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EAN : 9782070715374
160 pages
Gallimard (13/02/1989)
4/5   2 notes
Résumé :
Depuis La tourne, en 1975, Jacques Réda n'avait pas publié un seul ouvrage exclusivement composé de poèmes. Ceux qui constituent ce nouveau recueil ont été écrits entre cette époque et 1987. Il n'est donc pas surprenant qu'on y remarque à la fois une continuité avec le lyrisme des trois premiers livres (Amen, Récitatif, La tourne) et un écho de ceux qui ont paru dans l'intervalle, notamment L'herbe des talus et Recommandations aux promeneurs. Bien que - son titre l'... >Voir plus
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
LA POÉSIE

Est-il un seul endroit de l'espace ou du temps
Où l'un des mille oiseaux qui sont les habitants
De ce poème (ou lui, consentant, leur otage),
Entendrait quelque chose enfin de son langage
Un peu comme je les entends,

Si peu distincts du pépiement de la pensée
Indolente, prodigue et souvent dispersée
Au fond de je ne sais quel feuillage de mots,
Que mes rimes, pour y saisir une pincée
De sens, miment ces animaux ?

J'ai supposé parfois une suprême oreille
À qui cette volière apparaîtrait pareille,
Dans l'inintelligible émeute de ses cris,
À celle dont je crois être, lorsque j'écris,
Un représentant qui s'effraye

Et s'enchante à la fois de tant d'inanité.
Il se peut en effet que l'on soit écouté,
Et qu'en un certain point le latin du poète,
Mêlé de rossignol, hulotte ou gypaète,
Les égale en limpidité.

p.139

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Chemins perdus


Pareils aux inquiets, aux longs velléitaires
Qui n’auront jamais su choisir un seul chemin,
Tous ceux que j’aperçois, lorsque je passe en train,
Filer à travers bois, dans l’épaisseur des terres,
Me paraissent chacun devenir, tour à tour,
Celui que j’aurais dû suivre sans aucun doute.
Je me dis : la voici, c’est elle, c’est la route
Certaine qu’il faudra revenir prendre un jour.
Mais aussitôt après, sous la viorne et la ronce,
Un sentier couleur d’os ou d’orange prononce
Sa courbe séduisante au détour d’un bosquet,
Et c’est encore un des chemins qui me manquaient.
Puis le bord d’un canal donne une autre réponse
À ce perpétuel élan vers le départ.
Mais je vous aime ainsi, chemins, déserts et libres.
Et tandis que les rails me tiennent à l’écart,
Vous venez vous confondre au réseau de mes fibres.

p.59
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LA BICYCLETTE

Passant dans la rue un dimanche à six heures, soudain,
Au bout d'un corridor fermé de vitres en losange,
On voit un torrent de soleil qui roule entre des branches
Et se pulvérise à travers les feuilles d'un jardin,
Avec des éclats palpitants au milieu du pavage
Et des gouttes d'or en suspens aux rayons d'un vélo.
C'est un grand vélo noir, de proportions parfaites,
Qui touche à peine au mur. Il a la grâce d'une bête
En éveil dans sa fixité calme : c'est un oiseau.
La rue est vide. Le jardin continue en silence
De déverser à flots ce feu vert et doré qui danse
Pieds nus, à petits pas légers sur le froid du carreau.
Parfois un chien aboie ainsi qu'aux abords d'un village.
On pense à des murs écroulés, à des bois, des étangs.
La bicyclette vibre alors, on dirait qu'elle entend.
Et voudrait-on s'en emparer, puisque rien ne l'entrave,
On devine qu'avant d'avoir effleuré le guidon
Éblouissant, on la verrait s'enlever d'un seul bond
À travers le vitrage à demi noyé qui chancelle,
Et lancer dans le feu du soir les grappes d'étincelles
Qui font à présent de ses roues deux astres en fusion.

p.120
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ÉQUINOXE

Je cherchais comment l'eau, les rochers, les oiseaux, les

arbres
Font pour tenir ensemble, et les nuages qui figurent
Le monde vagabond, rythmique, engendré, s'engendrant
Comme le même songe instable au fond d'yeux jamais

clos.
Je savais qu'à beaucoup se refuse la gloire d'une herbe
Au sommet d'un talus, pesant le dos large du ciel
Qui nous supporte, et que le vent chasse dans la lumière
Les signes des cristaux de neige pour la boue.

— Ô tête
Ici de tout soutien privée, où est le mur? (Un mur À défaut d'une mère, et dormir dans les ruines de son

flanc.)

Et je voyais le vide entrer dans l'apparence avec
Les bourgeons qui toujours pour la première fois reviennent.
Poussés par la force d'oubli qui de sa couche arrache
Et féconde ce vaste corps tumultueux d'étoiles
Puis l'abandonne à notre porte ouverte, comme un dieu

Encore enfant mais bien trop haut pour nous, hôtes déjà
Qui hébergeons et nourrissons le dieu de notre mort.

Du seuil, je relevais d'oiseaux et d'arbres quelques traces
Au fond de la combe où le soir tout à coup se rappelle —
Et c'était l'heure où, des enfants, brillent à contre-jour
Les bicyclettes, quand

Le plus petit au carrefour tombe dans un remous
De lueurs qui vont l'engloutir en larmes dans la mémoire ;
Et touchant de la nuit la bouche dépravée j'ai dit :
Quel long désastre en bouquets éclatant qui saluent
L'éveil jamais surgi dont nous sommes le souvenir
Les messagers perdus dans les distances inhabitables.
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FRAGMENT DES ÉTÉS

Rien par l'immense été clos que le tremblement
Des rails sous les coquelicots, et la poule qui râle
Au fond de la chaleur noircissante ; rien que
Ce duvet immobile et le nuage en exode, en fureur
Très lente sous la couvaison des préfectures, quand
Le destin surveillait les faubourgs par l'oeil de la volaille
Augurale et figeait des trajectoires de céruse
Dans l'ocre à déchiffrer de la fiente par un enfant.
J'arrivais à la gare, je

Serrais frissonnant sous mon linge ce peu de glace
Et midi comme un poing d'aveugle sur les toits
Cherchait pour l'écraser ma tête transparente.
Mais loin sous les parois de l'œuf caniculaire
Je naissais de nouveau dans l'oubli, dans la pure fréquence
Que des ondes coupées des deux sources du temps.
Lambeaux d'une mémoire en détresse par tout l'espace,
Troublaient — et je voyais des morts, des femmes, des

jardins
Me traverser tandis que vers le chœur du bleu marine
Entre les murs épiscopaux de
Langres ou d'Autun

Je montais, et vers les jardins bouillant d'oiseaux et de

racines
Enfouis dans la lumière ainsi que des yeux — et déjà
Sous les cils formidables de la chaleur n'était-ce pas
Les vôtres qui s'ouvraient en moi comme l'eau sous les

cygnes ?
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Videos de Jacques Réda (14) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jacques Réda
Jacques Réda Quel avenir pour la cavalerie ?
Rencontre animée par Alexandre Prieux
La poésie serait-elle une guerre ? le vers, le corps d'élite de la langue ? En retraçant l'histoire de notre prosodie, Jacques Réda dévoile les processus de transformation du français, aussi inéluctables que ceux de la physique. Où les poètes sont les exécutants plus ou moins conscients d'un mouvement naturel. du Roman d'Alexandre à Armen Lubin, en passant par Delille, Hugo, Rimbaud, Claudel, Apollinaire, Cendrars et Dadelsen, Jacques Réda promène son oeil expert sur des oeuvres emblématiques, et parfois méconnues, de notre littérature. Inspirée et alerte, sa plume sait malaxer comme nulle autre la glaise des poèmes pour y dénicher les filons les plus précieux. À la fois leçon de lecture et d'écriture, et essai aux résonances métaphysiques, Quel avenir pour la cavalerie ? constitue la « Lettre à un jeune poète » de Jacques Réda, et le sommet de sa réflexion poétique.

À lire – Jacques Réda, Quel avenir pour la cavalerie ? – Une histoire naturelle du vers français, Buchet/Chastel, 2019.
Le jeudi 28 novembre 2019 à 19h
+ Lire la suite
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