Je m'appelle Maria Norberg, mais vous pouvez m'appeler Maja.
Je suis une fille somme toute assez banale, qui en d'autres circonstances serait passée quasiment inaperçue.
J'ai dix-huit ans, je suis étudiante au lycée élitiste suédois de Djursholm. Je suis bonne élève, plutôt mignonne, et entourée.
J'adore ma petite soeur, Lina, qui n'a que cinq ans et que je me dois de préserver.
Ma famille est particulièrement aisée.
Le tapis rouge est donc déroulé pour m'assurer un avenir radieux.
"Moi, je ne suis qu'une connasse de bourge."
Enfin tout ça, c'était avant.
Ca doit d'ailleurs vous être bien égal. Tout ce qui vous intéresse c'est de connaître le rôle exact que j'ai joué dans la fusillade de mon lycée.
"Vous voulez que quelque chose ne tourne pas rond chez moi."
De pouvoir en toute conscience, en toute impartialité, me juger innocente ou coupable de meurtre.
Parce que oui, de toutes les victimes de ce jour-là, je ne nie pas en avoir abattues deux : Mon petit copain Sebastian Fagerman et ma meilleure amie Amanda.
Sebastian était également mon complice présumé, celui avec lequel j'aurais tout organisé.
"Nous sommes allés au lycée avec une bombe dans un sac et des armes dans un autre pour tuer le plus de monde possible."
Son père, Claes, est une célébrité incontournable en Suède puisqu'il s'agit tout simplement de la plus grosse fortune du pays.
"Sa richesse était si grande qu'elle équivalait à une nationalité."
Alors les médias se sont d'autant plus acharnés à interpréter les faits, à donner leur version des évènements. Ce jour-là, c'est Sebastian qui a ouvert le feu, atteignant nos amis Dennis, Samir ou encore Christer, notre professeur. Autant de victimes qui auraient pu être bien plus nombreuses : la bombe retrouvée dans mon casier était en effet défectueuse.
Dans cette salle, après la fusillade, j'étais la seule personne indemne.
Après neuf mois en maison d'arrêt, c'est l'heure de mon jugement.
En prison, j'ai pu apprécier la solitude.
Au procès, la salle est pleine. Remplie de charognards venus se repaître de ma carcasse.
Trois semaines de procédures pénales m'attendent, durant lesquelles la procureure Lena Pärsson va présenter les charges retenues contre moi, essayer de convaincre le juge et le jury que je suis un monstre qui doit être condamné à la peine maximale.
Je suis accusée de meurtre avec préméditation, de complicité de meurtre ou encore d'homicide involontaire. Je suis une dangereuse psychopathe. Et comme je suis désormais majeure, je vais être jugée - et peut-être inculpée - en tant que telle.
"La procureure va étaler des conneries sur moi pendant une journée, peut-être deux."
Pour me défendre, mes parents ont engagé le plus grand avocat pénaliste de Suède : Sander. Parce qu'il y a toujours au moins deux versions d'une même histoire, il s'attardera quant à lui à mettre à mal les conclusions et les expertises de Lena Pärsson et plaidera la légitime défense.
Et ce malgré toutes les preuves qui jouent contre moi, à l'instar des SMS que j'ai pu échanger avec Sebastian la veille du massacre.
Quels arguments les jurés accepteront-ils d'entendre ? Quel sera leur verdict ? le trouverez-vous justifié ?
Rien de plus grand est donc l'histoire de mon procès, qui distille tout doucement les informations relatives à mon innocence ou à ma culpabilité, permettant parallèlement de reconstituer l'ensemble des faits et de mon rôle central dans cette tragédie.
Pour raconter cette partie de ma vie, l'auteure Malin Persson Giolito, ancienne avocate, a choisi de déstructurer totalement la chronologie des évènements.
"Il n'y a pas de chapitres dans cette bouillie."
Elle relate donc dans le plus grand désordre la fusillade, mes premiers interrogatoires, mon séjour en maison d'arrêt, mon jugement mais également mes liens avec chacune des victimes, et la succession d'évènements qui ont mené au jour du drame. Passé et présent s'entremêlent jusqu'à offrir une vue d'ensemble.
Peut-être que vous vous direz que je ne suis qu'une pauvre petite fille riche, inconsciente, coupable, et qui mérite tout ce qui lui arrive.
Ou peut-être éprouverez-vous une certaine empathie en vous rendant compte que je suis moi aussi victime d'un imprévisible concours de circonstances, et que je n'ai jamais voulu nuire à personne. Que mes mots ont parfois dépassé ma pensée.
Je suis quelqu'un de plutôt franc dans mes propos. Mon honnêteté vous agacera probablement. Je soulève les défauts de chacun, j'émets des avis, j'ai des opinions parfois bien arrêtées. Vous verrez par exemple que je ne suis pas toujours très tendre avec ma mère, égocentrique et à côté de la plaque, qui s'inquiète davantage des répercussions que toute cette affaire aura sur elle plutôt que sur sa fille aînée.
Même si j'étais très liée à Amanda - ma première victime - je la trouvais superficielle, ridicule, parfois même un peu débile. Au moins, je ne verse pas dans l'hypocrisie.
Dennis lui était un gros black, qui approvisionnait Sebastian en drogues de toutes sortes. J'y ai parfois goûté moi aussi. Voyez en moi une toxicomane ayant perdu pied avec la réalité si ça vous chante.
Christer était un de nos professeurs, plutôt sympathique et pédagogue. Juste au mauvais endroit au mauvais moment ?
Samir lui venait de la banlieue, avait honte de ses origines et de la profession de ses parents, et avait intégré cette école élitiste par volonté de s'en sortir. Beau, intelligent, il avait tenté de me convaincre qu'apporter mon aide et mon soutien à Sebastian n'était pas de ma responsabilité.
"Samir est quelqu'un qui inspire confiance."
Sebastian lui était l'exact opposé de Samir. On pourrait penser qu'il avait tout pour être heureux de par ses origines richissimes, il organisait des soirées de folie, voyageait partout en Europe le temps d'un week end, se vautrait dans le luxe.
"Les fêtes de Sebastian étaient fantastiques, légendaires."
Mais quand il s'était intéressé à moi, j'avais vu à quel point sa vie manquait d'équilibre. Comme s'il était entraîné dans les abysses : Echec scolaire ( d'ailleurs il n'allait quasiment jamais en cours ), souvent défoncé, raciste, parfois violent. Il n'avait aucun modèle parental : Mère absente et père détestable qui, plutôt que de tendre la main à son fils en détresse, le frappait quand il était déjà plus bas que terre. Et sans l'approbation ou les encouragements paternels, Sebastian n'était plus qu'une coquille vide.
"Ne voyait-il pas que son père était malade ?"
Comment le sauver de lui-même ?
Il a finalement choisi le chemin de l'autodestruction, en décidant d'emmener le plus de personnes possible avec lui.
L'ai-je accompagné sur ce chemin meurtrier ? N'avais-je vraiment aucune idée de ce qu'il avait préparé ce jour-là ? Suis-je responsable de l'état d'esprit qui l'a conduit aux pires extrémités ?
Là encore, cher lecteur, ça sera à vous d'en décider. Je crois que le jury s'est quant à lui déjà fait une idée assez précise du rôle exact que j'ai joué, séduite par ce jeune homme et prête à tout pour lui.
D'après les journaux, je n'ai juste pas eu le courage de me tirer une balle comme nous l'avions prévu au terme de notre sanglante épopée.
"Rien de plus grand que l'amour."
Au-delà de l'affaire juridique, mon histoire est parsemée de réflexions sur les classes ou les entreprises les plus riches, qui ne sont pourtant pas celles qui paient le plus d'impôts, renforçant encore les inégalités sociales déjà existantes.
"Il est injuste que le système de sécurité sociale soit financé uniquement par les bénéficiaires de faibles et moyens revenus. Que les grandes entreprises paient moins d'impôts que leurs plus petites consoeurs."
Et par l'intermédiaire de mon ami Samir sera aussi posée la question de la place des migrants dans la société suédoise. Ou en Europe de façon plus générale.
Quant aux plus nantis, vous verrez que lorsque leur vernis de respectabilité se craquelle, ce qui se cache en dessous ressemble parfois fort à une plaie purulente.
Cette histoire, j'aurais personnellement voulu la réécrire. Quand vous la lirez, vous penserez probablement à Il faut qu'on parle de Kevin de Lionel Shriver, Carnage de Maxime Chattam, Rage de Stephen King ou Dernier jour sur terre de David Vann. Autant de romans qui évoquent ces adolescents meurtriers, qui dénoncent les fusillades en milieu scolaire ( 18 rien que cette année aux Etats-Unis, la dernière en date ayant fait dix-sept morts ) en tentant au passage de leur donner une explication.
Quant à moi, c'est différent. Bien sûr, ça ressemble à un fait divers de plus, mais mon histoire ne se concentre pas sur le drame du lycée. Elle se base sur les causes et les conséquences de cette tuerie.
"Est-ce que tout est prédéterminé ?"
Qui nécessiterait davantage d'explications, de liens de cause à effet, pour arriver ainsi à l'inéluctable.
Moi aussi, je cherche à comprendre comment tout a pu s'articuler pour parvenir à l'impensable, à l'insensé.
Qualifié de thriller, le roman qui relate mon histoire est avant tout un drame psychologique doublé d'un roman procédural. Il laisse toutefois la place à certains rebondissements inattendus, à des révélations progressives : toutes les cartes pour vous faire un avis définitif sur ma personne ne vous seront pas données immédiatement. Cela dit, peut-être que votre premier avis ne changera pas, ou peut-être qu'au contraire il fluctuera en fonction de ces nouvelles informations, que parfois vous souhaiterez ma condamnation alors qu'à d'autres vous vous demanderez ce que vous auriez fait à ma place.
Certains témoignages seront décisifs pour me faire rentrer dans la case "coupable" ou la case "innocente". Il faut obligatoirement que ce soit l'une des deux de toute façon, n'est-ce pas ?
Les tribunaux ne laissent pas la place au juste milieu.
Alors jugez moi en fonction de tous ces éléments portés à votre attention aussi bien qu'à celle des jurés. Jugez moi en fonction de vos propres critères.
"Mais je me fous de vous et de votre avis."
Merci à Babelio et aux Presses de la cité de m'avoir fait parvenir ce roman quelques jours avant le verdict.
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Maja Norberg a 18 ans à peine.
Elle est en prison.
Son procès est en cours...
Neuf mois plus tôt, une tuerie a eu lieu dans une salle de classe de son lycée.
Elle est la seule à en ressortir sans la moindre blessure.
Quelle est son implication dans cette terrible tragédie ?
Qu'a-t-elle à se reprocher ?
C'est ce qu'elle va tenter de nous expliquer tout au long de ce récit, qui va vous interpeller dès les premières lignes...
Il est difficile de le lâcher ce roman !
Tant la narration et le style y sont plaisants, agréables et intelligents.
Tant les sujets, la problématique, les questionnements y sont aussi intéressants que dérangeants...
Je n'ai pas pu m'empêcher de repenser à ma lecture de Hate list de Jennifer Brown, pour ses nombreuses similitudes.
Petit à petit, entre déroulement du procès, incarcération, et événements passés, Maja se livre, dans une analyse réfléchie des faits.
J'ai été parfois troublée, interloquée, parfois révoltée... Parce que c'est tellement criant de vérité et que je me suis sentie complètement impuissante face à tout ça et surtout passive, même.
Tant d'hypocrisie, d'inégalités sociales, de superficialité...
Rien de plus grand, c'est le procès de Maja, mais surtout des classes dirigeantes, d'une société à la dérive...
Je remercie Babelio et les éditions Presses de la cité, pour cette découverte.
Il me tarde de pouvoir en parler autrement et davantage, avec l'auteure, Malin Persson Giolito, quand j'irai à sa rencontre au salon Quais du polar, en avril prochain.
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Ma plongée littéraire dans l'atmosphère de Rien de plus grand fut immédiate.
Il y a, là, dans cette salle de classe du lycée général huppé suédois de Djusrholm la voix de Maja qui se raconte, en tant que seule survivante d'un carnage. Pourquoi est - elle vivante ? emprisonnée ? désignée comme responsable ?
Au fur et mesure que les lieux, tous avec une portée symbolique forte, défilent, mes questions se sont multipliées et mon intérêt pour l'intrigue exacerbé.
Autant l'avouer. .. j'ai été totalement happée par ce roman, mi-thriller, mi-chronique judiciaire avec près de 500 pages lues en trois jours...
C'est que Malin Persson Giolito a construit un texte intelligemment elliptique, qui, en s'emparant de la question du traitement d'une affaire de tuerie lycéenne, nous permet avant tout de méditer sur la folie d'une jeunesse dorée mais perdue.
Juriste de formation, l'auteure nous fait pénétrer de manière fluide au plus prêt d'une affaire jugée aux assises dans laquelle l'ordre de succession des événements sans cesse interrompu laisse place à de nécessaires retours en arrière parfaitement contés par la voix de Maja.
La vitesse du récit est lente puisqu'elle épouse le rythme d'un procès, mais on ne s'ennuie pas un instant tant l'écriture est intelligente. Les infos données sur le déroulement du procès, et ses coulisses, vus par le prisme mental de la lycéenne sont instructives et parfaitement menées.
Maja Norbert est - elle une meurtrière, un monstre comme le laisse entendre la partie adverse ?
Vous ne le saurez qu'après avoir lu ou plutôt, dévoré , ce roman singulier et écouté la parole de Maja.
Jusqu'au bout.
Cette plume précise et percutante parce qu'elle est servie par une intrigue aussi fascinante que fulgurante fait le portrait d'une société impuissante à sauver ses enfants.
J'ai trouvé que tout était parfait : la psychologie, le tourment des personnages sont très bien rendus, sans jamais prendre la place de la narration.
Sur la fin du livre, la jeune héroïne s'adresse à nous, lecteur-trice, et j'ai adoré cette manière d'opérer.
Stratégies d'avocats, juges. .. nous suivons tout ce qu'elle voit, comprend, délaisse, ressent... et tout ça donne un roman fort et attractif, dans lequel on ne s'ennuie pas une seconde.
Un immense merci donc à Babelio et aux Éditions des Presses de la Cité pour ce FORMIDABLE moment de lecture !
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Le procès de Maja Norberg, seule rescapée indemne d'une fusillade dans un lycée. Indemne peut-elle l'être vraiment ? Physiquement certes. Que s'est-il passé dans cette salle de classe et avant ? Maja nous livre ses pensées à la première personne, entre souvenirs et moment présent, parfois au compte-goutte, parfois en un flot continu. Victime ou coupable ?
Le personnage de Maja m'a émue et touchée. Je l'ai sentie sous le choc, dans un véritable stress post traumatique, fragile au possible et tout en sensibilité. Elle ne mâche pas ses mots mais lorsqu'elle relate l'évènement c'est de façon assez froide, détachée : on éprouve ses difficultés à repenser à cela. Plus encore à repenser à sa famille, sa vie d'avant. Alors elle verrouille son esprit, ne relate que les faits. Une immense solitude pèse sur elle, depuis longtemps, avant même son enfermement.
Est-il si difficile pour les parents, les adultes, de parler réellement aux jeunes ? de poser des questions intéressées ? d'accompagner, d'entourer ? Il semblerait, c'est ce qui ressort à plusieurs reprises dans les diverses familles dépeintes.
Pourtant Maja fait partie de la jeunesse dorée suédoise, habite un beau quartier, côtoie les plus riches familles. Mais l'argent ne fait pas le bonheur, n'est-ce pas ?
Dans une première partie, les informations sont distillées au goutte à goutte : l'auteur tient en haleine le lecteur, joue avec son impatience de découvrir « l'affaire », toujours sous fond de procès qui démarre. Puis les souvenirs affluent : l'ambulance, la maison d'arrêt, les interrogatoires et l'isolement total. Et enfin les souvenirs de sa vie d'avant l'évènement, comment tout ça a pu se produire, comment on en arrive à une tuerie sanglante. Et on revient au procès ponctuellement, régulièrement.
Ce récit est donc très structuré, offre des changements de rythme, permet de reprendre son souffle pour mieux repartir. Il y a des passages pesants, révoltants, affligeants, et d'autre un peu plus légers. Toutefois même lorsqu'elle décrit le bonheur qu'elle a connu, subsiste en toile de fond son traumatisme actuel et cette angoisse sous-jacente. Pour le coup, c'est une lecture lente, qui m'a demandé une certaine concentration. Je ne l'ai pas lu en un souffle, j'ai pris du temps pour connaître le personnage et prendre connaissance des faits.
Victime ou coupable ? Chacun se fera son propre avis.
Je lis sur la quatrième de couverture : « portrait dérangeant et empathique d'une génération ». Portrait dérangeant certes, mais portrait d'une portée universelle. Les enfants ne sont-ils pas le reflet de la vie parfois détraquée des adultes ?
Je remercie chaleureusement les Editions Presses de la Cité pour l'envoi de ce 4e roman de l'auteur, ainsi que Babelio pour l'organisation de la Masse Critique privilégiée.
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Sander a la réputation de meilleur avocat pénaliste de Suède. [...] Je me doutais que c'était un très bon conteur. Mais pas qu'il était aussi convaincant.[...]Même si on a tendance à penser qu'il faut être sûr de soi à cent pour cent pour conquérir son auditoire, c'est une idée fautive. Les politiciens devraient en prendre de la graine : nous attendons des phrases qui finissent par un point d'interrogation. Une personne qui n'a pas forcément tout compris, mais qui propose des solutions. Je ne suis pas sûr que ça va marcher mais je suis prêt à tenter le tout pour le tout.
Sander permet au public de l'accompagner dans ses doutes, dans chaque étape de son cheminement. Quand il lance : "Nous nous sommes posé telle ou telle question, aurions-nous eu raison? " tout le monde est curieux. Quand il dit :" Nous avons décidé de mener notre propre enquête", tout le monde trouve l'idée fabuleuse, alors même que quelques minutes plus tôt on lui reprochait de perdre du temps et et de l'argent en redoublant le travail de la police. Quand il annonce : "Le résultat nous a profondément surpris" et " Nous avons tiré telles et telles conclusions", chaque spectateur écoute. En dépit de leur conviction initiale --ils étaient sûrs qu'ils les embobinait-, ils ne peuvent s'empêcher de baisser la garde. Et si... et s'il n'avait pas tout à fait tort?
Ils sont tous là pour me scruter, pas pour m'entendre. Ils attendent ce qu'ils croient déjà savoir. On dit que les enfants ne croient qu'en ce qui les arrange, mais la vérité, c'est qu'on ne peut pas les berner. Les adultes, en revanche, veulent choisir eux-mêmes l'histoire qui leur convient. Les gens se moquent de ce que les autres disent ou ressentent, de ce qu'ils ont traversé, appris. Les gens ne s'intéressent qu'à ce qu'ils sont déjà certains de savoir.
Dans les contes, les trolls se changent en pierre quand le soleil les surprend. À mon avis, cela signifie que si on expose les choses terrifiantes, qu’on les révèle, elles cessent de l’être. En vrai, c’est le contraire. Trop de lumière et de « vérités », d’ « ouvre ton cœur », de « dis ce que tu éprouves » et de « n’aie pas peur de parler de tes problèmes » ne fait qu’étaler à la face du monde quel monstre vous êtes. Vos mauvais sentiments se voient comme une verrue poilue au milieu de la figure.
Je m'étais assise à un arrêt de bus de l'autre côté de la place et avais finalement sorti mon téléphone pour m'orienter. Je n'avais pas le choix. Je gardais l'autre mais dans la poche où se trouvait ma bombe lacrymogène, faisant de mon mieux pour me convaincre que ce n'était pas parce que j'avais peur que j'étais raciste. Je m'étais rappelé les mots de maman : être prudent, ce n'est pas forcément être effrayé.
Les gens affirment que toutes les vies ont la même valeur. C'est ce qu'on dit quand on est poli, bien élevé et, peut-être, qu'on a un diplôme universitaire. En réalité, tout le monde sait que c'est faux. Car quand un avion s'échoue au large de l'Indonésie en faisant quatre cents victimes, les informations en parlent deux fois plus si un compatriote figure dans le sombre bilan. Un pitoyable Suédois empestant la sueur, parti faire du tourisme sexuel, vaut deux fois plus que quatre cents Indonésiens. Voilà pourquoi quand une jolie jeune femme pleine d'ambition meurt dans une avalanche, cela fait les gros titres (avec photo en une), tandis qu'une seule brève coincée entre le programme cinéma et une pub pour des implants mammaires est consacrée à un retraité incontinent, divorcé et sans enfants, assassiné après une tentative de vol dans le métro qui le ramenait chez lui.
Bande annonce de Quicksand – Rien de plus grand (Serie Netflix 2019) , adaptation du roman de Malin Persson Giolito.