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EAN : 9782020364324
480 pages
Seuil (22/10/1998)
4.08/5   70 notes
Résumé :
Ricardo Reis est l'un des hétéronymes du grand poète portugais Fernando Pessoa.
Créature imaginaire, qui pourtant s'inscrit dans la réalité en signant une œuvre poétique importante, il devient, sous la plume de José Saramago, le personnage central d'une fiction romanesque. Dans une Lisbonne changeante, que les reflets du Tage font parfois paraître comme irréelle, Ricardo Reis poursuit une quête d'identité où se mêlent le vrai et le faux ; les morts côtoient l... >Voir plus
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N°1578 - Août 2021

L'année de la mort de Ricardo ReisJosé Saramago – Éditions du Seuil.
Traduit du portugais par Claude Pages.

L'oeuvre de Fernando Pessoa (1887-1935) qui est assurément l'écrivain portugais le plus célèbre, est originale a plus d'un titre et notamment parce qu'il a attribué ses propres écrits à des personnages fictifs, les hétéronymes, qui, à la fois lui ressemblaient partiellement mais étaient différents entre eux. Il s'agit d'un groupe d'écrivains imaginaires auxquels le poète portugais a non seulement donné une vie littéraire mais à qui il a insufflé une personnalité et un destin propres. Ricardo Reis est l'un de ces hétéronymes, médecin de son état, 48 ans (soit un de plus que Pessoa), il est aussi le poète de la fuite du temps, un « épicurien triste ». Il revient du Brésil en décembre 1935, averti par Alvaro de Campos, un autre hétéronyme, soit un mois après la mort de Pessoa, après un exil de 16 années pour raisons politiques. Il évoque sa mémoire et son oeuvre poétique, cite d'autres hétéronymes, Alvaro de Campos, Careiro et le poète portugais Camões, lit les journaux, arpente la ville. Il se domicile à l'hôtel Bragança où il mène une vie une vie solitaire, entame une liaison ordinaire avec Lidia puis un autre beaucoup plus romantique avec Marcenda, c'est à dire est en quelque sorte fidèle à son personnage, bref, une sorte d'anti-héros. Plus tard il prendra un appartement ce qui changera quelque peu sa vie. Il regarde le spectacle de l'Europe après sa longue absence, fait l'objet de filatures policières, rencontre le fantôme de Pessoa et devise avec lui de l'actualité d'alors, de la dictature de Salazar, de la montée des périls fascistes, de la guerre qui se déroule en Espagne et surtout de la ville de Lisbonne qu'il arpente sur les traces de l'écrivain dont l'ombre semble l'accompagner dans une cité labyrinthique, comme Virgile accompagne Dante aux Enfers… En réalité cette intrigue selon Saramago est assez simple, répétitive et peut-être considérée comme ennuyeuse. J'y vois, pour ma part, une certaine manière de traduire « la saudade », cette forme de nostalgie qui fait partie de l'âme portugaise.
Reis est la créature de Pessoa et le fait que Saramago s'en empare n'est pas sans créer une certaine ambiguïté. En effet un personnage fictif ne vit qu'autant que son auteur le décide. Ici Pessoa est mort alors que Reis est encore « en vie » et Saramago se l'approprie. Il joue de ces deux non-existences, celle de Pessoa, dont le nom signifie personne, et qui passa la sienne dans un quasi anonymat et celle de Reis qui se retrouve « abandonné » et qui devient ainsi un personnage de Saramago. Il prend le contre-pied de cette lusitanité en ce sens que les Portugais sont un peuple de voyageurs qui quittent leur pays sans y revenir (mythe du « sébastianisme ») mais Reis revient par la mer, dans son pays pour y mourir. Cette appropriation peut être regardée comme un mensonge en ce sens que, pour Saramago, Reis n'est pas qualifié à proprement parlé d'hétéronyme mais il devient un personnage qui va vivre sa vie pendant près de neuf mois dans le cadre de cette fiction, sous la plume de Saramago.
Ce roman est donc une fiction dans la fiction, une sorte de mise en abyme, avec jeux de miroirs ou trompe l'oeil, un peu comme on pouvait le voir dans les anciens compartiments de chemin de fer où des glaces disposées en face l'une de l'autre produisaient une image multipliée à l'infini. Saramago, auteur majeur de la littérature contemporaine, couronné par le Prix Nobel en 1998, reste fidèle à son style à la fois simple et énigmatique , labyrinthique parfois et dont l'architecture peut instiller une ambiance assez lourde par moment. Ricardo Reis est, avec Alberto Caeiro, Alvaro de Campos et Bernardo Soares un des principaux hétéronymes de Pessoa (En réalité ils sont bien plus nombreux, on en dénombre un peu plus de 70, chacun avec sa propre personnalité). Saramago se l'approprie tout en précisant ce qui, selon lui faisait la philosophie et la vie de son sujet. Il lui fait arpenter les rues de Lisbonne ainsi que le faisait Pessoa lui-même et c'est aussi un hommage au poète de « Mensagem », à juste titre célébré comme un des plus grands écrivains portugais.
On peut se demander pourquoi Saramago a voulu ainsi faire revivre un personnage fictif ? Etait-ce pour prendre la place de Pessoa et donner à Reis une fin comme Pessoa l'a fait pour les autres hétéronymes?(Alberto Caeiro est mort en 1915 à 26 ans, Alvaro de Campos est mort en 1935 à 45 ans ) Peut-être ? Saramago nous le dépeint comme un homme désabusé, bien seul et dénué de tout sentiment, surtout après son voyage avorté à Fatima et qui songe soit à repartir pour le Brésil soit à s'installer comme médecin à Lisbonne. Marcenda qui est repartie pour Coimbra lui a en quelque sorte échappé, seule Lidia reste à ses côtés mais il regrette Marcenda qui était une jeune fille de bonne famille alors que Lidia n'est qu'une domestique quasiment analphabète. L'ennui est que cette dernière est enceinte mais il ne l'épousera pas et ne reconnaîtra même pas son enfant. le fantôme de Pessoa, et peut-être Saramago avec lui, fustige cette attitude avant de disparaître définitivement. Veut-il ainsi montrer le vrai visage de Reis, un lâche qui refuse de prendre ses responsabilités, comme il n'a pas voulu soutenir Lidia face à la mort de son frère? Il nous rappelle que les hommes ne sont rien, surtout au moment du début de l'insurrection franquiste dans l'Espagne voisine et un commencement de mutinerie à Lisbonne .Saramago veut-il par le biais de cette fiction s'inscrire dans la lignée des grands écrivains portugais Camões (souvent cité et dont il pastiche un vers à la fin) et Pessoa ? Pourquoi pas, après tout il est lui-même prix Nobel de littérature et a honoré les lettres portugaises.

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Les habitués de José Saramago ne seront pas dépaysés : on retrouve avec "L'année de la mort de Ricardo Reis" cette écriture torrentielle qui le caractérise, ce flux quasi continu qui vous laisse à peine respirer entre deux paragraphes. Je l'ai pourtant trouvé différent des deux autres de ses titres que j'ai lus, par sa limpidité, et une fluidité qui nous accroche rapidement à ce texte qui est par ailleurs d'une beauté à la fois simple, riche et poétique. Un texte énigmatique aussi, que l'on parcourt avec à l'esprit une omniprésente question : qui est Ricardo Reis ?

Après avoir vécu seize ans au Brésil, le héros, qui se définit lui-même comme docteur et poète, rentre au Portugal. Il s'installe à Lisbonne, dans un premier temps à l'hôtel Bragança, dans une chambre avec vue sur le Tage. Ses journées sont ponctuées de longues ballades dans une Lisbonne constamment pluvieuse, et certaines de ses nuits par la liaison qu'il entretient avec Lidia, une femme de chambre. Il noue également des rapports sporadiques avec une jeune infirme de Coimbra, qui vient chaque mois dans la capitale portugaise pour y subir un traitement sans espoir.

Le lecteur accompagne au plus près, tout au long du récit, ce personnage, témoin de presque chacun de ses actes comme de ses réflexions, tout en ayant l'impression, paradoxalement, qu'une distance est constamment maintenue entre lui et nous. Distance qui tient peut-être en partie à l'emploi de la troisième personne... mais qui à mon sens est surtout due à la personnalité de Ricardo Reis. On l'approche, tout en réalisant rapidement que le connaître est une illusion, et ce pour une raison évidente, c'est que lui-même fait preuve d'indécision, d'approximation concernant sa propre personne, ses motivations, ou ses projets. Il se définit comme "multiple", abritant en lui de nombreux personnages, et on le sent pourtant terriblement seul, en quelque sorte désincarné, et distancié de toute émotion.

Les raisons même de son retour au pays lui sont obscures. Est-ce la mort de son ami Fernando Pessoa, dont le fantôme lui rend de temps en temps visite, le temps d'une conversation qui se termine parfois de manière un peu houleuse, qui l'a motivé ?

La découverte, à l'issue de ma lecture, de la quatrième de couverture, m'a un peu éclairée quant au mystère que constitue Ricardo Reis, qui était, comme je l'ai alors appris, l'un des hétéronymes de Fernando Pessoa. En navigant sur internet, je suis ensuite tombée sur une interview donné par l'auteur lors de la sortie de ce titre, dans laquelle il explique qu'il a par son intermédiaire réglé ses comptes avec Ricardo Reis, avec lequel il fit connaissance à son adolescence, et qui a toujours suscité en lui des sentiments contradictoires. Bien qu'admirateur de sa rigueur et de son style, il a toujours été irrité par son attitude devant la vie, son absence d'engagement et d'implication dans les questions sociétales, résumée par l'une de ses citations : "Le sage, c'est celui qui se contente du spectacle du monde".

Et il est vrai que ce détachement vis-à-vis des événements qui l'entourent caractérise fortement le personnage créé par José Saramago. Nous sommes informés en même temps que lui, lors de sa lecture journalière des journaux, des bouleversements qui secouent l'Europe en cette fin des années 30 : montée du nazisme en Allemagne, du fascisme en Italie, guerre civile en Espagne..., actualités macabres qui n'éveillent a priori guère d'écho chez Ricardo, qui semble trop centré sur lui-même pour s'intéresser à la marche du monde. Et pourtant, cette intrusion récurrente de la violence dans son quotidien, associée à la vacuité qui semble avoir envahi sa vie, et à son incapacité à lui trouver un sens, finissent par le plomber d'une infinie fatigue...

Je crois que ce billet est complètement décousu... ! En bref, "L'année de la mort de Ricardo Reis" est un très beau roman, dont je n'ai sans doute pas compris toutes les subtilités (il comporterait de nombreuses références à l'oeuvre de Fernando Pessoa, dont je suis à ce jour complètement ignorante), mais peu importe, cette lecture fut un véritable plaisir !
Lien : http://bookin-inganmic.blogs..
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"Roman étourdissant" promet la quatrième de couverture. Roman touffu en tout cas. le lecteur est censé osciller entre rêve et réalité, tout ça parce que le personnage central du livre est Ricardo Reis, pseudonyme du grand auteur portugais Pessoa. Mais la vie et l'oeuvre de Pessoa sont en elles-mêmes des rêveries identitaires assez incroyables. Isoler un des avatars que celui-ci avait créé pour en raconter la disparition ne m'a paru ni "étourdissant", ni novateur, ni particulièrement intéressant. À moins que ce roman ne soit la critique d'une certaine littérature, confite dans ses recherches formelles et complètement hors propos dès lors que fascisme et nazisme déferlent sur l'Europe. Auquel cas ce livre serait un enterrement de première classe pour Pessoa, réduit à l'insignifiance, traité comme un personnage de Nathalie Sarraute. Mais pour que je sache si mon hypothèse tient la route, il faudrait que je sois moins ignare en littérature lusitanienne; et comme je ne vais pas combler cette lacune, il ne me restera de cette lecture qu'un vague sentiment d'imposture et d'ennui.
Édit: je viens de lire une interview de Saramago qui parle effectivement de règlement de compte. Mais cela ne transparaît absolument pas dans la manière dont ce livre est vendu au lecteur français. Je l'aurais sans doute davantage apprécié si j'avais su à quoi m'en tenir avant de le lire.
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Ricardo Reis, hétéronyme de Fernando Pessoa (soit un double littéraire de l'écrivain), débarque du Brésil à Lisbonne deux mois après la mort de son créateur. Médecin de profession, il s'installe d'abord à l'hôtel et sa première visite sera pour la tombe du poète lusitanien. Celui-ci viendra au fur et à mesure du séjour de Reis lui rendre des visites impromptues. Car l'homme commence à s'installer dans la capitale portugaise : après trois mois passés à l'hôtel, il emménage dans un appartement, commence à exercer. Il trouve en Lidia, la femme de chambre de l'hôtel une amante idéale : aimante, dévouée pour le ménage et ne demandant rien en échange ! Ce qui n'empêche pas le bonhomme d'avoir des vues sur une jeune fille, Marcenda, handicapée du bras gauche, mais venant d'un milieu social plus proche du sien. Il ne faut pas mélanger les linges et les serviettes, quand même ! Durant ces neufs mois, l'homme observe, attend (il ne sait quoi), consulte l'actualité (nous sommes en 1935/36, période de nombreux bouleversements), mais refuse tout engagement. le style de José Saramago est particulier : des phrases au long cours, une ponctuation où les virgules font office de respiration à la place de tout autre signe typographique, un narrateur n'hésitant pas à interpeler le lecteur, multipliant les circonvolutions et autres digressions, souvent avec humour. Mais contrairement à d'autres de ses romans, sa lecture m'est vite apparue difficile, voire laborieuse : lent de rythme (finalement le personnage ne fait pas grand-chose), les références culturelles portugaises peu abordables. Et puis, à vrai dire, Pessoa ne m'intéresse pas vraiment. Finalement, mieux vaut lire "L'aveuglement" ou "Le Dieu manchot".
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Premier livre de Saramago que je lis, et une bien étrange expérience. La découverte totale d'un style d'ecriture auquel je ne m'attendais pas, des descriptions magnifiques teintées de schizophrenie, une redécouverte de Lisbonne pour moi. Ce roman étrange m'a définitivement donné l'envie d'en apprendre plus sur l'histoire du Portugal, mais surtout sur Pessoa dont je ne connais que le nom. Une erreur à réparer bientôt et qui me permettra sans doute d'aprehender ce livre sur d'autres niveaux.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Il n’y a pas de repos dans le monde, ni pour les morts ni pour les vivants. Alors où est la différence entre les uns et les autres. Il n’y en a qu’une, les vivants ont encore le temps de dire le mot, de faire le geste, mais ce temps leur est compté. Quel geste, quel mot. Je ne sais pas, on meurt de ne pas l’avoir dit, on meurt de ne pas l’avoir fait, c’est de ça qu’on meurt, pas de maladie, et c’est pour ça qu’un mort a tant de mal à accepter sa mort.
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Un peu plus loin, il a cessé de pleuvoir, il pleuvait, il ne pleut plus, il y a une clarté blême derrière Luis de Camoes, un halo, et voyez ce qu'il en est des mots, celui-ci signifie aussi bien pluie que nuage ou cercle de lumière, et le poète n'étant ni Dieu ni saint, la pluie ayant cessé, les nuages simplement s'espacent, inutile d'imaginer des miracles d'Ourique ou de Fatima, ni même ce miracle pourtant bien simple qu'est un ciel bleu. (page 40)
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Ce n'est finalement qu'un vulgaire roman policier, une banale histoire d'assassinat et d'enquête, le criminel, la victime, ou l'inverse, la victime préexistant au criminel, le détective enfin, tous trois complices de la mort, et force est de reconnaître que le seul survivant authentique de cette histoire est le lecteur lui-même, d'ailleurs c'est toujours comme unique survivant véritable que chaque lecteur lit chaque histoire. (page 29)
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Les aveugles ne sont pas seuls à avoir besoin d'une canne pour tâter le terrain devant eux ou d'un chien pour flairer les dangers, même un homme dont la vue est bonne a besoin d'une lumière qui le précède, d'une conviction, d'une aspiration, ou, faute de mieux, d'un doute. (page 104)
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Le temps n'est guère propice à la philosophie, on se gèle les pieds, un policier s'est arrêté, hésite et observe, le contemplateur des ondes n'a pas l'air d'un vaurien ni d'un vagabond, peut-être veut-il se jeter à l'eau, se noyer, et à l'idée des tracas que ce geste va lui occasionner, donner l'alarme, repêcher le cadavre, rédiger le constat, le représentant de l'autorité s'approche, ignorant encore ce qu'il va dire, dans l'espoir que son arrivée suffira à dissuader le candidat au suicide, et arrêtera le geste insensé.
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Charlotte Ortiz, traductrice de "Traité sur les choses de la Chine" de Frei Gaspar da Cruz (ouvrage à paraître) nous fait le plaisir de nous parler de deux livres importants pour elle. "L'aveuglement" de José Saramago, roman parlant d'une pandémie ... elle vous en dira plus et, "Européens et japonais, traité sur les contradictions et les différences de moeurs" de Luís Froís où il est question, entre autres, de genre, de cuisine et de belles perspectives ;) !
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