La fameuse réception et, comme je l'appelle, le sacre de Victor Hugo à l'Académie a eu lieu. C'a été lourd, de sa part, et tout simplement ennuyeux. « Vous avez fait, monsieur, un bien grand discours pour une bien petite assemblée », lui a dit avec son ironie sentencieuse M. Royer-Collard. Hugo a pris cela pour un compliment : il n'a pas de tact, et, comme me le disait M. Molé, son discours manque tout à fait d'esprit. Il n'avait pas la mesure ni de cette coupole ni de cet amphithéâtre de société ; son discours était un discours cyclopéen, bon à beugler au Colisée sous Domitien, de la rhétorique à triple carat, une suite de gros morceaux sans lien, sans transition. Tout cela pourtant était profondément calculé dans son esprit ; mais, n'ayant pas la même mesure que les autres, il manque son effet. C'est comme au théâtre. Hugo croit les hommes et le monde plus bêtes en vérité qu'ils ne le sont. Le monde est malin. Lui, le jeune et illustre Caliban, il y est pris, il le sera toujours. Son orgueil lui bouche la fenêtre. Les Girardin le flattent, l'exaltent, l'accaparent : cela me fait l'effet d'une pêche à la baleine ; ils le pêcheront.
Hugo a du grossier et du naïf (je l'ai dit souvent, et je le redis ici d'après une personne qui le connaît encore mieux que moi). Juliette vieillie le garde par ses flatteries basses auxquelles il est pris. L'acteur Frédérick l'avait dit dès le premier jour : « Elle le prendra en lui disant : Tu es grand ! Et elle le gardera en lui disant : Tu es beau ! Il y va chaque jour parce qu'il a besoin de s'entendre dire : Tu rayonnes, et elle le lui dit. Elle le lui écrit jusque dans ses comptes de cuisine qu'elle lui soumet (car avec cela il est ladre), » et elle prend note ainsi : « Reçu de mon trop chéri..., reçu de mon roi..., de mon ange, de mon beau Victor, etc. tant pour le marché, — tant pour le blanchissage — quinze sous qui ont passé par ses belles mains, etc. »
Hugo n'est pas de la race des hommes, il est né des dents du dragon. Cousin me le disait ce matin : — « Il faut que Hugo entre à l'Académie et que ça finisse : cela devient ennuyeux. Plus je le pratique et plus je m'en aperçois : quel animal ! » — « Oh ! repris-je, l'écaille est fameuse, elle est bien luisante, mais elle n'est pas commode. » — « Oh ! s'écria-t-il en riant, il est caparaçonné de pied en cap ! Quel cuirassier ! » — « Quel crocodile, quelle carapace ! » — Et de rire.
Hugo enfin veut être de l'Académie ; il s'en occupe, il vous en entretient gravement, il s'y appesantit durant des heures, il vous reconduit par distraction du boulevard Saint-Antoine à la Madeleine, à minuit, tout en vous en parlant. Dès que Hugo tient une idée, toutes ses forces s'y portent en masse et s'y concentrent ; et l'on entend arriver du plus loin sa grosse cavalerie d'esprit, artillerie et train, et métaphores.
Si l'on se mettait à se dire tout haut les vérités, la société ne tiendrait pas un seul instant ; elle croulerait de fond en comble avec un épouvantable fracas comme le temple des Philistins sous les bras de Samson, comme ces galeries souterraines des mines ou ces passages périlleux des montagnes où il ne faut pas élever la voix sous peine d'avalanches.
L'article de Cousin sur les femmes du dix-septième a eu grand succès ; c'est plein de talent d'expression, de vivacité et de traits ; pourtant, c'est choquant pour qui a du goût (mais si peu en ont !) ; il traite ces femmes comme il ferait les élèves dans un cours de philosophie ; il les régente, il les range ; toi d'abord, toi ensuite ; Jacqueline par ici, la Palatine par là ; il les classe, il les clique, il les claque ; il leur déclare comme faveur suprême qu'il les admet. Tout cela manque de délicatesse. Quand on parle des femmes, il me semble que ce n'est point là la véritable question à se faire et qu'il serait mieux de se demander tout bas, non pas si on daignera les accueillir, mais si elles vous auraient accueilli.
CHAPITRES :
0:00 - Titre
R :
0:06 - RÉFLEXION - Jean Cocteau
0:14 - REMARIAGE - Armand Salacrou
0:28 - REMORDS - Pierre Reverdy
0:39 - REPOS - André Prévost
0:50 - RÉVOLUTION - Maurice Chapelan
1:06 - RICHESSE - Félicité de Lamennais
1:18 - RIDICULE - Jules Noriac
1:32 - RIRE - Jean de la Bruyère
S :
1:42 - S'AIMER - Henri Duvernois
1:52 - SAGESSE - Frédéric II
2:04 - SAVOIR-VIVRE - Saint-Évremond
2:15 - SCEPTICISME - Louis-Désiré Véron
2:24 - SE COMPRENDRE - Romain Coolus
2:34 - SE TAIRE - Comte de Voisenon
2:45 - SE TUER - Théophile Gautier
2:56 - SINGE - Jean-Baptiste Say
3:08 - SOLITUDE - Maurice Toesca
3:18 - SUICIDE - Alexandre Dumas fils
T :
3:29 - TEMPS - Jean Martet
3:41 - TÊTE - Yves Constantin
3:54 - TOMBE - Xavier Forneret
4:04 - TRAVAIL - Jules Renard
4:19 - TROMPERIE - Sainte-Beuve
V :
4:30 - VALEUR - Marivaux
4:40 - VÉRITÉ - Louise d'Épinay
4:51 - VERTU DES FEMMES - Ninon de Lenclos
4:59 - VIE - Louis Aragon
5:10 - VIE ET MORT - Rastignac
5:22 - VIEILLE FEMME - Charles de Talleyrand-Périgord
5:35 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE :
Jean Delacour, Tout l'esprit français, Paris, Albin Michel, 1974.
IMAGES D'ILLUSTRATION :
Jean Cocteau : https://filmforum.org/film/jean-cocteaus-orphic-trilogy-testament-of-orpheus
Armand Salacrou : https://lotincorp.biz/creation-affiches-publicitaires-etats-des-lieux-ville-douala-1/
Pierre Reverdy : https://lamediathequepatrimoine.files.wordpress.com/2022/09/p5-pr-jeune.jpg
Maurice Chapelan : https://www.cambridgescholars.com/news/item/book-in-focus-the-poems-and-aphorisms-of-maurice-chapelan
Félicité de Lamennais : https://en.muzeo.com/art-print/felicite-robert-de-lamennais-ecrivain/ary-scheffer
Jules Noriac : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jules_Noriac#/media/Fichier:Jules_Noriac_Nadar.jpg
Jean de la Bruyère : https://www.ecured.cu/Jean_de_La_Bruyére#/media/File:Bruyere.jpg
Henri Duvernois : https://www.delcampe.net/en_GB/collectables/programs/theatre-des-nouveautes-paris-la-guitare-et-le-jazz-de-henri-duvernois-et-robert-dieudonne-1928-1929-1034826850.html
Frédéric II : https://www.calendarz.com/fr/on-this-day/november/18/frederick-ii-of-prussia
Saint-Évremond : https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_de_Saint-Évremond#/media/Fichier:Charles_de_Marquetel_de_Saint-Evremond_by_Jacques_Parmentier.jpg
Louis-Désiré Véron : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis-Désiré_Véron#/media/Fichier:Louis_Véron_-_engraving_-_Mirecourt_1855-_Google_Books.jpg
Romain Coolus : https://picclick.fr/Portrait-Romain-Coolus-René-Max-Weill-Scénariste-Cinéma-225296515824.html#&gid=1&pid=1
Comte de Voisenon : https://www.abebooks.fr/art-affiches/Claude-Henry-Fusée-Voisenon
+ Lire la suite