Dans un court prologue, Sama, Française d'origine algérienne, apprend qu'une explosion a eu lieu dans une gare. Sans nouvelles de sa fille Julie qu'elle a sentie très perturbée lors de leurs dernières rencontres, elle craint le pire. Ce qu'elle apprend des circonstances de cet événement dramatique la ramène à sa propre histoire.
S'ensuit une longue plongée dans les ultimes années de l'Algérie française, dans une région proche du massif de l'Aurès, à une période charnière, lorsque le général
De Gaulle laisse entrevoir la possibilité d'une autodétermination des populations d'Algérie. Les tensions deviennent de plus en plus vives entre les différentes parties, et le contexte dramatique qui en résulte est particulièrement bien rendu dans ce roman bien documenté.
Le capitaine Renaudin compte dans ses effectifs des soldats d'origine algérienne qui ont combattu pour la France sur tous les fronts, certains avec lui. Mais cette fois, la donne est différente, ce sont des frères, des cousins ou d'anciens camarades de régiment qui leur font face.
L'officier retrouve également une vieille connaissance en la personne de Guerite, personnage méprisable s'il en est qui a déjà sévi pendant l'occupation allemande, et qui, fidèle à sa personnalité trouble et à sa capacité à se tourner du côté où se trouve son intérêt, va marquer l'histoire de son empreinte néfaste.
Dans une deuxième partie plus courte, après une transition un peu rapide à mon goût, l'action se passe de nos jours, centrée sur les événements tragiques qui ont frappé la France depuis l'attentat de
Charlie Hebdo. L'auteur s'intéresse, à travers la destinée de certains descendants des familles revenues d'Algérie, aux mécanismes mis en oeuvre par de véritables recruteurs professionnels pour radicaliser des personnes influençables, n'ayant pour certaines au départ que peu de relations avec la religion islamique. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt ces pages, avec un sentiment de malaise face à la manière dont ces manipulateurs parviennent à canaliser les doutes et les questionnements de personnes en recherche d'identité pour les transformer en actes violents.
Malgré la grande richesse et l'intensité dramatique des événements évoqués, j'ai eu la sensation d'un petit manque pour apprécier totalement cette lecture. Je n'ai pas retrouvé ce qui m'avait impressionné dans le premier roman d'
Alexis Ruset, «
Pour que la mort ne crie pas victoire», cette écriture lyrique et poétique faisant passer beaucoup d'émotions. Certainement que les périodes concernées par le récit s'y prêtent plus difficilement, trop douloureuses dans les mémoires ou trop actuelles. J'ai trouvé le style un peu froid avec l'impression de rester spectateur de cette histoire qui, bien que m'ayant beaucoup intéressé, ne m'a pas vraiment transporté, sauf dans les toutes dernières pages d'une très grande beauté tragique.
Je remercie Babelio et les éditions ZINÉDI pour cette lecture.