Une légèreté à double tranchant
Pas de confusion à avoir sur le mot légèreté : le texte l'est vraiment de manière littérale. Les descriptions y sont presque inexistantes. Quelques phrases par-ci, par-là pour éviter que l'on soit trop perdu tout de même, mais le corps principal du texte reste principalement de l'action. Cela pourrait être un point noir, même un gros, puisque les relations entre les personnages se font surtout pendant les dialogues. Flashback, pensées, introspection, tout y passe à la poubelle. Mais, à mon sens, cela donne beaucoup de liberté au lecteur. Avec le peu d'information que l'on nous donne, on est capable de s'imaginer quel est le quotidien des personnages, quel type de relation ils entretiennent et les souvenirs qu'ils partagent sans trop de difficulté. Pas besoin de lire des pages entières pour comprendre tout cela en quelques échanges entre eux.
Cependant, et là est bien le gros problème de
Transparente, qu'imagine-t-on quand les personnages sont vides et agaçants ? Quotidien facile a décrypter, oui ; personnages d'une simplicité aberrante, c'est de trop. Les informations à leur sujet sont le minimum vital et ne dépeint pas forcément un portrait particulièrement attrayant. Prenons Lina-Jane, l'un des personnages principaux. Pendant ma lecture, j'avais juste l'impression de me retrouver face à une adolescente mal dégrossie. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il s'agit d'un cliché sur pattes – entre nous, un cliché bien amené peut rester agréable à lire et on peut même l'apprécier – mais ce personnage m'a laissé une impression de superficialité. Lina-Jane me semble désespérément vide et ne semble s'intéresser qu'à des broutilles. Sans parler de sa relation avec ses parents : le fameux fight générationnel vu et revu, la fille incomprise et rebelle que ses parents ne comprennent pas et à laquelle ils ne s'intéressent pas, le père qui aurait voulu un fils, une mère absente (non pas dans son rôle, elle est là la mère, mais elle n'interagit pas plus que ça avec sa fille et cette dernière n'en fait pas un grand cas). Et c'est tout. de Lina-Jane, on retient cette image et celle d'une fille qui aime bien s'habiller de manière « provocante » pour ses vidéos sur les livres.
Quant aux autres protagonistes, c'est le vide intersidéral. Des actions, point à la ligne. Hormis peut-être une petite explication sur le père, les autres personnages sont des espèces de marionnettes sans passé. Mais heureusement, heureusement que Lucia est là. Une vieille dame, qui elle aussi est pas loin de frôler le cliché, mais dont l'image dégage une certaine douceur. On s'y attache, à la vieille Lucia. Dans ses petites attentions, dans ses préoccupations – des vrais et il y en a beaucoup plus que pour Lina-Jane – elle est attachante et on a juste de la serrer fort contre nous. Une petite douceur qui rend la traversée du désert moins pénible.
Mais il n'y a pas que des mauvais points à ce livre. Cette façon de faire, d'écrire apporte aussi de la légèreté au texte : notre attention n'est plus fixé sur les personnages en soi, mais plutôt le message qu'ils nous apportent. Pas de blabla inutile, on va à l'essentiel. Chaque scène revêt donc une grande importance pour la narration. Les pauses ? Jamais entendu parler. Attention donc à ne pas relâcher son attention si on ne veut rien manquer de l'histoire. Car oui, après lecture, je me rends compte de tout les petits détails disséminés dans l'oeuvre. Les quelques passages qui semblent inutiles pour l'avancement de la quête de Lina-Jane mettent en fait en place une certaine atmosphère pour le dénouement. Ils illustrent ce dont le personnage a peur et cela avec beaucoup de finesse, car, évidemment, le lien ne se fait pas immédiatement entre les deux « récits » si je puis dire.
Un style et un message
Bon, évidemment je ne vais rien spoiler sur la bombe qui explose en fin de récit – de manière métaphorique hein. Mais, j'aimerais quand même mettre en avant le style qui est plutôt agréable à lire. Peut-être est-ce parce que Lina-Jane, la maudite Lina-Jane, et Lucia aime la littérature que les passages imagés semblent si bien incorporés dans la narration. L'image du papillon et de ses ailes, des confitures de mots et manger toute les crêpes à sa portée pour refouler les paroles, c'est juste extraordinaire. Tant de petite chose qui apporte un plus à ce livre.
Et puisque cela me démange horriblement d'en discuter, parlons de la fameuse bombe. Que je sois maudite, le retournement final je l'ai deviné. Et ce, même en ratant tous les indices gros comme des immeubles. Après, il faut dire aussi que je suis championne pour faire des histoires tordues aux plot twist sans queue ni tête. Les deviner devient un jeu d'enfant alors. Enfin bon, je suis sûre qu'il te surprendra et te touchera. Je dois bien avouer que j'y ai versé ma petite larme à la fin.
Le mot de la fin
Transparente est un livre très touchant par son message, mais qui pose quelques problèmes au niveau de sa forme. Il ne faut donc pas se précipiter tête la première. Il s'agit d'un récit qui s'apprécie lentement. Il faudra sans doute faire quelques pauses dans ta lecture pour éviter une overdose d'action ou pour éviter de finir déshydrater dans cette longue traversée du désert. Mais, ne serait-ce que pour découvrir Lucia et le message transmis par ce livre, je le recommande chaudement. Surtout qu'il ne fait qu'une centaine de pages. Alors, si tu as le temps, penche-toi donc un peu dessus. Je suis certaine que tu ne sera pas déçu(e).