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Pierre Léglise-Costa (Traducteur)Geneviève Leibrich (Traducteur)
EAN : 9782864242871
604 pages
Editions Métailié (01/10/1998)
4.1/5   15 notes
Résumé :
Au cours d’un banquet de bataillon, quatre hommes se retrouvent dix ans après les guerres menées en Afrique sous la dictature de Salazar. Défilent les images de leur passé… Leurs vies s’enchevêtrent, marquées par le cauchemar initial de la guerre coloniale et par les naufrages qu’elle a provoqués. La nuit culminera dans le meurtre.
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Avec ce livre, Lobo Antunes invente, ou développe, le « Sordide-Merveilleux », style littéraire dense et éprouvant…
C'est une vraie épreuve que ce livre, tant l'on y croise une langue ébouriffante de beauté, hypnotisante quand il s'agit de décrire les bas-fonds de Lisbonne et des consciences humaines.

Mais l'épreuve tourne au supplice vu la longueur, la pagination universitaire à tendance économe ( y aurait-il un syndrome portugais à ce sujet ? Ou bien Saramago et lui-même ont le même éditeur ? ), et la structure du récit tellement éclatée que cela en devient risible…
L'auteur peut-il seulement se foutre de nous… ?
Plus sérieusement, il en émane une volonté de brouiller totalement ces histoires humaines avec celle du Portugal, comme si chaque individu pouvait être remplacé sans dommage par un autre.

Le résumé nous parle de quatre hommes. J'ai mis longtemps a comprendre qu'ils doivent bien être cinq (un passage le confirme), si l'on compte ce capitaine à qui les autres s'adressent, marquant la première couche de cette structure de souvenirs entremêlés, dont on ne saura au final rien du tout.
C'est d'ailleurs le gros point négatif: je m'accrochais à lui comme à une forme de contre-poids, et voyais sa présence comme annonçant un possible retour de l'intrigue vers le Présent. Son grade n'est forcément pas choisi au hasard, mais il restera seul comme Oeil de Sirius.

La gêne, obligatoire, vient de ces répétitions de descriptions de lieux ou d'âmes systématiquement putrides, et du refus farouche de l'auteur d'écrire ne serait-ce qu'une ligne de dialogue suivie. L'intention semble être de décrire des individus ne pouvant communiquer entre eux, malgré les souvenirs en commun, au risque de laisser le lecteur en bord de route.

Le résumé, encore lui, placé en épigraphe, parle même de ce meurtre en fin de livre, comme promesse d'un événement particulier… En fait, le livre s'essouffle à mon sens avant cela, dès que l'évocation de cette Révolution des Oeillets s'achève, renvoyant les quelques idéaux restants à confire dans ce creuset vomissant de sperme rance, de vinasse suffocante, de putes contre-littéraires.

Reste une impression, très forte, d'avoir lu un grand auteur, allant au bout de son idée, jusqu'au dégout.
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Je dois l'avouer, ceci était vraiment une lecture difficile: plus de 600 pages d'écriture condensée, avec des changements constants de perspective, presque toujours sous la forme de monologues intérieurs, fusionnant parfois de manière trompeuse dans des perspectives à la troisième personne. Il faut un certain temps avant que vous sachiez à peu près comment Lobo Antunes a monté la composition de ce livre : lors d'une réunion quatre anciens soldats se remémorent les événements avant, pendant et après la révolution des oeillets de 1974 au Portugal.

De cette façon, ce roman ressemble un peu à un récit-cadre, même si tout est découpé de manière incroyablement ingénieuse, la ponctuation est régulièrement omise, les événements et les perspectives s'entremêlent et il y a parfois à peine un scénario à voir. Naturellement, la révolution de 1974 est la référence centrale, et elle est également largement évoquée et commentée dans les épisodes. Intrinsèquement connecté, il y a les conditions dans les colonies portugaises, surtout le Mozambique: des histoires d'exploitation, de résistance clandestine, des actions des services secrets, d'interrogatoires, de torture et de meurtre pur et simple, etc. ; tout ça forme des points de repère auxquelles le livre est accroché. Il faut dire qu'une bonne compréhension de ces éléments de l'histoire nécessite une certaine connaissance préalable de l'histoire portugaise.

Mais à la fin le message global de ce roman est que dans une existence humaine les grands cadres structurels (comme la guerre et la révolution) ont certainement une importance, mais en fin de compte ne font pas une réelle différence. Lobo Antunes fournit cette clé de lecture dès le début du livre, avec une devise empruntée à Paul Simon (du chanson ‘The Boxer'): «après changements sur changements, nous sommes plus ou moins les mêmes». Tout au long de ce roman, on a même l'impression que ce sont principalement les «affaires de femmes» qui déterminent la vie des protagonistes: mariages devenus aigres, maîtresses en succession, voire viols et relations sexuelles avec des mineures dans le Mozambique colonial. Bien sûr, c'est ce qu'on peut attendre si vous ne laissez parler que des hommes (bien que, pour ajouter à la confusion, il y ait aussi des passages dans lesquels des voix féminines émergent). Et en conséquence, le message principale est que dans la vie les gens se débrouillent, font arbitrairement certains choix (prendre parti dans la révolution, par exemple), mais que la vie n'est finalement qu'un gâchis.

J'ai le plus profond respect pour le talent d'écriture de Lobo Antunes: certains passages sont assez impressionnants. Et à sa manière il réussit à évoquer le caractère kaléidoscopique de la vie, comme Georges Perec l'a fait d'une manière très différente, beaucoup plus structurée dans «la vie, mode d'emploi». Mais en même temps, il doit être avoué que la lecture de ce roman réside principalement dans un travail intensif de faire le puzzle. C'est un énorme investissement d'énergie qui va vraiment trop loin pour moi, et qui finit par dépasser son objectif. Alors, personnellement, moi je préfère plutôt les romans de Javier Marias, qui sont aussi composés d'une chaîne de monologues intérieurs, mais qui récompense le lecteur pour ses efforts d‘une manière plus faisable.
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Lobos ne signe pas ici son chef d'oeuvre, à trouver ailleurs, mais on retrouve malgré tout sa langue indéfinissable, sombre et lumineuse, d'une poésie féroce et irrésistible. C'est certainement un peu long, un peu trop tumultueux, et j'avoue de manière coupable avoir passé en diagonale quelques longueurs mais le tout se tient et la fin vaut le détour.
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Avant, pendant et après la révolution des Oeillets, le magistral « Tout change, rien ne change » du Portugal et de la violence humaine.

Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2015/05/27/note-de-lecture-fado-alexandrino-antonio-lobo-antunes/

Lien : http://charybde2.wordpress.c..
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Et en effet, pendant quinze jours, il lut les journaux, traîna dans les cinémas, musarda dans les cafés, les yeux dans le vague, absent et funèbre, penché comme un saule au-dessus d’une tasse de café vide, ne prêtant aucune attention aux conversations, aux serveurs qui tournicotaient entre les tables, aux joueurs de billard dans le fond qui déplaçaient les marqueurs d’une queue dédaigneuse. La nuit, au lit, il feuilletait désespérément d’anciens numéros du Reader’s Digest, tandis que des éléphants en bois entraient et sortaient par la fenêtre ouverte, que des guirlandes de lumière tremblotaient au plafond, que les motos du Puits de la Mort assourdissaient le quartier de leurs accélérations calamiteuses : La PIDE avait-elle démantelé l’Organisation ? se demandait-il. Et Olavo, Emilio, le Chauve, le type trapu, à demi fou, qui voulait à tout prix poser des bombes d’un kilo au siège de la Fédération de Ping-Pong, parce qu’il ne supportait plus le bruit des balles toc toc toc toc toc toc toc sur le sol de ciment ? S’était-elle ramifiée pendant son absence en de nouveaux groupes, de nouvelles cellules, de nouveaux commandos de guérilla, ou s’était-elle au contraire réduite à quatre ou cinq étudiants véhéments et obstinés qui distribuaient des tracts, sondaient leurs collègues, écrivaient en toute hâte sur les façades, à la bombe rouge, en lettres tremblées, MORT À LA DICTATURE ? Avait-elle encore assez d’argent pour payer à ses employés leur salaire de misère, pour commander des armes en Algérie ou au Maroc, pour apporter aux prisonniers des fruits, des cigarettes, du quatre-quarts et des revues ? Le sous-lieutenant étendit un bras tentaculaire, surmontant la molle résistance des couvertures, sa bouche rencontra l’angle parfumé d’une épaule et grimpa le long d’un cou jusqu’à une oreille dans une succession de doux baisers.
– Vite, prends-moi, implora la femme d’une voix haletante, urgente.
– Essayez de boire sans tout renverser, dit la jeune fille, une main en conque autour du verre. Dans dix minutes, vous vous sentirez en super-forme, je vous le garantis.
Inès retroussa sa chemise de nuit, se mit en position, les doigts du sous-lieutenant rencontrèrent une touffe de poils doux au milieu desquels une petite grotte oblique suintait et bavait. Un bras enserra son cou, une main chercha la raie entre ses fesses, trifouilla son anus, pressa la racine tendre et gonflée de ses testicules. La lune en papier de la lampe se détachait, jaune, sur les arbres, quand il atteignit l’arrêt d’autobus en face du cinéma (un film policier complètement idiot, une américanerie débile, sans queue ni tête), un type le heurta comme par inadvertance et continua son chemin en direction de la place Estefania et de son petit jet d’eau mélancolique au milieu des maisons : émerveillé, surpris, exalté, incrédule (Est-ce lui, vraiment lui, vraiment vraiment lui ?), il reconnut le dos maigre et les petits pas brefs d’Olavo dont le pardessus élimé et gigantesque, comme toujours trop grand pour le torse minuscule, traînait à terre avec la noblesse ridicule d’un parement de prêtre.
– Finalement, ils ne m’avaient pas oublié, mon capitaine, dit l’officier des transmissions, finalement ils avaient survécu, finalement ils travaillaient, finalement l’information était arrivée du Mozambique et je continuais à être un type sûr.
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– Et c’était comment, là-bas en Afrique ? demanda la vieille qui desservait et transportait les assiettes empilées vers la cuisine. Elle se déplaçait avec difficulté, traînant la savate exactement comme la grosse chienne de la caserne quand elle s’était cassé une patte et qu’elle tanguait comme un bateau qui tressaute obliquement sur les vagues. La jeune fille leva le menton pour mieux écouter, Sérieusement, c’était fameux, répéta le sous-lieutenant devant le visage préoccupé de sa femme et au même moment leur fille se mit à pleurer dans la chambre à côté, l’oncle, les mains à plat sur la table, exigeait avec impatience son café, la chasse d’eau des voisins se déclencha avec un vacarme de ferraille brinquebalante, le soldat promena ses humbles pupilles autour de lui et les arrêta sur le globe oculaire de l’ampoule poussiéreuse suspendue au plafond par un fil tressé, sans un abat-jour pour la protéger de sa paupière. Des autres étages filtraient à travers les murs des voix distantes et étouffées, l’hélicoptère emporta vers Mueda le corps méconnaissable enroulé dans une couverture en charpie, comme un fardeau sans valeur. La jeune fille, le couteau immobile, attendait toujours. Le soldat tira de sa gorge, en une espèce de hoquet, sa voix la plus neutre possible :
– Plus ou moins comme ici, madame, dit-il.
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L’expression du soldat était devenue intime, fraternelle, visqueuse, complice, l’alcool abolissait la distance kilométrique des galons :
– Oubliez ma proposition. Dans dix ans, vu la vitesse à laquelle les gens vieillissent, aucun de nous ne tiendra plus sur ses guibolles.
– La Commission Politique du Conseil Permanent, déclara Olavo, qui s’était assis en croisant les jambes sur un affreux canapé en rotin et exhibait orgueilleusement des souliers vierges de tout cirage, a décidé que tu resterais soldat au nom des intérêts suprêmes du Prolétariat et elle t’a trouvé une place de secrétaire au Ministère des Armées. Nous devons soustraire à la guerre les camarades les plus opérationnels, nous avons besoin de révolutionnaires de confiance à l’intérieur de la machine, besoin d’oreilles grandes ouvertes et de bouches sachant chanter le moment venu.
Il contempla d’un air ravi ses souliers achetés en solde, il renoua méticuleusement un lacet défait : ce type a vraiment une âme de notaire, pensa l’officier des transmissions, il s’adresse à moi avec la suffisance hautaine d’un homme de loi remettant à plus tard des actes notariaux. Il marcha jusqu’à la fenêtre, tremblant d’irritation, il écarta les rideaux au crochet et aperçut un chien misérable et bossu qui furetait dans un sac en papier déposé au pied du buste de Cesario Verde. un monsieur en costume trois-pièces passait dignement un chiffon plein de sollicitude sur le dos d’une Austin antique constellée de gigantesques phares supplémentaires. Des types en salopette déchargeaient des réfrigérateurs d’une camionnette.
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L’officier des transmissions posa les coudes sur la nappe et oubliant son poisson, il avança vers moi la lueur douce de ses lunettes :
– Quand nous sommes arrivés, en soixante-douze, j’appartenais à l’organisation depuis cinq ans. On n’avait pas voulu que je me tire en douce ou que j’entre dans la clandestinité ou que je devienne fonctionnaire : il était important, mon capitaine, d’avoir des hommes à nous dans l’Armée, de comprendre du dedans ce qui s’y passait, d’agir à l’intérieur de la machine : nous savions que la seule possibilité d’un changement réel viendrait obligatoirement de là.
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Bon, nous allons reprendre l’histoire depuis le commencement, princesses, dit patiemment le gros en frappant avec son crayon sur son bureau, comme un chef d’orchestre qui attire l’attention de ses musiciens. Il y a dans cette affaire des dissonances qui ne me plaisent pas du tout.
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Et si pour comprendre les racines de la violence, on écoutait ceux qui traquent la violence et ceux qui s'y adonnent ? Quitte à plonger au coeur du mal…
« Mon nom est légion » d'Antonio Lobo Antunes, c'est à lire en poche chez Points.
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