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EAN : 9782721012142
80 pages
Editions des Femmes (05/11/2023)
3.33/5   3 notes
Résumé :
Pinar Selek s'intéresse aux différentes étapes de la construction de la domination hégémonique masculine, essayant de « sonder les ténèbres qui font d'un bébé un assassin ». L'enquête de terrain initiale menée en 2007, l'avait conduite à rencontrer des hommes d'origines géographiques et de milieux sociaux très différents sur plusieurs générations ayant seulement en commun d'avoir été obligés de faire leur service militaire, obligatoire en Turquie. Ce fut l'objet d'u... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
J'ai reçu cet ouvrage dans le cadre de la dernière Masse Critique et j'en remercie Babelio ainsi que les éditions "des femmes - Antoinette Fouque". J'avoue ne pas avoir très bien su à quoi m'attendre mais le titre m'avait bien appâtée : "Le chaudron militaire turc". Peut-être s'agit-il d'une incursion dans les rouages de l'armée et de son rapport avec le pouvoir d'Erdogan, me suis-je dit ?
Eh bien, pas du tout.
Il s'agit dans cet ouvrage du rôle de la masculinité dans l'organisation de la violence politique, ce qui passe par l'analyse du service militaire tel qu'il est pratiqué en Turquie, à savoir comment faire "d'un bébé un assassin". Et dans un pays fréquemment en guerre : guerre de Chypre en 1974, de Somalie en 1990 et conflits armés dans la région kurde en Turquie, la chose revêt toute son importance !

Service militaire obligatoire, bien sûr, seuls en sont écartés ceux qui ne sont pas considérés médicalement comme aptes, ainsi que les homosexuels ; ceux-là reçoivent une attestation d'invalidité indiquant que la personne est "pourrie" ! (sic).
Et l'auteur de nous conter par le détail comment faire d'un Mehmetçik, c'est à dire un bleu, un Mehmet, donc un homme, un vrai, un mâle alpha au sein de sa famille, mais surtout un homme au service du pouvoir, prêt à tout sur l'ordre d'un supérieur.
La recette éprouvée passe par les humiliations, la violence, les brimades de tout poil, la punition du groupe pour une défaillance commise par un seul, l'apprentissage de l'obéissance aveugle quelle que soit l'imbécillité de l'ordre donné, ... enfin tout un ensemble de procédés où, en se fondant dans "le chaudron de l'armée" on se met au service du nationalisme turc, au service de l'Etat, "le plus grand des papas", car infantilisation et militarisation vont de pair !

En toute fin de l'ouvrage seulement, Pinar Selek évoque la banalité du mal, telle que conçue par Hannah Arendt expliquant qu'il est aisé de transformer des individus ordinaires en assassins, en pointant "l'absence de pensée, la totale indifférence à autrui, la perte de l'autonomie de jugement chez les auteurs de violence", tous comportements favorisés par le formatage des jeunes appelés au service militaire en Turquie !
Ainsi en est-il des "Loups gris" cette organisation d'extrême droite turque, proche du pouvoir, dont les meneurs sont responsables des assassinats commis sur les intellectuels, journalistes, etc. et responsables également des atrocités commises contre les populations arménienne, grecque ou kurde.
Il est dommage que Pinar Selek n'ait pas développé plus longuement ces aspects et les conséquences sur la société turque actuelle de cette militarisation de la population mâle.

Pinar Selek, sociologue, conteuse, autrice et militante antimilitariste turque est victime dans son pays, où elle a passé plusieurs années en prison, d'un acharnement politico-judiciaire. Son travail d'enquête auprès de la diaspora politique kurde lui a valu d'être arrêtée en 1998, puis torturée afin d'obtenir le nom des personnes qu'elle avait contactées.
Libérée, elle continue pourtant à être inquiétée par une justice qui annule régulièrement son acquittement. Elle vit en France depuis 2011 et a obtenu la nationalité française en 2017.
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Qui a lu Devenir un homme en rampant de Pinar Selek n'a pas besoin de lire son nouvel essai. le discours est le même, le questionnement aussi. Ma critique n'évitera donc pas la répétition. Je veux m'éviter trop d'efforts alors je copie et je colle :


 " Qu'apprend-t-on, en effet? Que l'armée turque sert à affirmer la virilité de l'homme qu'elle veut parfait pour les bienfaits de la société dite patriarcale; qu'elle modèle le sexe masculin selon les stéréotypes partout véhiculés; qu'elle impose la violence et l'humiliation; qu'elle fonctionne à partir d'une hiérarchisation; que les conscrits finissent, en majorité, par intégrer et justifier ce mode de fonctionnement, convaincus qu'ils sont, comme beaucoup au sein de la société, que l'armée est un lieu par lequel il faut passer pour apprendre à souffrir et construire son identité, sa maturité, sa virilité." Et je recopie ma critique : "Comment parvient-elle à répondre à une de ses questions de départ qui surgit au lendemain de la mort de Hrant Dink et qui l'amène à s'interroger sur ce "système qui insidieusement transforme un bébé en assassin" (p. 29)? Elle interroge la construction de la "virilité" au sein de la société turque, l'image qui en est faite et le processus d'apprentissage de la "masculinité", bien, mais pourquoi avoir choisi l'armée comme laboratoire quand il existe d'autres institutions (familles, écoles... etc) influentes dans la construction de la "masculinité"? " 

En effet, je n'ai toujours pas été convaincue par le choix et la démarche de l'autrice. Pourquoi choisir le service militaire turc comme le lieu le plus pertinent pour répondre à la question qui l'intrigue et qu'elle pose? Pourquoi quand on sait que d'autres institutions jouent un rôle tout aussi crucial dans la construction toxique de l'identité masculine? Crucial parce que bien en amont de l'âge adulte. Pourquoi pas me dira-t-on. Je répondrais qu'il en va de la pertinence du discours car malheureusement, en Turquie, un jeune homme n'a pas besoin de faire son service militaire pour penser son identité masculine. Ogun Samast, assassin du journaliste arménien Hrant Dunk, avait 17 ans au moment des faits. 


Avait-il fait son service militaire? Et question plus banale encore, tous les hommes qui sortent de leur service militaire sont-ils fait du même moule? Est-on sûre, par exemple, que le service militaire ait pour tous la même signification, résonance et conséquence? Je pense ici aux conscrits kurdes. Je ne suis pas sûre qu'ils en ressortent avec la même fierté pour la mère patrie. Je ne suis pas sûre qu'ils avalent de la même manière les discours sur l'homme. Je ne suis pas sûre que le service militaire soit pour eux le passage requis pour devenir l'homme fort du pays. Je précise parce que la réalité me semble plus complexe que le discours de l'autrice. 


Le service militaire en Turquie est un sale lieu, vrai, il humilie et soumet, vrai, mais en quoi est-il celui qui transforme le bébé garçon en assassin quand on sait que le nationalisme turc, les institutions politiques turques, l'école turque, la famille turque, les médias Turcs font déjà le boulot en amont? L'armée n'est qu'un autre rouage de l'Etat. Son influence peut être étudiée mais je ne suis pas persuadée, pour répondre à la question de l'autrice, que c'est elle qui fasse du bébé turc un potentiel assassin. Je viserai plutôt l'idéologie de l'Etat turc et cette idéologie se diffuse PARTOUT dans la société. Je dirais donc qu'à l'image d'un Ogun Samast, on peut devenir un assassin avant même son service militaire. 


Alors Pinar Selek répond sans doute à mille questions mais pas à celle qu'elle pose et qui motive son étude. En tout cas pour moi elle passe à côté. 

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Née en 1971, Pınar Selek est une sociologue d'origine turque. Elle a mené des enquêtes sur les groupes opprimés en Turquie (personnes homosexuelles et trans, Kurdes) et pour ces raisons s'est mise à dos le régime. En 1998, après une explosion au gaz dans le bazar aux épices d'Istanbul, les autorités prétendent qu'ils s'agissait d'un attentat et l'accusent d'y avoir participé. Elle est emprisonnée et torturée. Elle a été jugée et acquittée quatre fois. Un cinquième procès est prévu. En 2011 elle a trouvé asile en France.

Le 19 janvier 2007 Hrant Dink, journaliste arménien et ami de Pınar Selek est assassiné. A ses obsèques Rakel Dink, la femme de Hrant, dit : « Rien ne se fera, mes ami.es, sans sonder les ténèbres qui font d'un bébé un assassin ». Pınar Selek se questionne alors sur le « rôle de la masculinité normative dans l'organisation de la violence politique » et décide de mener une étude sociologique sur le service militaire en Turquie. Ce travail a donné lieu à un livre paru en Turquie en 2009. Devenir homme en rampant, est parue en 2014. L'ouvrage est épuisé. le chaudron militaire turc est une sorte de résumé de ce précédent ouvrage. Ce court livre de 100 pages est paru en 2023 alors que Pınar Selek devait être rejugée le 29 septembre. Ce procès a été reporté au 28 juin 2024.

Pınar Selek distingue six étapes de l'acquisition du statut de sexe dominant en Turquie : circoncision, première expérience sexuelle, service militaire, travail, mariage, paternité. Dans les milieux traditionnels ces étapes sont l'occasion de célébrations familiales et mettent en valeur le fait d'avoir un pénis. Lors du service militaire les jeunes hommes apprennent à obéir à des ordres ineptes. Ils sont brutalisés par leurs supérieurs et leurs camarades incorporés avant eux. Cela les amène à consentir à l'organisation hiérarchique car ils savent que, en montant en grade, ils seront moins souvent battus et pourront battre à leur tour les nouveaux. Les hommes qui témoignent sont de générations très diverses. Certains ont fait la guerre de Corée (la Turquie y a participé aux côtés des forces de la coalition américaine), d'autres sont nés dans les années 1970. Tous ont subi des violences. Cette violence est acceptée par les soldats : les commandants non violents ne sont pas pris au sérieux, ce qui légitime l'usage de la violence.

J'ai apprécié le regard féministe et j'ai trouvé intéressant la réflexion menée sur le rôle du service militaire dans la perpétuation d'une masculinité normative. Toutes proportions gardées il m'a semblé que le service militaire tel qu'il existait en France jusqu'au 20° siècle devait bien avoir le même effet.
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Dans le processus de militaro-masculinisation, les jeunes hommes apprennent à tuer et à baiser : inséparable alliance.
Pendant leur formation et leurs exercices, ils apprennent de façon systémique l'importance de leur phallus en tant que symbole de puissance et de destruction.
Page 71
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