Depuis toujours en moi deux invités résident;
Les penchants de chacun à l'opposé me tirent :
L'un s'enivre tout seul, et de jour et de nuit,
Mais l'autre reste sobre tout au long de l'année.
Chacun se rit de l'autre, le buveur et le sobre
Sans que l'un ne comprenne les paroles de l'autre.
Combien semble stupide la morale du sobre;
Plus sage me parait la liberté de l'autre.
A lui, un seul conseil : quand vient le crépuscule,
Allume la bougie et prolonge la nuit.
(Tao Yuanming -- 372-427))
Que l'esprit puisse vagabonder, qu'il ait accès à un ailleurs, qu'il puisse se libérer du carcan de la logique rationnelle et des tracas du quotidien, pénétrer dans l'imaginaire, ce désir hante toutes les civilisations. C'est pour cela qu'il a, de tout temps, eu recours à des drogues. Mais beaucoup ne procurent que de "misérables miracles" car, comme dans l'auberge espagnole du dicton, on ne trouve alors que ce qu'on apporte.
Au début du dernier mois du printemps en l'an 353, nous nous réunîmes dans le Pavillon aux Orchidées, sur la pente du mont Kuaiji, pour la fête du printemps. Beaucoup de lettrés, jeunes et vieux, y participèrent. Il y avaient des montagnes imposantes, des escarpements couverts de forêts luxuriantes et de bambous; une rivière d'eau claire serpentait en tourbillonnant et formait un couloir de lumière éclairant les deux rives. (Wang Xizhi)