Mark Salzman fasciné par la Chine, y débarque en 1982 à l'âge de 23 ans pour enseigner l'anglais à l'université de médecine de Hunan près de Changsha, mais aussi pour approfondir ses passions que sont le wushu (art martial) et la calligraphie. Il y restera 2 ans. C'est son parcours et son vécu qu'il nous relate.
Un américain dans la Chine centre-sud des années 80, ce n'est pas si fréquent. Si peu courant que certains Chinois n'auraient pas plus été surpris si les extraterrestres avaient débarqué. Si en plus cet américain parle mandarin et cantonnais, cela prend des allures de « freak show », à l'image de ces monstres de foire qu'on exhibe sur la place publique! Bon, j'exagère peut être un peu, juste un peu. Mais il ne faut pas oublier qu'en 1982 la Chine vient à peine d'ouvrir ses frontières aux occidentaux, et à ses nouveaux amis les américains. La plupart des Chinois n'ont jamais rencontré d'occidentaux. Et l'endoctrinement de la dictature communiste, comme la méfiance des pays occidentaux, flottent encore dans l'atmosphère. Pas de méprise pour autant, ce livre ne traite absolument pas du contexte "historico-politico- économique" de l'époque. de quoi parle t il donc alors ?
Il y a un peu du carnet de voyage et du récit d'apprentissage dans ce livre, mais c'est surtout un magnifique album de rencontres que l'auteur dépeint. La trame du récit est d'ailleurs articulée autour de ces rencontres. de belles rencontres, parfois inattendues et surprenantes, parfois désopilantes mais toujours touchantes et authentiques. Ecrit avec énormément d'humour et beaucoup de tendresse, cette Chine aux mille et un visages, à l'image du fer et de la soie (?), met en évidence la fracture culturelle entre les 2 continents et la difficulté d'adaptation de l'auteur/narrateur à certaines coutumes, mais elle révèle aussi un peuple accueillant, franc, curieux et pourtant plein de pudeur; un peuple fier de ses traditions ancestrales, qui se met en quatre pour accueillir cet étranger comme un invité de marque et l'intégrer à son mode de vie, qui lui présente les « maîtres » de talent disposés à en faire son disciple et à lui enseigner leur art.
J'ai passé un agréable moment de détente à déambuler dans cette galerie de portraits croqués avec beaucoup de tendresse et d'affection. Une lecture légère et rafraichissante (bien que la publication de ce livre date de 1986!), ponctuée de situations cocasses, qui nous replonge dans la Chine des années 80, vue à travers le regard d'un jeune américain passionné par les arts Chinois.
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Un roman qui se feuillette chapitre par chapitre, ouvrant à chaque fois avec modestie et curiosité, une petite fenêtre sur la Chine des années 80. L'occasion aussi pour les amateurs de wushu d'avoir un aperçu de la vie de grands maîtres. Un livre très agréable et qui donne envie de voyager.
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Je n'étais pas vraiment d'humeur à rire. Il s'en est rendu compte et m'a pris le bras :
-Allez ne t'en fais pas pour ça. Tu connais l'histoire du vieil homme et du cheval ? C'est une histoire chinoise très célèbre qu'on apprend quand on est petit. Un jour, le cheval d'un vieil homme s'échappe de chez lui. Ses amis sont tous là à lui dire qu'ils sont désolés, mais le vieil homme leur répond : "Je ne m'en fais pas. On ne sait jamais ce qui peut arriver." Et voilà que quelques jours après le cheval revient à la tête d'un véritable troupeau de chevaux sauvages. Tout le monde félicite le vieil homme pour sa chance, mais lui il se contente de dire : "On ne sait jamais ce qui peut arriver", et il n'en fait pas toute une affaire. Et voici que son fils unique a un accident en dressant l'un des chevaux et qu'il se retrouve estropié. Tous les amis viennent dire au vieil homme combien ils sont désolés de cette triste nouvelle, mais le vieil homme dit : "On ne sait jamais ce qui peut arriver." Peu de temps après, l'armée vient faire un tour dans le village pour recruter des jeunes garçons en bonne santé pour une campagne militaire à la frontière. Et, bien sûr, on dispense le fils du vieil homme à cause de ses blessures. C'est comme ça qu'on voit les choses, en Chine. Sincèrement, j'ai l'impression que vous, les étrangers, vous vous faîtes tout un monde de petits riens.
Il a fait démarrer le moteur, a posé sa grosse main sur le Klaxon .et l'a actionné un bon coup histoire de l'échauffer ; après quoi, il s'est élancé à pleine vitesse à travers les rues bondées. Ce n'était qu'embardées et coups de freins violents pour éviter les piétons qui se précipitaient sur la chaussée sans faire attention, les essaims de cyclistes qui roulaient en plein milieu de la rue, sans compter les camions, les jeeps. d'énormes autobus qui penchaient dans les tournants (...) Pas une fois durant ce supplice le Klaxon n'a cessé de fonctionner ni d'ailleurs celui des autres véhicules, ce qui fait qu'ils étaient tous parfaitement inefficaces. J'ai demandé au camarade Hu pourquoi le chauffeur s'acharnait ainsi sur son Klaxon et il a répondu, sans la moindre ironie: " Sécurité routière. "
- Mark, tu ris beaucoup quand tu fais tes cours. Pourquoi ?
- Parce que je m'amuse, professeur Wei.
- je vois. Tache de rire moins. C'est un peu incongru de voir quelqu'un rire si fort à ses propres blagues. Les gens pensent que tu es un peu dérangé, ou que tu es en train de t'étrangler.
- Professeur Wei, est-ce mal de rire ?
- Non, pas du tout. En fait c'est très bon pour la santé. En chinois il y a un proverbe qui dit: " Celui qui rit vivra longtemps. " Mais il ne faut pas rire trop sinon on a des maux d'estomac.
Il faut être honnête, je préférais les moments où il m’enseignait le wushu à ceux où il m’enseignait la façon dont je devais lui enseigner l’anglais.
Interview (1990) de Mark Salzman - auteur de Iron & Silk (Le fer et la soie) (en anglais)