Un roman qu'on lit d'une traite (ou presque) ne peut pas être foncièrement mauvais, a fortiori s'il s'agit d'un thriller comme c'est le cas ici. Avec un art rare de l'accroche,
Matt Ruff emporte le lecteur dès les premières pages, avec ce pitch imparable : une jeune femme dans une prison, un psychologue, j'ai tué cet homme car je fais partie d'une organisation secrète dont le but est de supprimer les hommes mauvais.
Et voilà Jane Charlotte embarquée dans son récit, depuis son adolescence mouvement, son recrutement par l'organisation en question, ses missions, ses réussites et ses échecs.
Bien entendu, au fur et à mesure du livre, comme si l'appropriation du concept déjà assez riche ne suffisait pas, des zones d'ombres apparaissent, des revirements s'opèrent, des perspectives se modifient.
Puis, plus on se rapproche du dénouement, plus les coups de théâtre s'enchaînent, à un rythme presque effrené, jusqu'aux pages finales fort denses, que j'éviterai de spoiler !
On est ici dans l'univers assez cadré du thriller américain contemporain. Stylistiquement, c'est du travail propre et carré mais sans grand intérêt littéraire. La construction du roman est banale, le flash back n'étant pas une invention récente.
C'est sur les personnages que
Matt Ruff réussit le plus, et notamment sur son héroïne Jane Charlotte (quel prénom :!), dont il nous narre en détail les aspects noirs de la personnalité et qu'on ne peut s'empêcher de pendre en effectioin.
Sur l'intrigue, elle est vraiment rondement menée; il n'y a pas un seul temps mort; on est d'ailleurs presque sur le scénario et le découpage d'un film dont on n'imagine pas qu'il ne puisse pas se faire tellement l'adaptation coule de source.
Le livre est malin, l'auteur fait preuve d'une vraie fantaisie, d'une légèreté mais aussi d'un souci du sérieux et de la cohérence, qui fait qu'on arrive à croire à son organisation secrète dont les départements s'appellement Les Murs ont des yeux ou Coûts Bénéfices.
Je dois dire que j'ai très peu saisi l'aspect SF ou monde parallèle du livre, à parti quelques idées pratiques pour l'avancement de l'histoire, le reste donne (malheureusement) bien à croire qu'il s'agit de notre pauvre monde. de même, l'héritage du thriller paranoÏaque et de la SF déjantée à la
Philip K. Dick me semble assez lointain, plus une vague influence qu'une composante majeure.
Enfin, il faut reconnaître que les dernières pages sont assez embrouillées, on sent que renouer tous les fils et rendre tous les twists cohérents les uns avec les autres n'a pas dû être simple, d'où cet enchaînement de révélations sans beaucoup de substance et de liens entre elles; clairement on aurait aimé une fin plus travaillée...
Cependant au global un excellent moment, un bon potential d'addiction et quelques idées qui trottent dans la tête encore quelques temps après avoir fermé le livre.