L'album s'ouvre sur du rose : une scène sirupeuse de baiser langoureux, avec dialogues à l'avenant :
" - La vie m'a fait ce cadeau cruel qu'est l'amour, Rebecca... TON amour ! Jamais je ne laisserai un autre me le reprendre...
- Ooooh Ryan... "
Y aurait-il tromperie sur la marchandise par rapport à la couverture !? Pas de panique, on n'est pas dans une BD girly, oh non ! le ton change rapidement, on redescend sur terre, dans une banlieue dite 'défavorisée'. J-P adolescent brisé, mutique, haineux, qui subit au quotidien un beau-père violent. Et Mike, solitaire, trop gentil/faible, dont le père est parti et la mère devenue accro aux séries télé à l'eau de rose... Et autour, des bandes de durs désoeuvrés, qui ont choisi leurs têtes de turc - Mike est de ceux-là. Comme le laisse présager la couverture, le récit tourne en road-trip...
Album sombre sur le fond (violence, haine, désespoir...) et sur la forme : le bleu foncé domine largement, éclairé de loin en loin de touches de couleur - le rose bonbon des feuilletons, et du sang, mais pas seulement. Violence, déprime, peur s'effacent parfois derrière tendresse et humour... Quant à la fin, noire, grise ou autre, je vous laisse découvrir.
Une histoire triste, émouvante et belle.
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Cela ne sera pas le premier album du genre concernant un trio de personnages dans un road-movie à la française dans une virée en camionnette sur les marchés de villages. On apprend petit à petit à connaître les protagonistes car on entre dans leur intimité. le récit prend alors une autre dimension alors qu'au départ, ce n'était pas vraiment idyllique.
C'est à la fois dur par son contexte que celui de la cité où il ne fait pas bon vivre mais également empreint de beaucoup de tendresse. Et pour une fois, on évite un langage peu châtié à quelques exceptions près... On est proche d'un film comme La haine par exemple.
Il y a également de belles trouvailles de la part de l'auteur comme les interludes à la Arlequin d'une mère trop plongée dans les soaps TV du style Gloire, Amour et beauté et qui oublie par la même occasion de vivre. La colorisation en noir et bleu est assez originale également et il y a un bon rendu au niveau du dessin. le titre semble également assez évocateur.
Bref, il y a plein de choses qui sont subtilement sympas dans ce one-shot. Au final, la lecture s'est révélée assez agréable. Au fond, peut-être que j'aime les histoires d'amitié de deux êtres qui n'ont pas eu beaucoup de chances dans leur vie. Cela prend au tripes pour peu qu'on possède un peu de sensibilité pour ces choses là !
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Il y a beaucoup de sensibilité dans cet album dont j'ai fait durer la lecture sur 8 jours afin de ne pas arriver au dénouement trop rapidement.
Il s'agit d'une belle histoire d'amitié entre deux jeunes hommes de banlieue unis malgré eux par leur solitude et leur différence.
La première partie de cette BD dépeint la violence de la vie dans les citées de grandes agglomérations. Parfaitement retranscrit ici j'ai été bouleversée par ces pages sombres à l'ambiance pesante quand la jeunesse n'a rien d'autre à faire que de régler ses comptes entre elle et tenter d'occuper un territoire dont elle estime être le maitre.
JP a réglé ses comptes avec son beau-père, informé par Mike que ce dernier a été retrouvé mort à son domicile, ils partent sur les routes direction le centre de la France dans le but de pouvoir s'enfuir dans n'importe quelle direction si les flics les retrouvaient.
Ils font alors la rencontre d'un curieux vendeur ambulant qui les prends sous son aile...
La suite à vous de la découvrir ...
Cette BD commence comme un témoignage cru, sans fond de la vie en banlieue et glisse doucement vers la poésie, la délicatesse et l'apaisement...
Les dessins sont beaux, les visages et attitudes parfaitement maitrisés.
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Je connaissais le Poupon du "Fond du bocal", je le découvre là dans un récit plus intimiste. Dessins, couleurs, histoire, dialogue, tout est maîtrisé pour un récit touchant sans mièvrerie. Une bonne découverte.
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- Salut Maman, ça va ?
- Couci-couça.
- Ryan ?
- Les médecins lui ont diagnostiqué un cancer... il savent pas s'il va s'en sortir.
- C'est que de la télé, maman...
- Je sais, mon grand. Me prends pas pour une idiote... Mais quand tu penses que c'est un accident de voiture qu'a déclenché la maladie... Ces chocs psychologiques, c'est quelque chose quand même... Alors s'il apprend que Sabrina le trompe, là...
(p. 90)
- et alors ? Ton histoire...elle est pas finie ?
- évidemment qu'elle est pas finie...une histoire à emporter, ça n'a jamais de fin.
- quel intérêt ?
- Une histoire entière, tu finis toujours par l'oublier, tandis qu'une histoire inachevée, t'es obligé d'y repenser. Et avant d'avoir réussi à la finir, tu verras qu'elle en cache plein d'autres.
Les journées qui commencent par des "bonsoir", vaut mieux les passer couché...
Et c'est à peu près ce qu'on a fait, vu qu'y avait rien à faire.
JP, il a passé sa journée à fumer. J'voyais que ça tournait dans sa tête. (...)
C'est le problème du rien... Ca laisse trop de temps pour réfléchir.
Et trop réfléchir, quand t'as rien à foutre, quand tu peux rien faire d'autre que rien foutre, c'est pas bon.
Un putain de cercle vicieux, un vrai, qui t'entoure et qui se resserre petit à petit.
(p. 55-56)
Sud, Nord, Est, Ouest, on s'était pas mal posé la question avec JP. Et comme on arrivait pas à se décider, on a fini par choisir le Centre. JP, le Centre, y disait que c'était l'idéal pour des gars en cavale. Que si les flics nous repéraient, on pourrait s'enfuir dans n'importe quelle direction. Des arguments comme ça, ça pouvait pas se contredire.
(p. 62)
- Allô, maman ?... C'est Mike, ça va ?
- Hmm... Hmmmm...
- Ca a pas l'air d'aller ?
- Ryan est mort.
- Qui ça ?
- Ben Ryan... Ryan de la télé...
(p. 64)
Extrait de l'interview de Nicolas Poupon, l'auteur du Fond du bocal et Faire semblant les jours d'orage