Thomas et l'ange

Le récit de ce livre, tout incroyable qu'il paraisse, est librement inspiré de faits réels.
En 1952, un pétrolier T2 américain, le "SS Pendleton", s'était cassé en deux à cause de la tempête ...
Il n'en fallut pas plus qu'un succinct article de journal pour qu'Edouard Peisson écrivit au pilote qui avait sorti le bâtiment du port, et qui devant l'apathie du commandant fit tout pour sauver les quelques derniers hommes coincés dans l'épave.
Et, en février 1959, Edouard Peisson fit de ce fait divers maritime un grand roman plein du fracas de l'océan et de tourments humains.
Un cargo norvégien, "le Stavenger", appareille de Bordeaux à destination de Lisbonne.
Thomas Breyton, capitaine de la marine marchande et pilote de la Gironde, est resté coincé à bord du fait de la tempête qui empêche tout débarquement à bord de la chaloupe du port.
Le cap est donc mis sur Lisbonne.
Thomas est hanté par des visions de son passé.
Il souffre d'un mal qui le ronge, qui lui a fait faire un noeud coulant avec sa ceinture avant qu'il ne se reprenne à la dernière minute.
Une sourde inquiétude lui vient de sa jeunesse, d'une tempête qui trente-trois ans auparavant avait arraché un matelot de Vannes du pont et l'avait noyé sans que personne ne puisse lui porter secours.
Dans la tempête, présent et passé viennent à se confondre.
L'irréel se mélange au réel !
Ce récit est splendide, sombre et tourmenté.
On y aperçoit peu l'océan en colère, mais on le sent, on entend ses fureurs broyer la coque et rugir contre la tôle.
On est avec ses hommes, coincé dans la pénombre, le froid et l'humidité.
On en vient à perdre tout espoir ...
L'histoire se suffisait à elle-même.
Mais Édouard Peisson, comme à son habitude, est plus intéressé par l'homme de mer - par l'homme tout court, écrit-il même - que par l'aventure qu'il va vivre.
Il ne savait rien ou presque de cet homme qui avait vraiment vécu ce drame.
Il a donc refaçonné sa personnalité, remodelé sa silhouette et réinventé son passé.
Ce roman est un intense moment d'humanité retrouvée, une lecture captivante et prenante malgré quelques brefs ralentissements dans le rythme de son écriture.
En 2016, le sauvetage des rescapés du "Pendleton" inspira un film à grand spectacle : "the finest hour".
L'écran y est plein d'eau salée et d'un héroïsme naïf comme seul Hollywood sait en fabriquer, du "bon et du bien râpé" !
Le scénariste et le réalisateur de ce film auraient été bien avisés de s'inspirer du magnifique roman d'Edouard Peisson, "Thomas et l'ange".
"The finest hour" aurait alors bien pu prendre une autre dimension, celle d'un drame poignant, d'une histoire angoissante et passionnante telle qu'elle est écrite dans ce petit broché paru chez Grasset ...