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EAN : 9782352701996
258 pages
Non Lieu (01/02/2015)
4/5   1 notes
Résumé :
Notre revue vise à montrer que la Seine et le Danube sont proches, et pas seulement leurs sources. En dépit de la diversité linguistique, la littérature européenne a des origines communes, qu'elles soient grecques, latines ou judéo-chrétiennes. Le soi-disant communisme n'a jamais réussi à provoquer une division irréversible entre l'Ouest et l'Est. Le capitalisme ne réussira pas non plus. Notre projet se poursuit : faire une revue culturelle européenne sans complexe ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Un bon numéro de cette revue qui a, je crois, cessé définitivement d'exister. C'est un numéro spécial théâtre roumain, avec en couverture un dessin de Neagu, Eugène Ionesco jeune.

Dans ce numéro, beaucoup d'articles qui méritent d'être mentionnés. Il y a tout d'abord un hommage à Alain Paruit, traducteur qui faisait partie du comité de rédaction et dont sont reproduits, en traduction inédite, sept poèmes de Virgil Mazilescu. Parmi les critiques et notes de lectures, j'ai retenu surtout les lignes de Radu Bata (pp. 247-250) consacrées au livre de Lola Lafon, La petite communiste qui ne souriait jamais, ainsi que celles (traduites du roumain par Laure Hinckel) de George Banu en marge de la pièce de Shakespeare, Comme il vous plaira, mise en scène par le roumain Silviu Purcarete (pp. 233-238).

Mais revenons au dossier « Le théâtre du mot vide ». 180 pages à lire absolument. Virgil Tanase y écrit un mot introductif, « Le chariot vide », après quoi, on peut lire la reproduction intégrale du chapitre concernant la pièce « L'Anglais sans maître » de l'ouvrage de Eugen Simion, « Le Jeune Ionesco », façon, plutôt sympathique de s'approprier le théâtre d'Eugène Ionesco, en littérature roumaine. Cette pièce dont le titre original est « Englezește fără profesor », n'est au fond que la première version de la très célèbre pièce française « La Cantatrice chauve ».

Pour moi, le principal intérêt de la revue réside dans les traductions, par Philippe Loubière de quatre pièces en un acte de Teodor Mazilu, précédées d'une courte étude intitulée « Un théâtre de la démystification » qui présente le dramaturge roumain en ces termes : « personnage central de la bohème littéraire bucarestoise pendant les années noires de la Roumanie communiste, Teodor Mazilu est romancier, poète, à l'occasion chroniqueur sportif, et surtout l'auteur d'une oeuvre théâtrale remarquable, tant en nombre de pièces (27 titres de longueur inégale) que par une puissance dramatique dévastatrice ». Puis, pp. 85 -101, Virgil Tanase propose un large extrait qu'il traduit et adapte pour la scène de la comédie en trois actes « Idiots au clair de lune » du même Teodor Mazilescu.

Et comme il s'agit de lister les principales contributions de ce numéro, je ne saurais omettre ma découverte d'un texte de Horia Gârbea, « Mme Bovary c'est les autres ». Je n'ai, je crois, jamais encore évoqué Horia Gârbea, né en 1962, auteur prolifique et actuellement numéro 2 de l'Union des écrivains roumains. Je termine avec ces quelques lignes de Mircea Ghițulescu : « Madame Bovary c'est les autres est l'illustration exemplaire de cette doctrine [nulle par la conscience lucide de ce que nous sommes ne s'exprime mieux que dans la comédie]. le massacre justicier de Hamlet est connecté à la haine assassine de Madame Bovary avec des références qui évoquent tantôt, et ce n'est certainement pas par hasard, le théâtre de Ion Luca Caragiale, tantôt Carmen de Mérimée, tantôt Faust. L'auteur met dans la bouche de Hamlet une phrase qui vient des comédies de I.L. Caragiale : « Quel merveilleux médecin que l'amour ! » et le tour est joué : cette circonlocution creuse déclenche un massacre digne des tragédies shakespeariennes mais qui n'est, somme toute, une série de crimes burlesques accomplis au nom d'un amour de quatre sous ».
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Merci à Tandarica de ce conseil de lecture hautement avisé. Cette revue vaut le détour. Certes, je ne suis pas très friand des analyses de pièces et autres causeries dramaturgiques, il n'empêche que le dossier sur Ionesco et notamment « La cantatrice chauve » est très intéressant. J'ai appris beaucoup de choses et ces notions me permettent d'affirmer que oui, je suis absurdicien plus Ionescoïte que Beckettien. Bref, ce qui m'intéressait ici surtout, c'était la traduction de pièces originales. On est servis ! Les pièces courtes de Mazilu décryptent les travers de la société patriaralo-conjugale plus que dysfonctionnelle, où les apparences, les traditions ou autres absurdes compétitions pourrissent les vies et ce sentiment qui perd ici de sa noblesse…
Ce n'est pas Visniec qui va nous réconcilier avec sa noblesse d'âme et pourtant il apporte une tendresse, une humanité et une véracité émouvante dans sa pièce Orient : Occident. J'ai lu beaucoup de ses pièces, mais pas celle-ci. Elle vaut le détour. La scène d'ouverture et de clôture est d'une puissante tendresse. Que fait-on des gueules cassées après ? le dramaturge est très bon dans le montage de scènes et celles-ci sont éloquentes. le proxénète, le metteur en scène d'un drôle de mariage, tout contribue à placarder la société roumaine au mi-temps du passage du grand train. Certes le propos nous échappe, mais le train aussi, alors bon…
Je découvre Garbea avec sa variation autour d'Hamlet, de Bovary et de Faust des plus réjouissante. Je ne suis pas fan de ce genre de (dé)montage et pourtant, cela fonctionne à merveille, on se prend au jeu, aux joutes, aux meurtres, aux mises en abyme multiples et aux retours au point de départ d'une platitude que n'envieraient pas forcément Mr et Mme Smith de, vous savez qui. Sacré morceau de théâtre !
Les textes poétiques qui terminent l'ouvrage, sont très divers. L'authenticité de Zalan ouvre des portes artistiques et philosophiques. Côtoyer Dieu sur un quai de gare avec Petocz est surprenant. Quant à Gaillard, il nous emmène dans une étrange maison peuplée de personnages aux comportements singuliers et pourtant si utiles, en ces temps où le quotidien essore à souhait son essence poétique. Pozner nous emmène littéralement au théâtre, un peu comme Lautrec. Marlescu pose ici une hymne saisissante. Botta clôture de manière lyrique et sensible sur son expérience intérieure des théâtres.
La revue s'achève par des critiques et propositions de lecture. Décidément, ce livre est une mine d'or. Merci et bravo !
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
[…] les mots sont ce qu’ils sont et leur usage quotidien, pour les besoins de notre vie ordinaire, les remplit d’une matière trop mince pour ne pas être dérisoire mais dont l’utilité occulte la disproportion entre le contenu et le contenant. Elle apparaît dans le discours de certains personnages de théâtre imaginés par des auteurs qui tirent leur comique de cette disparité, celle d’un caillou enfermé dans l’immense citerne vide d’un camion en train de dévaler à toute vitesse une route défoncée : le creux devient sonore, le discours s’offre des atours impérieux pour couvrir un guignol, bref la montagne accouche d’une souris. Sentiment qui se retourne aussitôt pour devenir tragique : la souris, dérisoire dans le contexte, souffre et saigne comme tout être vivant, elle a faim, elle a soif et elle a peur du chat.
C’est la substance, il me semble, des pièces de Ion Luca Caragiale, notre auteur dramatique national d’une originalité aussi stupéfiante que son manque de notoriété internationale.

(p. 20, Virgil Tanase)
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De nouveau sous les draps et de blanches

de nouveau sous les drap et de blanches
chemises accrochées à la corde à linge
dans le quartier rongé par le souvenir jusqu'au sang

de tes deux talons carrés
tu brasses l'air vite et sans cadence
de tes deux bras qui ont oubliés l'océan

(poème de Virgil Mazilescu, traduit du roumain par Alain Paruit)
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