guide depuis la première page, migre, à l'image de ce qui rythme son existence, d'instant en instant, de la nature et de ses ensorcellements à l'écriture, la lecture, quand des mots plus sombres viennent évoquer la guerre et ses ténèbres.


Un petit livre qui s'ouvre sur autant de fulgurances, sur autant de plumes jetées dans le vent. Un petit livre à faire s'éterniser, à lire comme en pointillés, à relire comme on revient aux sources de la joie, pour attiser une sérénité qui viendrait de ces contrées éloignées, dans lesquelles l'esprit s'invente, se forge pour mieux s'épanouir au fil des années. Et si ces contrées pour les uns sont voilées de brouillard, je gage que le temps qui passe estompera leurs couleurs profondes et sans lumière pour y jeter quelques étincelles comme ces étoiles qui devraient s'accrocher à tous les regards de l'enfance.
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Les empreintes indélébiles.
"On peut apprendre les choses par les mots, il y manquera toujours, profondément, une connaissance intime des corps." Quand un sculpteur prend la parole pour faire surgir le passé, ses mots possèdent une densité qui multiplie leur pouvoir évocateur comme si le travail sur la matière imposait un choix mesuré, une économie de moyen et une relative lenteur pour laisser infuser les mots et faire remonter les images à la surface de la mémoire. Les histoires racontées sont lestées d'une charge émotionnelle presque palpable. le remarquable texte introductif contenu sur une seule page donne le ton et la teneur de tout le corpus qui s'ensuit. La longévité se mesure aussi à l'ancienneté des blessures. Georges Peignard avive ses souvenirs et les donne à voir pleinement dans l'éclat d'une chute indissociable du texte qui l'amène. Tout devient surprenant sous le regard et la plume de l'écrivain. Les faits extirpés de la gangue du quotidien y acquièrent une présence atemporelle. Ainsi, pour l'enfant, le bord d'une couverture posée dans un pré permet "l'apprentissage de la séparation entre le chez-soi et le dehors" mais "il aurait fallu déjà faire le pas au-delà, refuser d'être des naufragés placés sur un radeau de tissu au milieu d'un océan d'herbe". Georges Peignard est sans cesse intrigant, captivant, nourrissant, de l'intervention du vidangeur à l'évocation de Virginia Woolf, de la mort sans exagérer à la compréhension des pierres, d'une hache à écorcer à l'épaisseur des masques et de tant d'autres choses qu'une table des matières en fin de volume recense. de sa pré-histoire, l'auteur piste les traces émotionnelles quand le silex des mots produit des éclats et des étincelles qui embrasent l'imaginaire. Avec des termes simples agencés méticuleusement, l'auteur dit ce qu'il est, d'où il vient et ce que nous sommes.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
(Les oiseaux)
   
Dans une armoire proche, je savais rangés quelques anciens jouets et boîtes de jeux que l'on avait partagés tant de fois. Je pris un Loto des oiseaux. Dans mon enfance nous disposions souvent au-devant de nous les plaques cartonnées où se trouvaient représentées les images qui devaient être complétées.
  
Je pensais uniquement ce soir-là avoir trouvé un sujet de conversation en ravivant avec nostalgie quelques souvenirs lointains, mais avec les gestes graves d'une ancienne magicienne, elle [cette femme très âgée qui m'avait gardé enfant] ouvrit la boîte et mit le jeu en place, comme si tant d'années ne s'étaient pas intercalées dans nos vies et que nous avions là à jouer autre chose. Chaque oiseau que nous nommions à haute voix en l'apposant à la surface de la case correspondante devenait une mesure de temps, un battement de coeur, du héron à la huppe, de la cigogne au loriot, de la grive au geai, du merle au moineau, de l'hirondelle.

   
Extraits, 'HISTOIRE' (p. 151-2)
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(Sol)

Le sombre est la logique de la forêt, chacun de ses tissages, chacune de ses surfaces sont dessinés pour retenir un peu de nuit, un peu plus de noir, d'ombre qui absorbe toute couleur et toute forme. Chaque contour s'avère un repli sur soi dérisoire, une différenciation qui ne sera bientôt plus de mise. La feuille ou la plume n'en ont plus pour longtemps, détachées des leurs, de ce qui les retenait à un nom, elles vont s'entasser les unes sur les autres dans l'épaisseur du sol, dans ces lamelles d'histoires jamais retenues, sinon par la superposition de ses couches.



(Forêt, p. 43)
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(Talisman)

Je n'ai aucune nostalgie. Ce moment de notre vie première que l'on circonscrit par l'enfance, je l'ai vécu dans une certaine solitude et une inquiétude souvent pesante. Est-ce parce que mon univers familial me semblait traversé de tensions que j'ai appris à resserrer certaines choses au creux de ma main, en une présence rassurante ? Aujourd'hui encore je ne peux me passer de petits objets qui déforment mes poches, afin que ma main puisse les saisir à tout moment, quand le quotidien me devient plus insaisissable.

(Outils, p. 71)
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Il est des moments fugaces où les éléments s'unissent non plus par l'habitude ou la logique de leur nécessité mais par une infime analogie, une similitude : une couleur, une courbe dans leur corps, une correspondance de mouvement, une sonorité accordée. (p. 98)
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Sculpter une matière, c'est devenir un peu médecin légiste, rencontrer dans les cicatrices d'une écorce, dans le fil noueux d'un tronc, dans les failles d'une pierre, dans les fissures d'un os, les traces des vécus subis et des forces données. (p. 113)
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