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Claude Couffon (Traducteur)
EAN : 9782864242772
302 pages
Editions Métailié (30/11/-1)
3.87/5   26 notes
Résumé :
Chronique désespérément vraie d’un combat solitaire : celui que livrèrent dans les Andes centrales, entre 1950 et 1962, les hommes de quelques villages visibles seulement sur les cartes d’état-major des troupes qui les rasèrent.
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
On a peine à croire, en lisant ce superbe roman péruvien, que les héros dont il y est question aient vraiment existé. Et pourtant, Manuel Scorza (1928-1983) n'a rien inventé. « Ce livre, déclare-t-il en introduction, est la chronique désespérément vraie d'un combat solitaire : celui que livrèrent dans les Andes centrales, entre 1950 et 1962, les habitants de quelques villages visibles seulement sur les cartes d'état-major des troupes qui les rasèrent. Les acteurs, les crimes, la trahison et la grandeur y ont presque toujours leur nom véritable. »
Lutte inégale bien sûr, que celle qui oppose cette poignée d'Indiens déguenillés à la « Cerro de Pasco Corporation », puissante compagnie minière américaine qui a décidé de les chasser de leurs terres : le symbole de cette expropriation est une immense clôture qui ne cesse de croître, coupant progressivement les voies de communication et privant les communautés indiennes de leurs pâturages. On s'en doute, tout cela ne saurait se faire sans le concours des autorités, sous-préfets, magistrats et officiers venus de Lima, pour lesquels le mépris envers les Indiens des hauts plateaux « est devenu une seconde-nature. »
Pour rendre le livre plus haletant encore, cette lutte collective se double du combat singulier entre deux hommes, un paysan misérable, nommé Hector Chacón, et le juge Montenegro, propriétaire d'une immense hacienda, qui se sert de sa position pour agrandir ses terres au détriment de ses voisins...
Un roman réaliste donc, mais qui n'hésite pas, comme « Cent ans de solitude », ou « Pedro Páramo», à faire appel au mythe, à la magie et au fantastique. C'est ainsi que certains personnages sont dotés de pouvoirs surnaturels, comme Hector Chacón le Nyctalope, « capable de suivre la course d'un lézard par une nuit sans lune » ou bien encore el Abigeo, qui communique avec les animaux. Quant à la funeste clôture, elle semble animée d'une vie propre : au fil des pages, on la voit prendre des proportions monstrueuses, sans l'aide d'aucun ouvrier.
Tout cela est traversé de grands éclats de rire et raconté de manière savoureuse et imagée, dans une langue qui n'est pas sans évoquer celle de « Don Quichotte. »
Un très grand moment de lecture.
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Les faits narrés dans ce superbe roman sont la chronique d'événements survenus entre 1950 et 1962 dans les Andes, où les protagonistes ont presque tous existé et portent en majorité leur nom réel. Roulements de tambour pour Rancas est l'histoire en terre indienne du combat solitaire d'un peuple vaincu par les trahisons des autorités et par la toute puissance d'une compagnie minière.
Le massacre des populations fonde de nouveaux cimetières que Manuel Scorza évoque avec brio sur le ton d'une ballade, où le quotidien et sa banalité, ses joies et ses peines, viennent se superposer aux luttes et à la répression, où la nature côtoie les massacres et où le courage se mêle à la superstition. Scorza donne la parole à ceux qu'on n'entend jamais, dépeint leur révolte et leurs espoirs, mais aussi leur rapport à la terre et à la vie : il rend visible l'indien toujours invisible.

L'auteur a bâti ce roman comme un témoignage de l'injustice faite aux peuples indigènes et à leur culture et une dénonciation de la spoliation de leur terre et de la violence qu'ils subissent. Une oeuvre remarquable à bien des égards sur l'épopée des vaincus.
Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
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Le titre "roulements de tambours pour Rancas" est une allusion à la manière dont, en pays quechua (ici le Pérou) les cérémonies funèbres sont accompagnées de chants et de danses pour que l'esprit du défunt, dont le corps retourne à la mère mythique, la terre, puisse rejoindre l'Esprit protecteur de la communauté. C'est l'histoire, racontée par les voix, venues d'outre-tombe, des victimes de la répression contre un mouvement d'opposition, dans un village indien, à l'annexion de la terre par une compagnie minière étrangère. On peut y voir l'ambiance du village, les activités journalières et les autorités: le juge de paix, le docteur Montenegro, complice de la compagnie et responsable de la répression et le maire. Les ouvriers de la compagnie minière arrivent, posent une clôture de barbelés, ce qui constitue un acte barbare contre la terre nourricière, la Pachamama, et les hommes du village résistent.
C'est la chronique d'une lutte. La répression ( el escarmiento) va être féroce et la résistance sera une question de survie dans la dignité.
Un sujet d'actualité remarquablement bien traité. Une vision très intéressante du monde indien vu de l'intérieur, l'auteur étant d'origine quechua.
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ROULEMENTS DE TAMBOUR POUR RANCAS
GARAMOMBO L' INVISIBLE
LE CAVALIER INSOMNIAQUE
LE CHANT D' AGAPITO ROBLES
LA TOMBE DE L' ÉCLAIR
De MANUEL SCORZA
Pentalogie monumentale écrite dans les années 70 par Manuel Scorza.
C'est l'histoire des paysans et des mineurs de l' altiplano andin, l'histoire de leur lutte contre un pouvoir central issu de la décolonisation espagnole avec ses énormes latifundia et l'arrivée des compagnies américaines pour l'exploitation des minerais. L'augmentation régulière de la population sur des terres à production limitée va pousser une grande partie de la paysannerie à s'engager dans les mines qui elles mêmes fermeront suite à des surproductions générant une pauvreté accrue. Mais Scorza, s'il parle de cette longue suite de malheurs, le fait dans ce réalisme magique dont il est un des grands écrivains. Certains héros traversent les siècles pour conserver les preuves de propriétés des paysans lésés par les grands propriétaires dans les années 1700, d'autres peuvent passer les lignes ennemies car ils sont invisibles, c'est l'exaltation de quelques personnages mythiques, une aveugle payée pour faire des ponchos qui racontent la passé et dont on découvre en les étudiant qu'ils montrent l'avenir. Ce sont les massacres perpétués par la garde civile ou les hommes de main des latifundia, les géomètres chargés de faire des relevés cadastraux pour justifier les revendications et qui se feront lâchement acheter. Scorza remonte le temps et les malheurs de ces indigènes pauvres, incapables de se structurer, manquant d'armes pour se battre et se faisant manipuler par des politiques dont les objectifs correspondent rarement aux leurs.
Superbe fresque, pas toujours facile à suivre avec ce style si particulier. Chaque livre est indépendant, vous pouvez n'en lire qu'un seul et vous aurez déjà une bonne idée de la tonalité de cette oeuvre qui a presque pris tout le temps de vie de Scorza mort à 55 ans dans un accident d'avion. D'ailleurs il apparaît directement dans le dernier livre puisqu'il était très engagé politiquement dans cette lutte.
J'avais lu les 2 premiers tomes dans les années 75/80 et je viens juste de terminer les 3 derniers volumes de cette épopée qui rend un vibrant hommage à ces hommes des hauts plateaux.
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L'humour ici n'est pas un simple effet de style. Il participe pleinement au drame qui en acquiert une force extraordinaire. Jamais histoire tragique ne fut racontée avec autant d'esprit et de drôlerie, et pourtant le sort de ces simples communeros nous émeut jusqu'au plus profond de notre âme. Il en est ainsi des grands livres : ils nous bouleversent à jamais...
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Ce fut au tour de Fortunato de parler :
- Pourquoi vous êtes là, mon lieutenant ?
- On a un ordre d'expulsion. Vous avez envahi la propriété d'autrui. On a ordre de vous expulser. Vous dégagez ! Vous dégagez tout de suite !
- On ne peut pas la quitter cette terre, mon lieutenant. On est d'ici. On n'a rien envahi du tout. C'est les autres qui nous envahissent…
- Vous avez dix minutes pour vous en aller.
L'uniforme se tourna vers la rangée de soldats grisâtres.
- Les envahisseurs, c'est la « Cerro de Pasco », mon lieutenant. Les Ricains mettent des clôtures autour de nos terres et nous chassent comme des rats. La terre n'est pas à eux. La terre est à Dieu. Je sais très bien ce que raconte la « Cerro ». Parce que c'est les Américains peut-être qui ont amené la terre dans leur besace ?
- Plus que neuf minutes.
L'escadron de Gardes républicains convergeait vers la Porte Saint André.
- Dans le coin, on n'avait jamais vu de clôtures, mon lieutenant. Nous autres, on n'avait aucune idée de ce que c'était qu'un mur. Depuis l'époque de nos grands-parents, et même avant eux, la terre était à tout le monde. On n'avais jamais vu de barbelés, ni de clôtures, ni de cadenas avant qu'arrivent ces Ricains de merde. C'est eux qui ont introduit les cadenas. Et pas que les cadenas. Ils…
- Plus que cinq minutes...
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Tous les ans, le jour anniversaire de la République du Pérou, fondée par les armes dans cette pampa, les élèves du collège Daniel A. Carrion organisent des excursions. C'est une date attendue par les commerçants. Des hordes de lycéens souillent le village, et épuisent les stocks de biscuits et de bouteilles de Kola Ambina. L'après-midi, les professeurs leur récitent la proclamation gravée en lettres de bronze sur le mur verdâtre de la mairie: c'est la harangue que Bolivar, le Libertador, prononça ici quelques heures avant la bataille de Junin, le 2 août 1824. Les potaches, abrutis, écoutent la proclamation, puis tout le monde repart. Et Roncas se recroqueville pour un an dans sa solitude.
Roncas a toujours été un village sans histoire. Ou plutôt, Rancas avait toujours été un village sans histoire jusqu'au jour où un train s'y arrêta.
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Video de Manuel Scorza (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Manuel Scorza
Solenne de l'Imagigraphe présente Roulements de tambour pour Rancas de Manuel Scorza - Source : Libraires TV
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