Voici une série de textes satiriques de Quevedo, un contemporain de Cervantes. Écrits à différents moments mais tous dans le même esprit, ils exposent la corruption de gens de divers états et professions en une grande farce macabre. En toile de fond ; jugement dernier, possession démoniaque, mort, enfer et damnation. La plupart du temps, la forme est une succession de petites scènes. Par exemple, on assiste aux supplices infernaux mérités par des représentants de toutes les classes sociales, on nous révèle les motivations secrètes et peu louables de passants croisés lors d'une promenade, etc. Le langage est facétieux et enclin à l'exubérance. Le texte que j'ai préféré est le dernier, ''Le songe de la mort'', que j'ai trouvé le plus vivant (bon, voilà que je me lance dans les figures de style) et semé de personnages attrayants.
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Je suis ─ dit-il ─ Le Roi Enragé. (...) Jamais il n'y eut au monde roi aussi malchanceux, car de lui vous ne gardez aucun souvenir, hormis radotages, oripeaux, vieilleries et divagations, et jamais il n'y eut roi de si méchante, si répugnante, si putride, si décrépite, si vermoulue et si miteuse mémoire. Les gens n'ont-ils pas été jusqu'à dire que j'étais atteint de la rage ? Par Dieu je jure qu'ils mentent, mais comme tous en sont venus à dire que j'avais la rage le mal est sans remède, et du reste je ne suis ni le premier ni le seul roi saisi de rage, attendu qu'il n'y a ─ et pas davantage n'y eut et n'y aura ─ roi qui n'enrage du fait de son entourage.
Car l'argent, comme les femmes, est épris de mouvement et aime qu'on le touche et qu'on lui obéisse, mais il est ennemi de qui le met sous clef, et il s'attache aux pas de ceux qui ne le méritent pas, et ainsi allant de maison en maison, en fin de compte il laisse chacun avec une douleur à l'âme.
Mais vous allez dire que trop évidente vérité devient absurdité. Belle excuse, frères vivants ! La vérité sans apprêt, vous la dites amère ; peu de vérité, vous dites que c'est mensonge ; beaucoup de vérités, que c'est insanité. Comment la vérité doit-elle s'habiller pour vous plaire ?
Je ne veux d'autre chair que la chair de la femme, surtout quand est peu chère la femme qui se vend ou bien que m'est très chère la femme qui se donne.
Un extrait de l’émission « Poésie sur parole », par André Velter, diffusée le 5 juillet 2003 sur France Culture. Invité : Bernard Pons, traducteur des sonnets chez José Corti.