Premier roman de
Walter Mosley consacré à Easy Rawlins, vétéran de la Seconde Guerre mondiale devenu détective à Watts,
le diable en robe bleue nous plonge dans l'Amérique ségrégationniste d'après-guerre. J'avais bien aimé l'adaptation cinématographique de Carl Franklin avec Denzel Washington, Tom Sizemore, et Don Cheadle, ambiance 40's, bande-son impeccable (Thelonious Monk, Duke Ellington …). le roman ne m'a pas déçue.
Easy Rawlins a laissé Houston derrière lui pour tenter sa chance à Los Angeles, et par patriotisme, s'est engagé pour sauver l'Europe. Relégué à l'arrière pendant trois ans comme la plupart des soldats noirs, il a réussi à être incorporé dans les troupes qui ont débarqué en Normandie, puis a suivi Patton dans les Ardennes: « A cette époque-là, les Alliés étaient tellement à bout qu'ils n'avaient plus le loisir de pratiquer la ségrégation parmi les troupes. Il y avait des Noirs, des Blancs, et même une poignée de Nippo-Américains dans notre section. Notre principal souci, c'était de tuer les Allemands. »
Rentré traumatisé par la découverte des camps, désabusé par la ségrégation persistante, Easy est un homme cynique qui se méfie de tout et se tient à l'écart des ennuis. Viré de son boulot, il accepte une mission bien rémunérée, retrouver pour un blanc un peu mafieux la trace d'une belle Française qui aime fréquenter les clubs de jazz. « Cherchez la femme, pardieu! Cherchez la femme! » prend ici toute sa dimension. Si Easy retrouve la mystérieuse Daphné, il parviendra à comprendre pourquoi les cadavres tombent autour de lui, pourquoi la police le passe à tabac, pourquoi des hommes influents veulent mettre la main sur cette fille, et résoudra l'énigme.
Le diable en robe bleue est un polar efficace, dénué de manichéisme. Mosley dresse le portrait d'un homme intelligent et clairvoyant qui poursuit sa quête malgré la pluie d'emmerdements qui s'abat sur sa tête, ensorcelé par les charmes du diable vêtu de bleu. le polar est plus que jamais miroir du social, il nous donne à voir l'obsession américaine de la race, le destin cruel de ceux qui « franchissent la ligne », sociale, ou raciale, les effets dévastateurs du «Passing" sur des individus qui voulaient juste avoir une vie plus facile, de l'autre côté.