Ce récit se lit comme une enquête, celle de la disparition de Fernand Legros, un résistant belge pendant la Seconde Guerre mondiale. Des bribes d'information retracent le parcours de cet homme réputé pour son audace face à l'ennemi. Mais pourquoi ceux qui l'ont connu se sont-ils tus après la libération?
Suite à de patientes recherches et l'accès à des documents rares, l'auteur, petit-fils du résistant, fait revivre le parcours de son aïeul : arrestation, emprisonnement, déportation, disparition.
Ensuite, c'est le silence. Celui d'une famille mutilée, blessée au plus profond, qui préfère s'abstenir de tout commentaire, comme si elle se refusait à admettre la réalité : un séjour fatal dans le camp de Neuengame, celui des saboteurs et des résistants aux nazis. L'anéantissement ne se raconte pas. Il se dissout dans le silence.
L'auteur n'a pas connu le héros. Il a toutefois subi la lourdeur du silence d'après guerre. Il s'interroge. Et par respect pour ses proches, se refuse à leur faire mettre des mots sur des faits et des sentiments qu'on devine insupportables. Seuls restent des documents officiels, des bribes de témoignages, des recoupements qui donnent le relais à la réflexion.
Il en ressort un récit digne et émouvant, émaillé de petites touches qui peu à peu dévoilent les pans de l'histoire d'un résistant, un homme d'honneur qui est allé au bout de ses convictions.
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Le but importait peu. Seul le plaisir du récit, celui de la parole qui roule, se déroule, nage, fluctue, abonde en cascades, était l'enjeu de ces monologues que j'interrompais parfois pour demander des nouvelles de tel personnage abandonné sur la route. Une fois le pauvre hère récupéré, il repartait immédiatement vers un autre lieu et une autre aventure. Je m'endormais ébloui, les sens nourris par des visions colorées, des bruits de forêt, des cris d'animaux, de plaintes minérales, et autant de sensations qui finissaient par avoir raison de ma capacité à demeurer éveillé.
Dans ma mémoire, qui s'imbrique dans leur mémoire, je ne trouve pas d'élément construit, aucune architecture qui permette de donner un semblant de corps à la disparition. Je n'ai trouvé qu'un silence lourd, une absence de mots à laquelle donner un sens reste une gageure, la part immergée du vacarme que le mutisme a recouvert m'est inaccessible.
Grande, Seconde, celle de Trente Ans, l'enfance n'a que faire de ces détails alors qu'elle passe l'après-midi à jouer à la guerre, à mourir cent fois et à renaître autant de fois pour se lancer dans d'héroïques assauts, toutes armes confondues dans son arsenal, de l'épée au char d'assaut.
La difficulté consiste à demeurer un homme au-delà de ce que les bourreaux vous infligent. La capacité à quitter le vertige de la souffrance et de l'humiliation, de résister à la tentation de supplier, est une des conditions de la survie.
Ce que l'enfant ne pouvait mesurer, l'adulte pouvait le ressentir à l'aune des mots. Je percevais avec plus de netteté et de justesse la béance laissée par la disparition d'un père.